Mayotte, le bilan de la solidarité, 1 an après

Mis à jour le par Olivier Vilain
Don de semences pour la culture vivrière dans le nord de l’île. Les collectifs paysans, de riverains, de femmes sont actifs pour améliorer la vie quotidienne ©N. Navin / SPF

Le Secours populaire intervient aux côtés de ses partenaires mahorais qui s’activent auprès de la population qui vit dans des conditions très difficiles depuis les passages du cyclone Chido puis de la tempête tropicale Dikeledi, les 14 décembre 2024 et le 12 janvier 2025.

Le 14 décembre 2024, Mayotte a été frappée par le cyclone Chido. Puis, le 12 janvier suivant, c’était au tour de la tempête tropicale Dikeledi de répandre la dévastation à travers cette petite île de l’océan Indien. Avec 40 morts et 41 disparus, des milliers de blessés et de sinistrés, les conséquences sont considérables sur le département le plus pauvre de France. «Un cyclone, cest très impressionnant. Ça souffle fort, fort, fort. Tout vole. Puis, on n’entend plus rien, tout retombe. Mais, au bout d’un moment, ça repart encore plus fort. Les cycles recommencent pendant des heures», se rappelle Kamal Abdoul Wahabi, président de Kaweni nouvelle aire, l’un des partenaires locaux du Secours populaire. «Chido est parti, mais la peur et le trauma sont restés.» 

Avec ses différents partenaires sur place, le Secours populaire a aidé 16 500 personnes depuis la double catastrophe. Pour répondre aux urgences, l’association a mis en place 20 pompes filtrantes pour alimenter une partie de la population en eau potable et mis à disposition 7 antennes satellite pour assurer la coordination des secours. 

Comme il y a beaucoup de coupures, c’est difficile de trouver de l’eau à Mayotte

Parmi plusieurs chantiers, le Secours populaire a réhabilité un centre de l’enfance qui accueille 80 enfants non scolarisés à Tsingoni et la mise en place d’une bibliothèque de rue et d’une école de campagne à Kawéni. La destruction de nombreuses infrastructures, des récoltes et de très nombreuses habitations, en particulier dans les nombreux bidonvilles, ont aggravé la forte vulnérabilité de la population.  

L’accès à l’eau, à l’éducation et à la santé, ou encore bénéficier de l’assainissement, ont été rendus plus difficiles. « Comme il y a beaucoup de coupures, c’est difficile de trouver de l’eau à Mayotte », relève Fazanti Houmadi Ali, habitante de Manga Télé, quartier de Kaweni. 

UrgenceMayotte ©KWEZI-AFP
Des Mahorais devant les ruines de bois et de tôles de leurs maisons, détruites par le cyclone Chido. Mayotte, le 15 décembre 2024. ©KWEZI-AFP

Même si des mesures institutionnelles ont été annoncées pour améliorer les inégalités structurelles et moderniser les infrastructures et que les habitants tentent de se relever progressivement, les besoins demeurent immenses. «Il ne faudrait pas croire que lensemble des problèmes auront été résolus une fois qu’auront été réglés l’accès à l’eau ou à l’électricité. Nous vivons dans un territoire sur lequel tout est problématique. La reconstruction doit se faire progressivement, de manière concertée, mais sur tout un ensemble de secteurs», analyse Saïd Mohamadi, directeur de l’Association des Étudiants et des Jeunes de Mayotte (AEJM), un autre partenaire du Secours populaire. 

Dans les heures suivant le passage du cyclone, le Secours populaire s’est mobilisé en lançant un appel à solidarité et en mettant à disposition de ses partenaires mahorais un premier soutien de 100 000 euros. Dans une volonté d’accompagnement de ses partenaires, le Secours populaire a mené au total 8 missions à Mayotte entre décembre 2024 et décembre 2025. Un an après le passage du cyclone, le Secours populaire continue d’accompagner ses partenaires sur place à développer des projets de solidarité.  

Santé communautaire et kits de potabilisation de l’eau

À l’ouest de l’île, sur la commune de Tsingoni et dans les villages alentour, le Secours populaire soutient depuis un an son partenaire Horizon qui met en place un réseau de santé communautaire dans les quartiers dits « informels », comme sont appelés les bidonvilles où vit la population pauvre et les sans-papiers. «Pour la constitution dun réseau de santé communautaire, indique Duplexe Dammayao, cheffe de projet chez Horizon. Nous formons des habitants pour qu’ils soient nos relais dans cinq communes, qui regroupent 65 000 personnes. »  

