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En Charente, la solidarité est connectée

Mis à jour le par Anne-Marie Cousin
En juin 2020, 50 ordinateurs ont été donnés à des familles de Charente. Une opération solidaire organisée par les salariés d'Hennessy à Cognac.

La crise sanitaire qui traverse notre pays depuis le 17 mars a mis en lumière les difficultés d’accès au numérique de nombreuses familles aidées par le SPF. Manque d’ordinateur, problème de connexion mais aussi illectronisme. A Cognac, grâce à la solidarité des 1 700 salariés du groupe Hennessy, 50 ordinateurs ont été offerts à des familles du département. Six mois après, enfants et parents ont vu leur vie changer.

Le 16 mars 2020, face à l’épidémie de la Covid 19, le confinement est décrété en France par le gouvernement. Pour les personnes défavorisées, la situation est critique. Les écoles, les collèges et les lycées ferment. Les enseignants tentent, à distance, de continuer à dispenser leurs cours par internet. Malheureusement, certains enfants décrochent faute d’équipement ou/et de soutien familial. Des situations difficiles pour les familles qui mobilisent le SPF dès le début du confinement. Avec le confinement et l’école à la maison, on a beaucoup parlé de « continuité pédagogique » ; mais qu’en a-t-il été quand les parents ne pouvaient pas soutenir leurs enfants ?  Madame Pinard, mère de trois enfants, aidée par le comité de Soyaux, garde un très mauvais souvenir de cette période de l’école à la maison. « Nous avons vécu l’enfer. Avec un vieil ordinateur pour quatre, il y avait des plages horaires pour chacun. L’ordinateur fonctionnait de 10 heures du matin à 22 heures. Mon aîné travaillait aussi sur son téléphone pour que ses deux frères puissent utiliser l’ordinateur. Nous étions en stress permanent, car les enfants avaient des délais à respecter pour la remise des devoirs ». Des témoignages comme celui-ci, le Secours populaire en a recueilli des milliers sur l’ensemble du territoire et notamment depuis la crise sanitaire, qui n’a fait qu’accroître des inégalités déjà existantes.

Des salariés engagés

Selon Jean-Louis Poly, responsable départemental et national, les bénévoles, confrontés aux difficultés des familles et à leurs appels à l’aide, ont immédiatement réfléchi aux actions qu’ils pouvaient mettre en place. « C’est en parlant avec les amis responsables de l’accueil des familles que nous avons pris conscience de l’importance croissante de cette fracture numérique. Grâce au contact avec le groupe LVMH depuis plusieurs années, nous avons frappé à la porte de la société Hennessy pour solliciter une aide financière destinée à l’achat de matériel informatique. » Mais ce partenariat a tout de suite pris une dimension solidaire. En effet, l’ensemble des salariés basés à Cognac a souhaité aider le SPF et participer concrètement à l’achat des ordinateurs. C’est donc grâce à l’initiative des salariés de Hennessy, en étroite collaboration avec la direction et les ressources humaines, que les 1 700 salariés du site de Cognac ont offert une journée de congés qu’ils ont mis dans le « pool solidarité ». De son côté, la direction de l’entreprise a abondé du même montant, permettant de collecter la somme de 30 000 euros pour le Secours populaire de Charente. Comme le raconte Dominique Aumont, le secrétaire du CSE de l’entreprise : « Cette première action avec le Secours populaire a permis l’achat de 50 ordinateurs, que nous avons remis aux familles de la Charente en juin dernier. Mais cette première action ne sera certainement pas la dernière, bien au contraire. Nous réfléchissons déjà à d’autres actions de solidarité avec les SPF ».

