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Explosions de Beyrouth : un an après, l’onde de choc continue de frapper le Liban

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Marwa Antar, jeune volontaire de DPNA, était sur le terrain dès le lendemain de la double explosion du port de Beyrouth, survenue le 4 août 2020. ©Patrick Baz/SPF

Il y a un an exactement, les terribles explosions du port de Beyrouth, survenues le 4 août 2020, ont achevé de précipiter le Liban dans la pire crise de son histoire. Depuis, le peuple libanais, dans la capitale comme partout ailleurs dans le pays, tente de survivre. Dans ce combat, il sait pouvoir compter sur DPNA, le partenaire du SPF, qui œuvre sans compter, mobilisant ses jeunes volontaires sur les terrains de la lutte contre la faim ainsi que de la reconstruction des logements sinistrés comme des âmes blessées. Depuis une année, le Secours populaire soutient indéfectiblement DPNA et appelle régulièrement à la mobilisation en France. Retour sur une année noire visitée, cependant, par les trouées de lumière de la solidarité.

Les textes de cet article sont tirés de la brochure « Urgence Liban – Mobilisons-nous ! », éditée par le Secours populaire en juillet 2021.

Les explosions du port de Beyrouth, survenues le 4 août 2020, symbolisent l’effondrement de tout un pays, accélérant les effets de la crise multiple (politique, économique, financière et sociale) qui le ronge et que la Banque mondiale classe parmi « le top 3 des pires crises mondiales » de ces deux derniers siècles. C’est comme si, dans le cratère de 120 mètres de diamètre et de 10 mètres de profondeur creusé par les explosions, s’étaient engouffrées les dernières espérances du peuple libanais. La crise sanitaire et ses confinements à répétition a achevé de rendre le quotidien de millions de Libanais impossible, interdisant aux travailleurs journaliers de gagner leur vie. 

Au bord de la catastrophe humanitaire, le Liban vient d’être placé par deux agences onusiennes sur la liste des 20 zones confrontées à un risque de famine si des mesures ne sont pas rapidement engagées. Selon l’ONU toujours, 55% des Libanais vivent à présent sous le seuil de pauvreté. Inflation monstre (les prix ont bondi de 145%) et chute vertigineuse des revenus : comment se nourrir quand le salaire moyen se situe autour de 60 € par mois ? Face à ces perspectives terribles, le pays se vide de celles et ceux qui ont les moyens de partir, d’autres vivent « sous perfusion » de leurs proches résidant à l’étranger. Le travail des enfants et les mariages précoces se développent. Les jeunes rêvent de franchir les rives de la Méditerranée pour un avenir meilleur. Plus largement, cette crise qui déstabilise la région du Proche-Orient fragilise le maintien de la paix dans le monde. 

« Mon engagement me donne la force de rester dans mon pays, de croire encore en lui. »

Mais si l’espoir est devenu une denrée rare au Liban, nombreux sont ceux qui font acte de résistance : le Secours populaire français se mobilise à leurs côtés, au travers de son partenaire, l’Association pour le Développement de l’Homme et de l’Environnement (DPNA), avec laquelle il intervient au Liban depuis 2003. Pour combattre la pauvreté et préserver la paix, DPNA agit au quotidien, en lien avec d’autres acteurs de la vie sociale, économique et démocratique et le soutien d’associations, de fondations et d’institutions internationales. « Dès le lendemain de l’explosion, 300 jeunes se sont engagés, pour une période de 1 à 3 mois et, chaque jour, ils sont montés de Saida à Beyrouth pour aider les personnes sinistrées, éclaire Hiba Antoun, directrice des programmes de DPNA. Nombreux sont ceux qui sont restés bénévoles à DPNA. C’est une majorité de jeunes qui confectionnent et distribuent les colis alimentaires pour les personnes les plus pauvres de Beyrouth, Saida et Tripoli et ont tissé avec les familles des relations très fortes. » Jihad Bouez, jeune volontaire de 28 ans, explique : « A moi aussi, le soutien du SPF et mon action au sein de DPNA donnent de l’espoir. Je crois que sans cela, j’aurais quitté le Liban pour tenter ma chance ailleurs. Mon engagement me donne la force de rester dans mon pays, de croire encore en lui. »

Les bénévoles de l’association ont répondu présents dès le lendemain des explosions, par des actes concrets et chaleureux pour apporter un soutien matériel et moral auprès de 11 000 personnes sinistrées. Avec le soutien du SPF qui a débloqué un fonds d’urgence de 330.000€, ils sont encore présents, sans relâche, depuis des semaines, pour soutenir les familles qui souffrent de la faim. Pour faire vivre la solidarité et nourrir l’espoir. « Je vous remercie beaucoup car, depuis l’explosion du port, vous avez été à côté de nous comme des frères, comme des sœurs » : ainsi s’adresse Elham Keram, habitante de Beyrouth, à DPNA et au SPF. « Je dois avouer que nous ne sommes plus capables de subvenir aux besoins de notre foyer. Mon mari, qui est ouvrier, ne trouve plus de travail et est au chômage. Nous avons peur du lendemain et souffrons bel et bien. Il n’y a que les volontaires de DPNA pour nous soutenir et nous aider ; dans chaque coup dur, nous les avons trouvés à nos côtés », résume Zakie Haj Nabou, réfugiée syrienne au Liban.