Grâce à l’équipe d’Horizon et aux habitants formés pour participer au réseau de santé communautaire, «nous allons renforcer le dépistage de lhypertension, de la malnutrition et du VIH, en lien avec des équipes médicalisées de l’ARS», souligne Duplexe. Cela s’appuie sur les relais communautaires, qui sensibilisent la population à l’importance de la vaccination, de l’hygiène, de la santé mentale, de la protection maternelle et infantile, ainsi qu’à la prévention des maladies infectieuses et chroniques. «Nous faisons ainsi de la prévention épidémique en surveillant lapparition possible des symptômes liés aux piqûres de moustiques ou à la mauvaise qualité de leau»  

Plus récemment, Horizon a mis en service, avec l’aide du Secours populaire, un bus de transport médical. Une partie des habitants de Tsingoni et des villages alentour ne vont pas voir un médecin, à cause de l’éloignement du système de soins et du coût du transport : aucun bus ne passe par là et le taxi est trop cher. «Avec ce bus, nous transportons plus de 30 personnes par mois, aussi bien pour des urgences que pour assurer le suivi des traitements.» 

Mayotte. Distribution. Pastille purification eau.
L’Association des étudiants et des jeunes de Mayotte distribue des pastilles de purification d’eau fournies par le Secours populaire ©AEJM / SPF

La commune de Kawéni, rattachée à la plus grande ville de l’île, Mamoudzou, compte près de 20 000 habitants, pour beaucoup logés dans des habitats précaires, informels. Elle a été durement touchée par le cyclone. Le Secours populaire a soutenu son partenaire Kaweni Nouvelle Aire (KNA) qui a ainsi pu distribuer 5 000 kits de première nécessité (eau, nourriture, produits d’hygiène) et aider à la mise en place de 3 centres de soins temporaires dans les quartiers de Jamaïque, Koungou et Kwalé.  

Dans les quartiers de Disma, Manga Télé et Bandrajou, KNA met désormais en œuvre un important projet d’accès à l’eau potable. «Quand on va dans ces quartiers, on ne voit pas deau courante, pas d’électricité, et il y a toujours des problèmes concernant la scolarisation des enfants. Les quartiers sont totalement abandonnés et les gens ont encore été fragilisés par Chido», relate Kamal Abdoul Wahabi, président de KNA.  

KNA a distribué 750 kits de filtration de l’eau par gravité et formé 50 jeunes pour accompagner les familles dans leur utilisation et les sensibiliser aux gestes d’hygiène. Depuis la première distribution de kits réalisée le 25 novembre, 5 000 personnes bénéficient d’un accès direct à de l’eau potable. «On ma appelé pour la distribution des seaux filtreurs, parce qu’on a des enfants. On pourra subvenir à nos besoins, préparer à manger, prendre la douche et aussi boire», témoigne Saïd Laouia, habitant du quartier de Disma. 

80 000 semences pour relancer le jardin mahorais

Les prix de l’alimentaire ont plus que doublé depuis la destruction des récoltes par Chido. «Avant le sac de 20kg de riz valait 20euros. Maintenant, cest plutôt 50euros», calcule Kamal Abdoul Wahabi, président de KNA. Pour ramener les prix à des niveaux acceptables, le Secours populaire aide les agriculteurs de Mayotte à redémarrer leur production, qui a été totalement rasée par Chido. Des outils (débroussailleuses, tronçonneuses, broyeurs professionnels, protections de sécurité) ont été remis aux agriculteurs locaux pour leur permettre de remettre leurs parcelles en état et de sécuriser leurs enclos.  

1 500 plants de bananiers et près de 80 000 semences (tomates, aubergines, melons, pastèques, courgettes, maïs doux) leur ont également été remis. «Deux cents agriculteurs bénéficient de ce soutien», précise Fouad Ali, fondateur de La Cantine de Mayotte. «Il y a urgence à rétablir lagriculture vivrière, que l’on appelle chez nous le “jardin mahorais”.» 

ENCADRE  

«Vacances de Ouf» pour 500 enfants 

Le 13 décembre, plus de 500 enfants de Mayotte, mais aussi de La Réunion et de Madagascar, âgés de 6 à 12 ans, se sont retrouvés sur la Musicale Plage de Bandrélé pour une journée de loisirs et de vacances placée sous le signe de la solidarité et du vivre ensemble.  

Dès 9 heures, ils ont profité d’ateliers et d’animations variés : Beach-Volley, football, jeux traditionnels, aquagym, natation, paddle, kayak, plongée avec palmes, masques et tubas, trampoline géant, châteaux gonflables, ainsi que des ateliers de sensibilisation sur l’eau, l’environnement, la santé et l’insertion professionnelle.  

Après un grand pique-nique partagé, les enfants ont poursuivi leurs activités avant qu’un concert d’artistes locaux ne vienne clôturer cette journée festive, essentielle pour tous. En septembre dernier, une première Journée des Oubliés des Vacances à la plage s’était déroulée et avait concerné 300 personnes.