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La vie sous pression des travailleurs pauvres

Mis à jour le par Olivier Vilain
Naoual et sa fille Afsa sont aidées par le Secours populaire. Chaque imprévu peut déstabiliser cette famille.

Pris entre des conditions de travail précaires et la hausse du coût de la vie, notamment du logement, les parents – souvent des femmes – élevant seuls leurs enfants rencontrent de grandes difficultés. Et ce, malgré l’énergie qu’ils déploient au quotidien.

Aujourd’hui, Naoual, la trentaine joyeuse, reste chez elle, dans l’appartement, au confort modeste, dans lequel elle a emménagé l’été dernier. Elle vit dans un quartier HLM du nord de Melun, en Seine-et-Marne. Son employeur lui a aménagé son temps de travail pour qu’elle puisse garder chaque mercredi sa fille Afsa, dont le visage souriant est encadré par de jolies boucles brunes.

Le mercredi, c’est leur journée. « On se promène. On va au parc de jeux, en bas de l’immeuble. Afsa s’amuse. On est bien », raconte sa mère, qui prépare une ribambelle de pâtisseries marocaines pour le goûter, tandis que la petite regarde des dessins animés, pour le moment. « Il faut toujours l’occuper », s’amuse sa mère, qui utilise les produits fournis par la fédération de Seine-et-Marne du Secours populaire. « J’ai poussé la porte de la permanence en mars dernier parce que je n’avais plus d’argent pour acheter de quoi manger. »

Une vie sous pression

Naoual n’arrête pas. Entre le travail, la maternelle, les courses, les démarches incessantes auprès des administrations. Elle est toujours sur la brèche. Chaque matin, elle se lève à 5h. Avec sa fille, elle prend le premier bus, à 6h16, qui passe non loin de son immeuble. Elle dépose Afsa chez l’assistante maternelle, qui emmène la petite de 3 ans à l’école deux heures plus tard.

La jeune femme file au collège où elle travaille, « dès 7h » : « Je nettoie le réfectoire, je fais le ménage dans les classes et le midi je suis à la cantine. » À partir de 16h30, la mère et la fille font le parcours inverse. « Souvent, je ne sens plus mes jambes, mais il faut encore que je m’occupe d’Afsa, sinon personne d’autre ne le fera à ma place. »

L’explosion du coût de la vie

Séparée du père de sa fille, quand celle-ci avait 6 mois, la jeune femme a rompu du même coup avec ses demi-frères, désapprobateurs. « Heureusement, je reste en contact avec ma mère et ma sœur. » Mais, elles vivent au Maroc, le pays natal de Naoual.

La pauvreté ou le faible niveau de vie des 2 millions des familles monoparentales a fait la une de la presse ces six derniers mois : nombre de femmes qui élèvent seules leurs enfants participent depuis huit mois au mouvement de protestation sur les ronds-points, car elles ne peuvent plus faire face à l’augmentation de leurs frais contraints (électricité, chauffage, assurances…), notamment à cause de l’explosion des coûts du logement et du transport. Près de 30 % des personnes aidées par le Secours populaire vivent dans des familles monoparentales. Plus largement, c’est la situation de tous les travailleurs pauvres qui est ainsi mis en lumière.

Les familles monoparentales dans la lumière

Naoual éprouve du respect pour les hommes et les femmes qui se mobilisent sur les ronds-points contre une situation injuste : ils travaillent ou ont travaillé toute leur vie et n’arrive pas à vivre dignement. Elle se dit aussi très heureuse de son emploi : « J’ai un métier, un salaire, je peux espérer que ma situation se stabilise », avec 900 euros par mois, auxquels s’ajoutent 550 euros de prestations sociales.

Le poisson, le lait, le café, le riz et les légumes, les gâteaux, les yaourts qu’elle ramène du Secours populaire dans son cabas à roulettes lui font faire des économies bienvenues : elle vit à l’euro près. Le reste, elle l’achète dans un magasin spécialisé dans les produits dont la date de péremption est proche. « C’est moins cher. Je prends toujours le moins cher, je ne peux pas faire autrement. »

Trop juste pour deux personnes

Le moindre imprévu peut remettre en cause le fonctionnement de la famille, comme la fin programmée de son contrat aidé, dans un peu plus d’un an, ou un délai dans le versement des APL. C’est ce qui est arrivé en fin d’année dernière, pendant cinq mois son bailleur n’a pas reçu les aides aux logements que devait lui verser la Caisse d’allocations familiales (CAF). Naoual a dû payer la totalité du loyer de son trois pièces, soit plus de 540 euros par mois. Les deux derniers mois, ses maigres économies étaient épuisées. Elle n’a pas pu s’acquitter de son loyer.

Pour régler la situation, la jeune femme a multiplié les démarches, auprès du bailleur et de la CAF. « Je devais prendre le bus, c’est très loin à chaque fois. Et, pour quoi ? Tout le monde se contredisait. » Finalement, l’assistante sociale sur son lieu de travail résout l’imbroglio administratif en un coup de téléphone. La situation est enfin régularisée, la famille va pouvoir respirer, mais Naoual s’est tournée vers le Secours Populaire pour remonter la pente. Elle a été accueillie par Brigitte Berlan, qui a fait un bilan de sa situation, autour d’un café.

Des conditions de vie dures

« Je ne sais pas comment vous avez tenu jusque-là ! », a-t-elle lancé lorsqu’elle a fini de totaliser les dépenses obligatoires de la famille. « Ce type de délai intempestif est fréquent lorsque, comme dans le cas de Naoual, vous vous installez en Seine-et-Marne en provenance d’un autre département. C’est incompréhensible et les conséquences sur les familles sont lourdes », explique Brigitte Berlan.

La jeune femme se prive, fait attention à tout, ne va jamais au restaurant et ne s’est pas rendue chez un coiffeur depuis plus de trois ans. Avec le Secours populaire, la famille a passé une journée au Parc Astérix, à Pâques. « Le 3 mai exactement, c’est le genre de choses que je n’oublie pas », confie Naoual, qui a deux projets : obtenir la nationalité française et mettre suffisamment de côté pour passer le permis. « Et, qui sait, peut-être acheter une petite voiture d’occasion pour partir le week-end en forêt. » Des promenades avec la petite afin de « respirer un peu, d’oublier tous les papiers à remplir, les démarches à faire en permanence » pour juste ne pas sombrer.

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