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Les Cahiers de doléances du Secours populaire

Mis à jour le par Olivier Vilain
En 1989, lors du bicentenaire de la révolution, le Secours populaire a mis en place des "Cahiers de doléances" pour que les personnes en difficulté témoignent de leur quotidien et prennent conscience de leur existence en tant que groupe social.

Depuis 30 ans, le Secours populaire tient régulièrement des cahiers de doléances afin que les personnes accueillies dans ses permanences expriment leur attentes d'une vie décente. Alors que les conditions de vie font largement débat en ce début 2019, l'assocation les invite à confier leurs colères, leurs envies, leurs analyses dans de nouveaux Cahiers de doléances.

Depuis la mi-novembre, un mouvement de protestation braque les projecteurs sur les difficultés croissantes que rencontre une partie importante de la population. Aides-soignantes, institutrices, ouvriers, artisans, etc., se réunissent sur les ronds-points, manifestent dans les rues des villes les plus diverses. Ce mouvement est soutenu, selon différentes enquêtes d’opinions, par une majorité de Français, et de manière encore plus large parmi les ouvriers et les employées de services, qui constituent la moitié des ménages. L’un des modes de cette expression populaire est l’écriture de doléances dans les mairies.

Les cahiers de doléances du Secours populaire

Chaque jour, les membres du Secours populaire accueillent, écoutent et accompagnent les personnes en difficulté. Ils sont témoins de leurs conditions de vie et de l’énergie que déploient les hommes, les femmes et les enfants confrontés à la pauvreté. Dans ce contexte, le Secours populaire ouvre lui aussi de « nouveaux Cahiers de doléance ». Conformément à son rôle « d’aiguillon des pouvoirs publics » et « en sa qualité d’avocat des pauvres », l’association invite les 3,3 millions de personnes que ses bénévoles accompagnent chaque année, ainsi que tous les gens de bonne volonté qui se sentent proche de ses valeurs humanistes, à s’exprimer.

En 1999, des cahiers de doléances sont mis en circulation pour que les gens frappés par la précarité puissent s'exprimer.

En 1989, des cahiers de doléances sont mis en circulation pour que les gens frappés par la précarité puissent s’exprimer.


Le but de cette prise de parole? Que chacun puisse dire ses « difficultés à joindre les deux bouts » et leur « espoir » que deux ou trois mesures pourrait apparaitre « prioritaires pour vivre mieux et dignement ». « Nous allons faire participer les adultes comme les enfants, car ces derniers aussi doivent raconter leur quotidien et exprimer leur désir de solidarité », souligne Sonia Serra, secrétaire nationale du Secours populaire.

En 1989, aussi. Ce n’est pas la première fois que l’association a recours à ce type de mobilisation. Depuis de nombreuses années, l’association tente de sensibiliser sur cette réalité vécue, tout en donnant la parole aux personnes accueillies. C’était le sens de la première édition des « nouveaux cahiers de doléances », entreprise en 1989, année du bicentenaire de la Révolution française.

Nous nous adressons aux pauvres, aux malheureux, aux défavorisés (…) dans l’esprit des proclamations des Droits de l’Homme et du citoyen [afin que] les droits des pauvres soient sauvegardés, élargis (…)

— Julien Lauprêtre, le président du Secours populaire, en 1989.

Dix ans après les cahiers de doléances, Le dire pour agir a de nouveau fait entendre la voix des précaires.

Dix ans après les cahiers de doléances, Le dire pour agir a de nouveau fait entendre la voix des précaires.


Plus de 700 000 personnes s’étaient ainsi exprimées, y compris des enfants dans des cahiers spécialement conçus pour eux. En répondant à des questions très précises sur l’alimentation, l’habitat, les vacances, etc., les participants ont décrit de manière détaillée la montée de « la nouvelle pauvreté » et ses privations. Cela préfigure les données très denses des baromètres de la pauvreté que le Secours populaire et Ipsos ont ensuite publiés, depuis le milieu des années 2000.

Une fois remplis, les milliers de cahiers de doléances de 1989 ont été portés par les bénévoles à l’hôtel Matignon, siège du Premier ministre, ainsi que dans les préfectures et les conseils généraux (ancêtres des conseils départementaux). La campagne se clôt par les « États généraux de la solidarité », tenus du 8 au 10 décembre 1989 à Toulouse.

Un choc, même au sein du Secours populaire

L’un des apports de la compilation de ces témoignages est la mise en lumière de la pauvreté des jeunes. « C’est un choc pour les bénévoles car beaucoup d’étudiants et de jeunes chômeurs participent à l’opération, montrant que la pauvreté frappe également durant les études », explique Hedi Condroyer, membre de la direction du Secours populaire. Des comités vont, à partir de cette époque, mettre en place des actions en direction de ce public.

Le Secours populaire remet en place des cahiers de doléances pour faire avancer "deux ou trois mesures" à même d'améliorer la vie des catégories populaires.

Le Secours populaire remet en place des cahiers de doléances pour faire avancer « deux ou trois mesures » à même d’améliorer la vie des catégories populaires.


En 1999, « Le dire pour agir »

De mai 1998 à l’été 1999, le Secours populaire aura recours à nouveau aux cahiers de doléances, appelés « Le dire pour agir ». Dans ses permanences, l’association recueille les aspirations des personnes confrontées à la précarité, suite au détricotage des cadres économiques et de redistribution qui avaient permis une relative égalisation des conditions de vie et de participation démocratique des différentes catégories sociales. Ces cahiers ont 32 pages articulées autour de 11 thèmes (« Ce qui me met en colère », « Ce qui me rend heureux », etc.), laissant ainsi plus de liberté aux participants pour s’exprimer. « C’étaient des questions ouvertes car la misère n’est pas seulement matérielle. Il faut intervenir sur l’isolement, le bien-être, la santé… Cette démarche a débouché sur des ateliers d’écriture et de parole », se rappelle Sonia Serra.

En 2010, cette démarche a été reprise avec une nouvelle édition du dire pour agir, appelé « 2010, pauvres et précaires, par milliers ils ont témoigné« . Cette fois, le Secours populaire ne s’est pas fait l’intermédiaire de la souffrance des gens en difficulté, mais ses bénévoles ont aidé ces derniers à s’exprimer par eux-mêmes, à travers des ateliers d’écriture et de parole, notamment en Seine-Maritime, dans l’Essonne, dans le Gard ou dans les Bouches-du-Rhône.

La pauvreté ne se gère pas, elle se combat — Julien Lauprêtre, président du Secours populaire.

En 2012 encore, le Secours populaire avait alerté sur les risques que faisait peser la suppression de l’aide alimentaire européenne. Les bénévoles avaient ouvert des cahiers de doléances pour montrer l’importance de ce mécanisme d’aide pour les 4 millions de Français qui avaient recours aux associations pour se nourrir. La mobilisation avait permis de conserver une solidarité européenne dans le domaine de l’alimentation. « Ces témoignages permettent de mieux penser la solidarité et d’agir en connaissance de cause, ajoute Sonia Serra. Il ne faut pas que cela reste lettre-morte, il faut ensuite transformer la société. »

700 000 témoignages poignants ont été recueillis en 1989. Une répartition des richesses ferait disparaitre la pauvreté.

700 000 témoignages poignants ont été recueillis en 1989. Une juste répartition des richesses ferait disparaitre la pauvreté.

 

L’action de solidarité du Secours populaire se fonde sur l’expression directe des personnes en difficutlé, afin de jouer son rôle d’aiguillon des pouvoirs publics et d’avocat des pauvres.

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