Émanciper

Cuba, un bus qui change la vie

Mis à jour le par Olivier Vilain
A Cuba, le véhicule financé par le Secours populaire permet aux élèves autistes de l’école Vilma Espín d'accéder à la delphinothérapie ou l’équithérapie. Le contact avec ces animaux fait partie des soins psychiques qui sont apportés aux petits.

Un bus scolaire de 24 places peut-il tout changer pour une école qui accueille des enfants autistes ? On pourrait le croire à écouter et Yanet Gonzáles Laso et Tania Gonzáles Fonseca. Cette dernière travaille à l’école Vilma Espín pour enfants et jeunes autistes, dans la ville portuaire de Cienfuegos, au centre de Cuba. Ça ne change pas tout, certainement, mais le bouleversement est important. C’est pour ça que le Secours populaire a financé et livré un véhicule de ce type à l’école de Tania.

« Pour nous, ça a été énorme de compter avec cet autobus. Depuis l’arrivée du bus scolaire en février dernier, nous pouvons emmener les enfants faire des activités extérieures qui s’intègrent dans les soins que nous leur apportons », déclare Tania Gonzáles Fonseca, lors d’un entretien par visioconférence. Tania est la directrice de l’école et Yanet est chargée de la coopération internationale pour la province de Cienfuegos, qui porte le même nom que sa principale ville. L’école avait fait part de son besoin, il y a deux ans, auprès de trois de ses partenaires, dont le Secours populaire, qui entretient des liens avec l’île depuis des décennies.

La très grande qualité du secteur médico-social à Cuba est sans commune mesure avec la situation de crise que vit le pays. Son développement est entravé par un embargo placé par les Etats-Unis depuis les années 1960 et qui a été régulièrement durci. Aucun bus n’est produit sur place et peu d’entreprises étrangères se risquent à enfreindre l’embargo (même si celui-ci est condamné tous les ans par l’Assemblée des Nations Unies).

L’arrivée du bus a changé la vie à l’école et pour les élèves

Le bus a changé le quotidien des 64 enfants accueillis par l’école. « Avec le bus, on va les chercher tous les matins et on les raccompagne tous les soirs », précise Tania. Dès 7 h le matin, le bus récupère les enfants dans la municipalité. Les cours commencent à 9 h. L’après-midi, le bus fait le trajet inverse entre 15 h 30 et 17 h 30. En plus du chauffeur, l’équipe est constituée par un auxiliaire et une infirmière. Le véhicule facilite aussi le transport vers les activités extérieures, qui se déroulent au bassin de delphinothérapie (les ondes dégagées par les dauphins sont favorables à l’activité électrique du cerveau des enfants), ou au haras où se déroule l’équithérapie (le contact avec le cheval entre dans le cadre du soin psychique).

Une partie du suivi réalisé par l'équipe pédagogique porte sur l'activité physique, travaillant ainsi la connaissance et la coordination du corps mais aussi la gestion des émotions que font naitre les sensations physiques.
Une partie du suivi réalisé par l’équipe pédagogique porte sur l’activité physique, travaillant ainsi la connaissance et la coordination du corps mais aussi la gestion des émotions que font naitre les sensations physiques.

L’arrivée du bus fourni par le Secours populaire, en partenariat avec Cuba Coopération et l’UFM, « nous donne la possibilité d’emmener les enfants faire des activités socio-éducatives à l’extérieur, comme l’atelier graphique le mercredi ou la journée au zoo de Villaclara, tous les mois, avec d’autres écoles », poursuit Tania. Toutes ces activités extérieures participent à la socialisation des enfants afin de contrer l’une des caractéristiques de l’autisme, l’isolement. L’équipe pédagogique fait tout pour qu’ils soient en relation avec d’autres enfants de leur âge.