Jihad Bouez (de face) et Youness Houssam, dans l’entrepôt de DPNA, préparent les colis alimentaires à destination des familles libanaises en situation de grande pauvreté. ©Patrick Baz/SPF

« Les familles ne se nourrissent plus que d’un seul repas par jour. »

« Avant la crise, les familles parvenaient à se nourrir de trois repas par jour, mais à présent, ce n’est plus qu’un seul repas. Et elles ont épuisé les aides familiales ou amicales. Elles sont au désespoir et dans une grande insécurité alimentaire », alerte Fadlallah Hassouna, directeur de DPNA. Tandis que le prix des carburants flambe, que l’électricité vient à manquer, que les médicaments se raréfient et que la nourriture devient inaccessible, les émeutes et les pillages rythment le cours chaotique de l’existence de Libanais pour qui s’alimenter est devenu le seul objectif de journées irrésolues. 

Depuis le mois de février 2021, DPNA déploie, grâce au soutien du SPF, un vaste programme d’aide alimentaire en direction de milliers de familles de Beyrouth, Tripoli et Saida. Les colis que ses volontaires apportent aux familles les plus vulnérables sont emplis des produits essentiels qui leur permettront de tenir un mois durant. Ils sont aussi pour ceux qui les reçoivent l’occasion de parler et d’être soutenus, le signe qu’ils ne sont pas abandonnés. C’est, depuis des mois, une véritable course contre la montre que mènent les volontaires de DPNA, pour conjurer le spectre de la faim et préserver la dignité.

« Il n’y a rien de plus dur en ce monde que de ne pas pouvoir donner à manger à ses enfants. »

« Les colis que nous offre DPNA permettent de nourrir la famille, il y a des spaghettis, du riz, de l’houmous, du sucre, du lait, de l’huile, des conserves… Quand les volontaires de DPNA viennent à la maison nous les apporter, à chaque fois, nous discutons. Ils s’assoient et nous demandent comment nous allons, ça fait beaucoup de bien de leur parler », témoigne Annie Houarian, mère de famille beyrouthine. Alya Akkaoui, une autre maman aidée par DPNA, résidant quant à elle à Tripoli, confie : « Nous sommes dans une situation intenable : si nous ne gagnons plus d’argent, alors nous ne pouvons plus vivre. Parfois, j’ai l’impression que j’étouffe, que je ne peux plus respirer. J’ai si peur qu’un jour, nous ne puissions plus nourrir nos enfants… Je crois qu’il n’y a rien de plus dur en ce monde que de ne pas pouvoir donner à manger à ses enfants. »

Ces cartons de denrées, ornés de la main ailée du SPF et de la rose éclose de DPNA et recelant quelques provisions d’espoir, symbolisent la souffrance de tout un peuple en même temps que la solidarité qui est à l’œuvre entre les peuples français et libanais. Bien-sûr, l’action de DPNA et le soutien du SPF ne prétendent pas résoudre la crise qui frappe le Liban. Mais apporter une solidarité chaleureuse et fraternelle aux familles affligées, faire vivre les valeurs humanistes, ne pas céder au découragement ou à l’indifférence, cela demeure possible. Aider des hommes, des femmes et des enfants à continuer de vivre dignement, espérer malgré tout et se tenir debout, cela demeure possible. C’est ce à quoi nous pouvons tous, à notre mesure, nous employer.

Beyrouth : une mission à la rencontre des sinistrés
Les jeunes volontaires de l’association DPNA lors d’une livraison de colis alimentaires aux familles sinistrées de Beyrouth, dans le quartier de Bourj Hamoud. ©Patrick Baz/SPF

En France, la solidarité en action(s)

Depuis l’appel de détresse lancé par DPNA en février 2021, les animateurs-collecteurs bénévoles, enfants, jeunes, amis du Secours populaire multiplient partout en France les actions pour réunir des fonds destinés à aider le peuple libanais. Collectes, mobilisation des Libanais de France, demandes de subventions, repas solidaires… les idées sont nombreuses pour financer les activités de solidarité développées par DPNA. En Savoie, fin mars, une « chasse aux œufs » a permis de collecter 570 euros. En Loire-Atlantique, la participation financière des personnes aidées est affectée à la solidarité pour le Liban. Les restaurateurs libanais de Nantes ont relayé énergiquement l’appel du SPF et de DPNA. A Montauban début juillet, une « fête des couleurs, autour de concerts et de repas du monde, était dédiée à la solidarité mondiale et particulièrement au Liban. A Marseille, les enfants « Copain du Monde » ont spontanément organisé des collectes au tronc sur le port. Cette essentielle mobilisation pour le peuple libanais met en lumière que la solidarité ne connaît pas de frontières. Les animateurs-collecteurs bénévoles du SPF vont redoubler d’efforts pour encourager les initiatives de collecte, temps forts et populaires pour se doter des moyens nécessaires à la solidarité en même temps que lieux de résonance du cri d’alerte que lance le SPF pour le Liban.

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