17 % des français touchés par l’illectronisme

Concrètement, ce sont donc 50 foyers qui ont pu être équipés grâce à cette opération. Chaque famille recevant un ordinateur signait une convention d’un an avec le SPF, l’idée étant de refaire un point avec les familles en juin 2021. Une évaluation des besoins a été réalisée par les comités et antennes pour choisir les familles qui bénéficieraient de la dotation informatique. Madeleine Rouhier, la secrétaire générale du SPF et responsable du comité de Soyaux, a travaillé en étroite collaboration avec les établissements scolaires, les enseignants et les parents d’élèves pour adapter au mieux l’offre aux besoins. Pour l’achat du matériel, la fédération s’est appuyée sur les compétences de son trésorier Jean-Jacques Maguerez, ancien ingénieur en informatique. Le choix de s’approvisionner à Angoulême s’est imposé sans hésitation, notamment pour faciliter la maintenance et le service après-vente. Mais comme le constate Madeleine Rouhier, « offrir un ordinateur ne règle pas toutes les questions d’accès au numérique. Ce don met parfois en lumière d’autres problématiques comme celle des compétences informatiques des personnes ». En effet cette question est essentielle car, aujourd’hui, disposer d’un ordinateur ne suffit pas à faire disparaître ce que l’on appelle l’illectronisme. Mot entré dans le dictionnaire en 2020, celui-ci est né de la contraction d’illettrisme et d’électronique. Sa définition est la suivante : « difficulté ou incapacité de certaines personnes à utiliser les outils informatiques en raison d’un manque de connaissances ». Cette situation touche aujourd’hui 17 % des français selon une enquête menée par l’Insee en 2019. Cette étude révèle que 38 % des usagers manquent d’au moins une compétence numérique de base et que 2 % d’entre eux sont dépourvus de toute compétence. Les raisons à l’absence d’équipement à domicile sont variables, mais les plus citées sont les suivantes : manque de compétence 41 %, le coût du matériel 32 % et l’abonnement 27 %.

« Pour moi cela a constitué un vrai challenge »

Pour faire face à cette difficulté, comme à son habitude, le Secours populaire a mis en place des mesures d’accompagnement pour les familles. Victor, originaire du Cameroun et en attente de régularisation, est bénévole au comité de Soyaux. Ayant une formation en informatique de réseau, il s’est tout de suite proposé pour venir en aide aux familles et assurer le suivi du projet. Il a d’abord fallu l’équiper du même ordinateur et des mêmes logiciels pour qu’il puisse suivre à distance les onze familles du comité. Pour répondre aux attentes des uns et des autres, Victor a constitué des groupes de niveaux. « Pour moi, cela a constitué un vrai challenge pédagogique : le plus jeune avait 9 ans et le plus âgé 20 ans. Il a fallu un peu changer d’approche ; pour les plus jeunes, l’ordinateur est plus un espace de jeu qu’un espace de travail. Nous avons donc appris à classer des fichiers, à organiser les espaces de travail… A la Toussaint, nous avons fait un premier point en présentiel. Je prépare actuellement un petit guide d’utilisation que je vais adresser à tout le monde. Ils pourront s’y référer si besoin », explique-t-il. Disponible à tout moment, il considère que la mission que lui a confié le SPF est une vraie belle expérience et un signe de confiance.Aujourd’hui, la question de la suite à donner se pose au sein de la fédération et des structures départementales. Victime de son succès, le SPF est sollicité par de nouvelles familles qui expriment le besoin d’être équipées et accompagnées. Malheureusement, le reconfinement instauré depuis peu a freiné les bénévoles. Néanmoins, il est certain qu’une suite sera donnée à cette opération. Quant à savoir quand et comment, cela reste encore à définir. 

Accompagner les parents est tout aussi important

Alors que la situation du confinement et de l’école à la maison est à l’origine de ce projet, il est apparu que la question de former les parents était tout aussi essentielle. Comme l’explique Madame Pinard, « ce que nous avons vécu m’a éclairée sur la limite de mes connaissances. Je ne savais pas scanner ni convertir des fichiers. Je ne comprenais pas toujours les consignes. Mes enfants et Victor m’ont beaucoup aidée et soutenue. Ce n’était pas facile, notamment pour les démarches administratives. Aujourd’hui, je me sens plus autonome. » Cette question d’accompagnement des adultes se pose dans de nombreuses fédérations, ceci d’autant plus que d’ici à 2022, toutes les démarches administratives seront dématérialisées. Une évolution qui risque d’entraîner de nombreux problèmes dans les foyers suivis par l’association. Pour Yanis, Ilyes et Marwan, les enfants de Madame Pinard, avec ce nouvel ordinateur, la vie est plus facile à la maison. Ils disposent dorénavant d’un outil performant qui leur permet de suivre une scolarité sans obstacles informatiques majeurs. Pour Marwan, il n’y a pas d’hésitation : « Il télécharge très vite et c’est beaucoup mieux qu’avec l’ordinateur de maman ! ».

 

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