En France, des bénévoles sensibilisent à la situation des handicaps, ici et à Cuba

Faire venir le véhicule a été laborieux. « Il a fallu une année entière pour l’importer de Chine afin, entre autres, de contourner les contraintes liées à l’embargo et à l’augmentation des prix des transports suite à la pandémie de la Covid-19 », rappelle Olga Alvarez, qui a supervisé le programme depuis le siège du Secours populaire, à Paris. Le délai important entre l’achat du bus et son arrivée dans la plus grande île des Caraïbes s’explique aussi par une longue recherche d’un transporteur maritime qui accepte de livrer le matériel malgré l’embargo, ne craignant pas une interdiction d’aborder les côtes américaines pendant six mois.

Si le programme est piloté depuis Paris, la fédération de Seine-et-Marne a contribué à son financement. A l’antenne du Secours populaire de Nangis, en particulier, les bénévoles ont collecté de l’argent en vendant des repas à emporter lors d’événements. Et ils continuent. Le 1er juillet, ils ont organisé avec des partenaires la première marche solidaire de leur ville. C’est « une marche douce de 4 km adaptée aux handicaps et pour les personnes moins mobiles », précise Pascale Desplats, la référente handicap à l’antenne locale du Secours populaire.

A côté des activités qui entrent dans le cadre des soins psychiques (mobilité, animaux, suivis), les enfants poursuivent également une scolarité plus classique. L'apprentissage des savoirs est toutefois réalisé au travers d'une pédagogie adaptée.
A côté des activités qui entrent dans le cadre des soins psychiques (mobilité, animaux, suivis), les enfants poursuivent également une scolarité plus classique. L’apprentissage des savoirs est toutefois réalisé au travers d’une pédagogie adaptée.

Pascale est à l’origine de l’implication de l’équipe de bénévoles qui l’entoure. « J’ai remarqué que parmi les familles en difficulté économique que nous accompagnons sur la ville, un quart d’entre elles ont un membre concerné par un handicap, parfois lié à leur travail, souvent invisible. » Sur son impulsion, les bénévoles ont décidé de sensibiliser à cette question, tout en faisant un lien entre une situation locale et la solidarité internationale.

Un dialogue transatlantique pour mieux soigner les petits autistes

Une délégation cubaine s’est rendue à la fédération de la Seine-et-Marne, fin 2022, pour exposer la situation de l’école Vilma Espín. A cette période, une nouvelle phase du programme de solidarité était en train d’être posée : des échanges entre les équipes médicales françaises et cubaines sur les manières d’accompagner les enfants autistes. Les professionnels venus de Cienfuegos ont ainsi visité un centre dans le Loiret pour enfant autistes, en lien avec la Fédération du Loiret du Secours populaire, et un autre vers Nîmes.

« Leurs homologues français étaient très intéressés par les protocoles de détection précoce, vers 3 ans, de l’autisme à Cuba et par la prise en charge qui y est bien plus rapide, donc avec des résultats meilleurs », relève Olga Alvarez, cheffe de projets internationaux au Secours populaire. Les Cubains ont observé, de leur côté, que la pédagogie en France axait moins sur la socialisation mais préparait mieux les jeunes autistes à la vie pratique. Dans le centre d’accueil du Loiret, ils ont posé beaucoup de questions sur les ateliers destinés à apprendre à laver le linge, à le plier, etc.

On fait le lien entre le handicap, sous toutes ses formes, ici et à Cuba. Nos actions de sensibilisation portent aussi sur ce parallèle entre les deux pays

Pascale Desplats, référente handicap à l’antenne du Secours populaire de Nangis

« Nous avons besoin du soutien du Secours populaire pour mettre en place un programme d’échanges sur des problèmes communs, comme la manière d’aborder la sexualité. La question se pose des deux côtés de l’Atlantique », juge Yanet, avec le besoin aussi de mieux former les parents pour qu’ils soient à même de mieux gérer les relations avec leurs enfants, comme par exemple apprendre à canaliser leurs irruptions de colère. Le programme d’échanges va commencer cette année, en complément des joyeuses virées en bus.

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