Afrique du Sud, un programme pour apprendre à vivre ensemble

Mis à jour le par Anne-Marie Cousin
Dans le cadre du programme Sondéla, des élèves de 6 établissements ont réalisé un ouvrage sur le vivre ensemble et la citoyenneté

Du 24 au 26 février, une délégation du SPF s’est rendue en Afrique du Sud. Invitée pour célébrer les 25 ans de la constitution du pays, cette mission a également finalisé et lancé certains projets avec l’ONG Valued Citizens. Joëlle Bottalico, secrétaire générale adjointe de l’association, présente sur place, répond à nos questions.  

Vous étiez en Afrique du Sud fin février pour rencontrer l’association Valued Citizens, le partenaire du SPF depuis plusieurs années. En quoi a consisté votre mission ?

Nous étions en Afrique du Sud lors des commémorations célébrant les 25 ans de la constitution du pays. Invités à participer à certaines manifestations publiques liées à cet évènement, nous en avons également profité pour mettre en perspective des projets sur l’enfance, notamment l’organisation d’un village « Copain du Monde » qui aurait lieu en octobre 2022. Ces rencontres avec différents représentants de l’organisation Valued Citizens ont permis de mettre en lumière notre démarche commune et le partage de nos valeurs, comme l’importance de l’émancipation des enfants et des jeunes. Durant notre séjour, nous avons rencontré des « préfets », l’équivalent des principaux de collèges ainsi que des membres du ministère de la Justice. Toutes ces personnes jouent un rôle dans l’éducation et la place des jeunes dans le pays. Ces échanges nous ont permis de mieux comprendre l’importance et le sens de leurs actions. Nous avons également partagé un temps de dialogue avec des jeunes lycéens engagés dans la démarche initiée par Valued Citizens et entendu les difficultés de leur quotidien (violence, pauvreté…).

Valued Citizens est une ONG sud-africaine avec laquelle le SPF est partenaire depuis plusieurs années. Pourriez-vous nous présenter ses actions ? 

L’organisation sud-africaine Valued Citizens, partenaire du Secours populaire, se fixe plusieurs objectifs : sensibiliser et enseigner les valeurs constitutionnelles afin de créer une société non raciale, non sexiste et démocratique. Pour atteindre cet objectif, l’organisation a mis en place le programme Sondela qui a touché 277 enfants de plusieurs institutions, se déroulant sur deux jours et s’adressant à des tranches d’âge variées. La projection de différentes vidéos a permis de sensibiliser les élèves aux thématiques du racisme et de la solidarité. Pour certains, cela a permis la découverte des traditions et croyances au sein de la société sud-africaine, qui bien souvent stigmatise certaines pratiques. Avec ce programme, les enfants se sentent écoutés et s’impliquent. Ils comprennent qu’ils ont un rôle à jouer et le pouvoir d’agir ensemble. Dans chaque classe se sont constitués des « Clubs Valued Citizens » chargés de mettre en place les activités. Cette démarche innovante dans les établissements a beaucoup apporté aux enfants, aux jeunes, notamment sur le plan de la confiance en eux. A travers le programme Sondela, les enfants Valued Citizens veulent vraiment donner effet à la démocratie et à la citoyenneté. 

Un ouvrage vient d’être édité. Celui-ci reprend les travaux réalisés durant le programme Sondela. Pourriez-vous nous en dire plus ?

