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Baromètre Ipsos/SPF 2025: des Européens précaires et anxieux

Mis à jour le par Olivier Vilain
Partenaire du Secours populaire, l'association Solidarité populaire de Grèce se rend dans les quartiers pauvres pour venir en aide aux populations les plus précaires ©A. Gasteratos / SPF

Pour la troisième année consécutive, le baromètre européen de la pauvreté et de la précarité* a été réalisé dans 10 pays. Il montre un quotidien morose, en particulier pour les jeunes.

Nombre de personnes vivant sur le continent le plus riche du monde continuent de se dire précaires (28 %). Ils étaient 29 % en 2024, mais le niveau reste élevé alors que l’envolée des prix des années précédentes a enfin marqué une pause. Les records sont atteints en Grèce et en Moldavie (46 % chacun). À noter : les Allemands sont plus nombreux à se déclarer précaires qu’en 2024 (22 %, + 1 %) et plus nombreux que les Français.

©J-M. Rayapen / SPF

La poussée de l’inflation a laissé des traces, aussi bien matérielles que psychologiques : plus de quatre Européens sur dix (43 %) considèrent qu’il existe un risque important qu’ils se retrouvent dans une situation de précarité dans les prochains mois. Une proportion qui reste stable d’une année sur l’autre.

Plus d’un Européen sur deux a récemment dû se priver

Pessimistes, les Européens le sont particulièrement pour les futures générations en ce qui concerne l’emploi (61 %) et les services de santé (53 %). Les Français sont largement les plus préoccupés : 73 %, à égalité avec les Italiens pour l’emploi. Pour la santé, le chiffre atteint 70 %, loin devant tous les autres Européens.

Ce pessimisme est alimenté par la proportion des actifs européens dont les revenus ne permettent pas de faire face à leurs dépenses : encore près d’une personne sur trois est concernée (32 %), malgré le ralentissement de l’inflation. Mais le problème est encore plus large, car une grande partie de la population se restreint pour joindre les deux bouts. Ainsi, plus d’un Européen sur deux (51 %) a dû récemment se priver du fait de sa situation financière : 61 % ont dû renoncer à des sorties. Presque autant ont été contraints de renoncer à des déplacements, à acheter des vêtements…

©A. Gasteratos / SPF

Même les besoins vitaux ne sont pas assurés pour une partie importante de la population : plus d’un Européen sur quatre a déjà sauté un repas alors qu’il avait faim (28 %) et 35 % des répondants ont déjà renoncé à se soigner. En Allemagne, toutes les privations ont augmenté fortement, à contre-courant des autres pays, à l’exception de la Grèce, de la Pologne ou la Roumanie. Sauter un repas malgré la faim a affecté près d’un quart de la population outre-Rhin (23 %).

Très impactant psychologiquement, un parent sur trois déclare qu’il lui est arrivé de ne pas pouvoir subvenir aux besoins essentiels de ses enfants, du fait de sa situation financière. On comprend dans ces conditions que la précarité a des impacts graves sur la santé mentale : la précarité est une source d’anxiété pour 72 % des personnes rencontrant des difficultés à boucler leur budget.

* Réalisé en ligne par Ipsos, du 26 mai au 6 juillet 2025, auprès de 10 000 personnes dans 10 pays européens : France, Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie et Serbie.

Pour les jeunes Européens, l’épreuve de la précarité

Niveau de vie en berne, privations quotidiennes, angoisse croissante… Partout en Europe, les jeunes voient s’évanouir les promesses de progrès social. Qu’ils soient étudiants, jeunes travailleurs ou les deux à la fois, la société ne propose à la plupart que l’épreuve de la précarité.

Les bouleversements induits par la pandémie de covid-19, l’inflation, ou encore les promesses de progrès non tenues font que partout les jeunes Européens sont confrontés à des conditions de vie plus dures et plus précaires que celles de leurs aînés. C’est l’information principale qui ressort d’une vaste enquête menée par Ipsos pour le Secours populaire dans dix pays*.

