Générosité et dignité des personnes vont de pair

Mis à jour le par Anne-Marie Cousin
Les dons matériels sont stockés dans des centrales de collectage, comme ici en région Pays-de-Loire. Une logistique qui nécessite des moyens matériels.

Depuis le 1er janvier 2022, la loi AGEC (anti gaspillage pour une économie circulaire) est entrée en vigueur. Elle interdit aux entreprises de détruire leurs invendus non alimentaires. Thierry Robert, secrétaire national du SPF nous éclaire sur la position du SPF sur cette mesure. Interview.

Que pensez-vous de cette mesure ? Est-ce une bonne chose pour les associations ?

Cette loi va certainement apporter aux associations.  Le Secours populaire se félicite d’une telle mesure, il est important que ce qui est encore consommable et utile ne parte pas dans les déchetteries. Mais en même temps, il faut bien prendre en considération que nous sommes une association de solidarité qui préserve la dignité des personnes. On ne peut pas laisser supposer que les pauvres et les précaires n’auraient que les restes pour vivre. Il est essentiel pour le SPF de souligner cet état de fait. Nous collectons depuis des décennies des produits alimentaires, des jouets, des vêtements, des livres et bien d’autres choses… Par exemple, même si nous collectons des jouets d’occasion tout au long de l’année, nous recherchons des jouets neufs pour les mettre à disposition des familles pour le Noël de leurs enfants. Ils sont mis à la disposition du public de nos espaces solidaires. Réparés quand il le faut par nos bénévoles, ils peuvent aussi avoir une autre vie. On ne peut pas être dans la pauvreté et bénéficier seulement de ce dont les autres ne veulent plus. Ces produits doivent correspondre à un besoin pour les personnes aidées. C’est aussi pourquoi nous sensibilisons régulièrement nos donateurs sur le respect de la dignité, qui contribue à ce que les personnes aidées se sentent respectées et citoyennes à part entière.  

Cette pratique anti gaspi n’est pas nouvelle au SPF ; les bénévoles agissent au quotidien contre le gaspillage. Réparation de meubles, glanage, tri des déchets, ateliers de seconde main…. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Depuis toujours, le Secours populaire est soucieux de préserver la planète et de faire en sorte que ses projets et actions portent cette démarche. Notre association a toujours tenu une place dans l’économie durable et solidaire. A l’échelle nationale comme sur le plan international, cette volonté s’affirme de plus en plus. Des partenariats avec des producteurs se mettent en place et donnent naissance à des Marchés Pop, des actions avec des AMAP voient aussi le jour. Dans le Nord à Roubaix, un Repair Café existe depuis plus de 6 ans et permet aux familles d’apprendre à réparer leurs objets. Toutes ces petites choses vont dans le même sens, redonner une seconde vie aux objets et ne pas jeter ce qui peut être encore utile. Avec notre mouvement d’enfants « Copain du Monde », nous agissons pour que les jeunes générations soient sensibilisées à cette démarche, nous avons même organisé des villages « Copain du Monde » abordant ce sujet via des ateliers.

Recevoir des invendus, n’est-ce pas aussi le risque de récupérer des articles et objets défectueux et inutilisables. Pensez-vous que les associations doivent se protéger et demander des garanties aux enseignes de la grande distribution ?

Sans parler de garantie, nous devons être vigilants sur la qualité de ce qui nous es proposé. Tout comme pour les donateurs qui viennent dans nos locaux déposer des vêtements ou des jouets, nous agissons de la même façon. Nous sommes agréés d’Éducation populaire, nous les sensibilisons sur la qualité des produits et nous faisons savoir que rien ne nous oblige à dire oui. Et quand cela s’impose, nous refusons certains produits. Dans certaines fédérations, le tri a lieu sur place : ainsi les bénévoles ne prennent que ce qu’ils estiment être digne d’être redonné. Cette communication en direction des entreprises et des donateurs est essentielle. Elle est d’ailleurs à l’origine de notre exceptionnelle collecte de jouets neufs de décembre dernier.Tous ces dons vont par ailleurs amener nos bénévoles à gérer des stocks, du transport et beaucoup de logistique. Ce que ne savent pas toujours les donateurs, c’est que leur générosité à un coût. Le SPF étant reconnu d’utilité publique, le don matériel neuf est défiscalisable pour les entreprises donatrices et cela nécessite une traçabilité qui, elle aussi, a un coût. C’est pourquoi le SPF organise chaque début d’année sa campagne de collecte populaire intitulée le Don’actions : le don pour les actions !

Avec cette loi, la société s’oriente vers une économie durable et solidaire qui met un terme au gaspillage des ressources de notre planète. Cette démarche est aussi celle du SPF et a été abordée en novembre à Lyon, lors du 38 e Congrès de l’association. Qu’en pensent les 87 000 bénévoles ?

Pour beaucoup, cette question est ancrée dans une pratique quotidienne de solidarité. Lors de notre Congrès, notamment avec les 70 partenaires étrangers invités, nous avons pu clairement établir que cette démarche constituait un véritable enjeu pour l’avenir de notre planète. Aujourd’hui nous ne pouvons pas penser le monde seulement du point de vue écologique, il faut que l’humain soit au cœur de nos réflexions. Les différents programmes que nous menons sur l’ensemble des continents en sont la preuve, le travail avec les paysans du Salvador, les programmes de développement au Liban… Il faut bien être conscient que plus les humains sont fragilisés, victimes de la pauvreté, de la précarité, plus la planète est en danger. Agir pour une solidarité populaire, planétaire et durable c’est aussi protéger notre village-monde.