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De belles Journées des oubliés des vacances

Mis à jour le par Olivier Vilain
Des milliers de petits et de grands, d'ordinaire confrontés à la précarité, ont partagé des moments de jeux au rythme des mouvements de la mer. Ils sont revenus de la Journée des oubliés des vacances avec le goût des embruns et plein d'images

Une journée de bonheur pour les enfants, et aussi leurs parents, qui n’ont pas pu partir en vacances ? C’est ce qu’a organisé le Secours populaire français du 24 au 29 août dans toute la France, avec les Journées des oubliés des vacances. D’autant plus nécessaire que les départs en vacances ont encore été affectés cette année, l’envolée des prix étant un nouvel obstacle pour de nombreuses familles, après les années de crise sanitaire.

Terra Botanica à Angers, Musée du Quai Branly à Paris, l’Aquarium à La Rochelle, promenade au pont du Diable dans l’Hérault, sans oublier les plages de Deauville ou de Gruissan, et bien d’autres lieux magiques encore. Les possibilités d’évasion proposées par les bénévoles étaient très larges pour la Journée des oubliés des vacances, qui s’est déroulée un peu partout en France, du 24 au 29 août.

Arrivé sur la plage de Deauville avec sa mère et les bénévoles de Mantes-la-Jolie, la ville des Yvelines où il vit, Rodney court vers les mouettes en riant. Une fois. Deux fois. Dix fois. L’oiseau s’envole à chaque fois avant que le garçon de 11 ans n’arrive à s’approcher. « Avant de rentrer chez moi, raconter ma journée à mes sœurs qui n’ont pas voulu venir, je voudrais voir des animaux de près, une mouette qui ne partirait pas. » Ce n’est pas la première fois qu’il voit la mer, mais cette année il n’est pas parti en vacances. Cet été, les seules sorties qu’il a faites, à la plage ou au parc d’attractions, c’était avec le Secours populaire.

Comment s’approcher des mouettes ?

Après avoir envoyé des photos à ses sœurs, il est parti « creuser un trou dans le sable », avec les amis qu’il s’est fait le matin durant le trajet en car, avant de « le remplir d’eau de mer ». En mangeant, Rodney laisse échapper son rêve : « Rester ici au moins deux jours et me réveiller en voyant la mer. » Peut-être une prochaine fois. Il est reparti le soir sans avoir pu approcher une mouette mais avec un livre offert par Rue du Monde, partenaire de longue date du Secours populaire et de ces journées. Chacun des 5 000 Franciliens présents est reparti avec un ouvrage en plus des souvenirs du mouvement de la mer, de l’immensité du ciel et de la fraicheur des embruns iodés.

Autre grand classique de cette journée d’aventure, le parc de loisirs. Les bénévoles d’Indre-et-Loire ont invité 250 enfants à partir en car depuis Tours, direction Terra Botanica, dans la périphérie d’Angers (Maine-et-Loire). « Nous joignons l’utile à l’agréable, s’amuse Isabelle, qui a organisé l’événement : c’est un espace de jeux qui s’articule autour de la découverte de la nature et l’éducation au développement durable. » En cheminant dans le parc, les enfants examinent la végétation de différentes régions du globe, font des jeux de ballon, une balade dans des coques de noix géantes.

Sorties culturelles ou intergénérationnelles

Chaque fédération du Secours populaire organise à sa convenance cette journée. « Et en fonction de ce qui est à disposition dans le département ou dans ceux alentours », explique Suzanne Romand, secrétaire générale de l’association dans la Haute-Loire. « Cette année, nous avons fait très attention à limiter les coûts, donc à raccourcir les distances. » Surtout, les bénévoles ont misé sur la culture, emmenant les personnes aidées contempler les peintures rupestres de la grotte Chauvet, en Ardèche. L’occasion aussi devant le vertige du temps, là où les premiers hommes ont laissé des traces de leur passage, de méditer sur notre condition humaine. Les gens se sont inscrits très vite car ils avaient le souvenir d’une sortie mémorable au Musée d’art contemporain à Lyon avec « une guide formidable ».

En Normandie, c’est encore une autre forme qu’a prise cette journée, celle d’une rencontre intergénérationnelle. Venus de Rouen, Sotteville, Mondeville, Harfleur, Le Havre, Fécamp, Honfleur, etc., petits et grands se sont retrouvés au lac de Montville. Les « Copain du Monde » ont préparé un loto avec des questions portant sur les droits de l‘enfant. Puis, ils ont pris la direction du restaurant Le Boléro. Des moments complices où chacun peut faire découvrir son univers aux autres. Les « Copain du Monde » ont illustré par leur implication lors de ces Journées des oubliés l’engagement de ce mouvement qui fête en 2022 les 30 ans de sa création, au lendemain de l’adoption par la plupart des pays du monde de la Convention internationale des droits de l’enfant.

Des jeunes précaires et des journées en famille

Du côté du Mans, au zoo de La Flèche, c’était une journée en famille qui était organisée par les bénévoles de Poitiers. Edith, qui élève seule ses quatre enfants, est venue avec sa petite famille. La journée ensoleillée, passée à 180 kilomètres de chez elle, est précieuse pour mettre à distance l’angoisse permanente d’avoir à joindre les deux bouts. « C’est un très bon moment, que je passe avec tous mes enfants et mes neveux. J’avais très envie de venir car j’adore les animaux », se réjouit la mère de famille au chômage depuis la faillite de la boulangerie qu’elle avait créée, il y a quelques années, avec son compagnon de l’époque.

Les jeunes étaient aussi à l’honneur. Durement frappés par la crise sanitaire et par l’inflation généralisée, un peu plus de 200 d’entre eux sont venus passer quelques heures dans la cité balnéaire de Cabourg. Certains sont sans diplôme, d’autres étudiants, tous viennent des Yvelines et des Hauts-de-Seine. « Nous les avons invités pour la seconde année consécutive car les jeunes sont les grands oubliés des dispositifs d’aide », explique Lénica Vautier, élue au Comité national et coordonnatrice des activités jeunes du Secours populaire dans le 78. « Comme s’il était normal de n’avoir rien à faire dans son quartier ou de ne manger que des pâtes dans les 9 mètres carré de sa chambre universitaire. » Les participants s’en sont donné à cœur joie entre passage sur des bouées tractées et un parcours d’accrobranche. « On en profite pour discuter de leurs besoins dans leur globalité, pour voir si on peut les aider plus et pour leur proposer de participer à nos actions de solidarité. » L’année dernière, une douzaine de participants sont devenus bénévoles.

Ces moments de grand air, de jeux et de détente ont donné le sourire aux petits et aux grands. Et le soir, une fois rentrés chez eux, des milliers d’enfants, de jeunes et leurs parents, ont pu raconter les instants les plus forts de cette journée si particulière. Des images qui vont accompagner ces vacanciers d’un jour tout au long de l’année qui s’annonce.