Le salaire d’un jeune Européen sur quatre ne suffit pas pour vivre

En 2025, le constat est homogène dans l’ensemble des pays interrogés : des rives de la mer Noire aux îles britannique, en passant par les centres urbains d’Allemagne, plus d’un jeune sur deux (53%) se dit mécontent de son niveau de vie. Près d’un sur quatre admet même ne pas pouvoir vivre uniquement de son salaire. Cette dernière donnée en dit long sur la fragilité d’une génération entière et sert de toile de fond à nombre de situations décrites dans ce focus sur la jeunesse européenne — en France comme ailleurs.

©J-M. Rayapen / SPF

Cette insatisfaction massive naît d’abord des privations subies au quotidien : un jeune sur deux (52%) éprouve des difficultés à accéder à une alimentation saine et équilibrée. Plus méconnu mais tout aussi crucial : le renoncement forcé aux loisirs et à la culture : pour 56% des Français, Allemands, Portugais ou Serbes, sorties et activités culturelles deviennent des luxes sur lesquels ils doivent se restreindre, voire auxquels il faut renoncer. Ces pratiques sont pourtant essentielles pour l’épanouissement, le bien-être et l’inclusion sociale. Ces restrictions atteignent des sommets en Grèce et en Moldavie, tandis que la Pologne est le pays qui limite le plus la casse avec quand même 42 % de jeunes concernés.

Besoin vital comme l’alimentation, la santé est, elle aussi, fragilisée. Alors même que l’accès au système de soins est rendu possible par la large mutualisation des coûts du secteur en Europe, 49% des jeunes disent néanmoins avoir du mal à payer leurs soins. Chez les Français, la proportion atteint 44%, un score similaire observé chez les Allemands, Italiens, Polonais, Britanniques et Serbes. Mais en Grèce, au Portugal, en Moldavie et en Roumanie, une majorité se heurtent à la barrière infranchissable de l’argent.

Le constat est tout aussi âpre concernant les seuls étudiants : plus d’un sur deux (52%) déclare vivre dans une situation financière précaire. Dans certains pays, la proportion atteint des niveaux alarmants, aussi bien dans les plus pauvres comme en Grèce (68 %) ou en Serbie (54 %), que dans les plus riches comme le Royaume-Uni (53 %) et l’Allemagne (61 %). Loin du stéréotype de la “jeunesse dorée”, ces résultats rejoignent les constats de terrain sur la précarité des campus, qui sont désormais fréquentés par de nombreux étudiants issus de milieux populaires.

©J-M. Rayapen / SPF

Impact sur la santé mentale et volonté d’agir

Confrontés à la précarité au moment où se décide une grande partie de leur place dans la société, tant individuellement que collectivement, les jeunes ont du mal à envisager l’avenir sereinement. Leurs situations économiques et sociales fragilisent aussi leur équilibre personnel et leur santé mentale. Le record de l’angoisse est détenu par la Grèce où 63 % des jeunes interrogés expriment ce sentiment. Autre indicateur de santé mentale, 39 % des jeunes en Europe disent ressentir du stress. C’est particulièrement le cas en France, en Allemagne, en Italie et en Grèce.

Une lueur apparait toutefois dans ce sombre panorama : cette génération a une grande volonté d’agir. Deux jeunes sur trois (65%) se disent prêts à rejoindre une association de solidarité, 48% un syndicat et 38% un parti politique. Si leurs causes sont variées, un domaine les rassemble : l’enfance, la jeunesse et l’éducation, qui rassemblent à elles seules un tiers des engagements déclarés.

* Enquête réalisée par Ipsos auprès de 10 000 Européens, représentatifs de la population nationale âgée de 18 ans et plus dans chacun des 10 pays interrogés : France, Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie. La représentativité des échantillons a été assurée par la méthode des quotas. Interviews réalisées en ligne du 26 mai au 6 juillet 2025.

19e Baromètre Ipsos / Secours populaire – Focus jeunes