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Halima Diagouraga : Au bonheur des femmes

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Un programme de maraîchage destiné aux femmes au Mali
Halima Diagouraga dans le jardin qu’elle cultive, dans le cadre du programme de l’AMSCID et avec le soutien du Secours populaire français. Mars 2023, Diongaga au Mali. ©Mahadi Diouhara / SPF

Halima Diagouraga est maire de la commune rurale de Diafounou-Diongaga mais elle est, avant cela, une maraîchère. Dans le cadre de son activité agricole, elle est soutenue, comme des centaines d’autres femmes du Cercle de Yélimané, par l’Amscid, le partenaire historique du Secours populaire au Mali. Nous l’avons rencontrée la veille de la Journée internationale des droits des femmes. Portrait d’une femme engagée.

Halima passe du soninké au français. Ce dernier, elle peut le parler quand il s’agit de décrire les gestes de la vie quotidienne mais dès lors qu’elle puise dans ses souvenirs ou ses sentiments, que l’émotion s’en mêle, c’est sa langue natale qui s’impose. Aussi, quand elle parle, s’impose-t-elle souvent. Dans la commune rurale de Diafounou-Diongaga, tout le monde connait Halima Diagouraga : depuis 2016, elle est la maire de ce groupement de neuf villages situé dans le sud-ouest du Mali, à une poignée de kilomètres de la frontière mauritanienne, et accueillant environ 15 000 habitants. « La première femme à diriger une commune dans le cercle de Yélimané », précise-t-elle en un mélange de fierté, de douceur et de fermeté. Je suis aussi la mère de sept enfants, qui ont entre 21 et 44 ans. Et je suis une femme maraîchère. » Si les matinées d’Halima sont dédiées à la gestion des affaires de sa commune, les après-midi demeurent réservées à la culture de ses légumes. « Je fais pousser de tout ! Enfin, presque : des pommes de terre, des aubergines, des carottes, des oignons, des laitues, des poivrons, des choux, des gombos… »  C’est ainsi que l’on avait d’abord rencontré Halima : en tant que membre de l’association maraîchère Méraguémou et présidente de la coordination cantonale des maraîchères de Diafounou, regroupant 20 associations comme la sienne. Toutes sont soutenues par le partenaire historique du Secours populaire dans cette région du Mali, l’AMSCID (Association malienne de solidarité et de coopération internationale pour le développement).

« C’est une grande fierté de pouvoir consommer le fruit de mon travail. »

A notre demande, Halima remonte le temps – près de quatre décennies, une époque où il n’y avait aucune culture de légumes dans le village. « Il fallait faire plus de 100 km pour en trouver », se souvient Halima. Elle crée ainsi, avec d’autres femmes, sa propre association afin de se lancer dans le maraîchage. « Les cotisations de l’association, nous les avons mises dans une caisse commune pour acheter un périmètre d’un hectare. Nous travaillions ensemble et partagions tout. » C’est alors que se noue le lien avec le Secours populaire, via son partenaire malien. « L’Amscid nous a soutenues comme elle a aidé de nombreuses femmes dans le cercle de Yélimané. Nous avons reçu des semences de légumes ainsi que des outils, des brouette, des pelles, des arrosoirs… Et, surtout, nous avons pu suivre des formations sur les techniques maraîchères. A présent, on peut trouver dans notre région de bons légumes de plein de variétés différentes. » Cultiver la terre et en recueillir les fruits a tout de suite été une source de bonheur intense pour les maraîchères : « Grâce à notre travail, les gamelles de nos enfants, quand ils allaient à l’école, étaient bien remplies ! » sourit-elle. Et continue, avec une pointe de gravité dans la voix : « C’est une grande fierté de pouvoir consommer le fruit de mon travail ». Depuis qu’elles sont appuyées par l’Amscid et le Secours populaire, les femmes de la région peuvent en plus commercialiser une partie de leurs récoltes : leur activité génère des revenus qui bénéficient à toute la famille.

« L’autonomisation des femmes et des filles, c’est ce qui m’a toujours motivée. »

Donner toute leur place aux femmes dans la vie du foyer comme du village est au cœur du combat d’Halima en tant que maire. « L’autonomisation des femmes et des filles, c’est ce qui m’a toujours motivée, affirme-t-elle. Au sein de la commune, elle met ainsi en place des campagnes de sensibilisation informant les femmes sur leurs droits : celui de vivre libre de toute violence, de travailler et se former, ou encore de voter et être élue. « Je m’engage avec force contre les mariages précoces. Avant d’être maire, j’ai été membre du comité de gestion scolaire où je m’occupais de la question de la scolarisation des filles. » Elle se bat d’autant plus pour que les filles aillent à l’école et y restent idéalement jusqu’au bac, qu’elle-même a dû quitter l’école tôt, à l’âge de 13 ans. Deux ans plus tard elle se mariait puis à l’âge de 16 ans avait son premier enfant. C’était une autre époque – les années 70 – et ce qu’Halima tient à souligner, c’est une enfance heureuse. « Je me rendais compte de ma chance de ne pas connaître la pauvreté, d’avoir eu aussi l’occasion de voyager dans le pays, ce qui m’a fait découvrir d’autres communautés, songe-t-elle.Mon grand-père était chef de village : c’est lui qui a certainement suscité mon désir de le devenir à mon tour. »

