Enquête Europe : les classes moyennes aussi en crise

Mis à jour le par Olivier Vilain
Solidarité populaire, le partenaire grec du SPF, multiplie les distributions alimentaires. L'enquête menée par Ipsos montre que la Grèce est l'un des deux pays souffrant le plus de la hausse des prix. ©Alex Gasteratos/SPF

La situation économique des ménages est préoccupante à travers tout le continent. Pour la seconde année consécutive, une grande enquête européenne, menée dans 10 pays, complète la 17e édition du baromètre de la pauvreté et de la précarité (publiée le 6 septembre dernier). Inédite par ses dimensions, l’enquête européenne Ipsos / Secours populaire montre que les privations atteignent un niveau record.

La situation est très préoccupante à l’échelle de l’Europe, même si l’inflation a ralenti au cours de 2023. Très répandues, les privations « apparaissent parmi les classes moyennes, qui sont désormais dans ‘‘la seringue’’* », avertit Etienne Mercier, directeur chez Ipsos et l’un des auteurs de cette seconde grande enquête européenne, qui complète le 17e baromètre de la pauvreté et de la précarité. Menée en juin dernier, dans 10 pays et auprès de 10 000 personnes, cette enquête** est « un outil unique » de par son ampleur.

Près d’un tiers des Européens (29 %) se disent en situation de précarité, dans le contexte de la très forte hausse des prix, entamée depuis 2021. Cette situation est particulièrement palpable en Grèce (49 %) et en Moldavie (46 %). Plus d’un Européen sur deux (55 %) a vu son pouvoir d’achat diminuer au cours des trois dernières années, comme en Serbie (63 %) ou en France (60 %). Si la majorité des Européens (56 %) s’en sortent, ils doivent néanmoins « faire attention » aux fins de mois et seuls 18 % se disent dans « une bonne situation ».

30% des Européens déclarent avoir déjà eu faim et sauté un repas

« Les chiffres montrent que les classes moyennes sont affectées et ça, c’est une nouveauté », réagit Carlo Testini, membre de l’association de solidarité ARCI, partenaire du Secours populaire en Italie. « Ce n’était pas le cas les années précédentes. Jusque-là, les classes moyennes n’étaient pas très sensibles à la question de la pauvreté, maintenant elles sont rattrapées par la crise et s’efforcent de ne pas tomber. La situation est donc très instable. » Il remarque aussi que la décision du gouvernement italien de supprimer l’équivalent du RSA va priver de revenus environ 1,5 million de personnes. Compte tenu de la situation économique, « il est très important que les pouvoirs publics ne coupent pas dans les aides sociales », souligne pour sa part Etienne Mercier.

La crainte de ne plus pouvoir subvenir à ses besoins essentiels dans les prochains mois touche près d’un Européen sur deux (48 %). Cette crainte est d’autant plus forte que la majorité des Européens (51 %) ont été contraints, au premier semestre, de se priver – renonçant, par exemple, à se soigner malgré un problème de santé – ou de demander une aide financière à des proches. Ainsi, 62 % ont déjà dû restreindre leurs déplacements (en voiture, en transport en commun) et 46 % n’ont pas augmenté le chauffage chez eux alors qu’ils avaient froid. Plus grave encore, près d’un Européen sur 3 (30 %) a déjà été obligé de sauter un repas alors qu’il avait faim.

Des craintes palpables et de fortes privations

48% des Européens craignent de basculer dans une situation de précarité dans les prochains mois.

Si les personnes résidant en Moldavie (68 %) et en Grèce (63 %) sont encore une fois les plus nombreuses à avoir récemment vécu des situations de ce type, il faut souligner que l’Allemagne est le pays où la proportion est la plus faible. Mais, même au sein du pays le plus riche, 39 % encore des personnes interrogées ont été confrontées à au moins une de ces situations au cours des six mois ayant précédé l’enquête.

L’inflation a décéléré mais elle reste une menace pour de nombreux foyers : 62 % des Européens sont inquiets quant à leur capacité à faire face à une nouvelle hausse des prix de l’alimentaire, 59 % le sont au regard d’une éventuelle dépense imprévue et 59 %, à nouveau, à l’égard d’une augmentation du prix du carburant.

 


* « Dans la seringue », une expression voulant dire « sous pression », « en difficulté ».
** L’enquête a été menée en ligne, du 7 au 27 juin 2023, auprès de 10 000 personnes en Allemagne, en France, en Grèce, en Italie, en Moldavie, en Pologne, au Portugal, au Royaume-Uni, en Roumanie, en Serbie.