En effet, durant trois ans, tous les jeunes impliqués dans ce programme ont eu l’opportunité de s’exprimer et de travailler avec des artistes. Certains faisant le choix de dessiner plutôt que d’écrire, mais tous avec le même but.  L’ouvrage présenté est un bel exemple de la richesse et de l’universalisme de l’art sous toutes ses formes (graphisme, dessins, poèmes… ). Cela traduit aussi la confiance retrouvée de ses auteurs dans leur capacité à agir et à devenir acteurs. Cela témoigne de la capacité de chacun à construire le monde de demain, d’y prendre sa part, de faire tomber les murs édifiés par certains propos iniques sur la pauvreté. 
C’est aussi prendre conscience que tous peuvent faire grandir la solidarité, faire reculer la bêtise, faire vivre le dialogue, apprendre à mieux se connaitre pour être plus forts dans des actions communes. L’éducation est un pilier fondateur de la société sud-africaine et c’est pour cela que Valued Citizens, dans le prolongement des actions conduites avec le SPF et le mouvement d’enfants Copain du Monde, a décidé de s’engager depuis 2007 dans un projet dédié à l’éducation civique. A travers des dialogues sur des défis de société, effectués dans des écoles publiques en présence de membres du gouvernement sud-africain, les jeunes citoyens se sentent écoutés et compris.

Le SPF a une longue histoire commune avec l’Afrique du Sud. Pourriez-vous nous en parler ?

Dans les années 80, le Secours populaire exerce une solidarité concrète aux victimes de l’apartheid, notamment dans les camps de réfugiés en Tanzanie (le Secours populaire y était alors la seule présence française active à cette période). Il y effectuait l’achat de matériel scolaire, de jouets pour les tout-petits d’une crèche, l’équipement télévisuel pour une salle d’un quartier de Soweto. Il finançait aussi des repas à domicile pour des personnes âgées. En 1985, il a organisé des échanges entre la France et Soweto Civic Association, une structure indépendante du gouvernement de qui a permis le développement de ces actions. En 1987, le SPF a mis en place un système de « mandats bimestriels » de 2000 francs (env. 300 € – ndlr) pour venir en aide à 15 000 familles monoparentales avec des échanges de correspondance. 
Un travail conjoint a été mené avec des associations partenaires pour apporter tout le soutien nécessaire à la scolarisation des enfants, dont les écoles des quartiers noirs étaient alors à l’abandon…
La libération de Nelson Mandela en février 1990 a ensuite apporté un tournant politique majeur et une inflexion dans les actions du Secours populaire, désormais axées sur le développement : construction d’une crèche, équipement de deux salles de classe, réalisation d’une école technique… C’est aussi la construction d’un bâtiment médical permettant à des médecins d’une association de tenir des consultations, donner les premiers soins… Le SPF s’engage dans la construction de 500 maisons permettant le retour de familles paysannes exilées au Ciskei par l’apartheid.
Et puis, c’est aussi un grand élan de solidarité vers les enfants victimes du sida dans les années 2000. En écho à la Coupe du monde, la venue d’enfants au Stade de France pour une rencontre inédite « Soleil 2000 », où 70 000 enfants venus de toute la France et d’une trentaine de pays (dont l’Afrique du Sud) se sont retrouvés pour vivre un moment de fraternité à l’initiative du Secours populaire français. 

Vous avez profité de ces rencontres pour poser les premières pierres d’un prochain village « Copain du Monde ». Comment cela s’organise- t-il ?

Les villages d’enfants « Copain du Monde » sont portés par le Secours populaire français. Ces villages accueillent des enfants qui vivent en France métropolitaine ainsi que des délégations d’enfants venant de l’étranger ou de territoires ultramarins. Ils sont majoritairement organisés en partenariat avec des organisations spécialisées dans l’animation de séjours d’enfants. À l’étranger, organisés par des associations locales partenaires du SPF, ils rassemblent des enfants d’origines ou de communautés différentes ; c’est d’ailleurs de cette façon que nous allons construire celui d’Afrique du Sud. En effet, ce rendez-vous que nous programmons pour l’automne prochain rassemblera des enfants sud-africains et français. Durant leur séjour, ils se découvriront les uns les autres et mettront en place des actions de solidarité. Notre objectif est aussi de faire se rencontrer des enfants sud-africains de différentes ethnies et cultures pour qu’ils s’ouvrent sur le monde. Quant aux enfants français, ils viendraient notamment de l’Indre-et-Loire , département qui s’engage sur cette action depuis le début.