Halima Diagouraga : Au bonheur des femmes
Halima Diagouraga devant la mairie de Diafounou-Diongaga, mars 2023. ©Mahadi Diouhara / SPF

Au cœur de l’exercice de ses responsabilités, Halima place l’hospitalité. « A Diongaga, les étrangers sont toujours bien accueillis. La population du village est d’ailleurs composée de différents peuples qui vivent en harmonie : des Soninkés, des Peuls, des Maures, des Bambaras. Afin que tout le monde s’entende et se sente chez soi, j’associe les habitants aux grandes décisions. La parole est donnée à tout le monde, sans exception. » Halima le confie : ce qu’elle préfère dans sa fonction de maire, c’est faire que toutes et tous, au-delà de leurs différences,  œuvrent dans un sens commun « dans le respect mutuel et la dignité », les deux valeurs qui lui sont le plus chères. L’énergie d’agir pour le développement de sa commune et y donner à chacun une place, Halima la puise dans la certitude qu’« une vie heureuse est possible pour tous, ici, au village ». Une autre de ses batailles est ainsi la lutte contre l’émigration, le refus d’accepter que, mus par le mirage d’une vie meilleure ailleurs, des cohortes de jeunes gens s’évanouissent dans le Sahara ou s’abîment dans la Méditerranée, « laissant leurs mères inconsolables ».

« Nous travaillons dans l’optique d’un développement durable. »

Quand nous rencontrons Halima, elle revient d’une longue matinée de travail à la mairie consacrée à la mise en œuvre sur sa commune d’une orientation gouvernementale qui fait écho à une de ses préoccupations de toujours : la sauvegarde de l’environnement et la sensibilisation à l’écologie. Halima accompagne l’impulsion de « brigades vertes » qui, partout sur sa commune, reboisent et reverdissent les alentours, font reculer la désertification. « Cela permettra de créer des pâturages pour donner à manger aux animaux et des espaces pour le maraîchage, et aussi de régénérer les sols, s’enthousiasme-t-elle. On pourra planter des arbres fruitiers. Ce travail nous le faisons dans une optique d’un développement durable. » Halima a fait un long chemin, depuis les premières semences reçues de l’Amscid et du Secours populaire, il y a des décennies de cela. Mais ces premières graines, elle ne les a pas oubliées et ce sont celles-ci qui continuent de croître en elle. « Au contact de l’Amscid, j’ai beaucoup appris : le sens de l’écoute, le souci d’aller au plus près des besoins des personnes. J’ai aussi compris l’importance des formations, qui permettent aux personnes de devenir autonomes, et de la confiance qui leur permet de grandir. »

« Ça fait du bien de savoir que le Secours populaire est à nos côtés. »

« L’accompagnement du Secours populaire et l’Amscid est très important, prolonge-t-elle. Pour les activités de maraîchage bien sûr, qu’ils accompagnent indéfectiblement. Mais aussi lors de catastrophes. « Il y a deux ans, témoigne Halima, des inondations ont fait beaucoup de dégâts ; les gens ont perdu leurs réserves de nourriture et leurs champs ont été dévastés. Ils ne pouvaient plus se nourrir. Les familles pauvres de la commune avaient alors bénéficié de l’aide du Secours populaire. Elles avaient reçu des céréales, du sucre, de l’huile… » Elle remonte dans ses souvenirs : « Il y a quatre ans, il y avait eu une sécheresse qui avait causé le même problème. En tant que maire, j’avais recensé les personnes les plus vulnérables et nous avions pu, grâce au Secours populaire, leur porter secours. Les gens m’en parlent encore. Ils me disent que cette aide leur a sauvé la vie. Et que ça fait du bien de savoir que le Secours populaire est à nos côtés. » Notre conversation se termine : Halima a du travail. C’est l’heure pour elle d’aller aux champs. Il y a aussi une grande fête à préparer : nous sommes la veille du 8 mars, la Journée internationale des droits des femmes. Elle y est fortement attachée – d’autant qu’elle « adore faire la fête », lâche-t-elle dans un éclat de rire. Le village accueille pour l’occasion des chants et de la musique, propose aux habitants à boire et à manger. « Nous allons passer un moment tous ensemble, se réjouit-elle. Je ferai un discours pour rappeler l’histoire de cette journée et l’importance du droit des femmes. » On s’en doute : cela fait longtemps que le discours d’Halima est prêt.

Halima Diagouraga : Au bonheur des femmes
Halima Diagouraga chez elle, dans son village de Diongaga, mars 2023. ©Mahadi Diouhara / SPF

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