A Noël, le SPF repeint le monde en vert

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Sur l'île de la Dominique, dans le village de Salybia, l'association Soleil d'Or organise une fête de Noël sur le territoire Kalinagos - Décembre 2016

La tournée des Pères Noël verts, à l'image de la solidarité déployée par le Secours populaire, est internationale. Les liens tissés entre le SPF et ses partenaires sur la planète peuvent en effet s'incarner en des festivités de Noël. Qui offrent des temps de cohésion et de résilience collectives en même temps qu'elles signent le profond attachement du SPF aux droits de l'enfant : droit au jeu et aux loisirs, droit à être entouré et aimé, droit à s'exprimer, droit à la santé et à l'éducation - et, bien sûr, le droit de rêver ! 

Les enfants sont souvent les premières victimes des crises. Et quand celles-ci se multiplient, ils sont plus fragilisés que jamais. Crise économique, crise sanitaire, crise climatique : 2020, année de toutes les tourmentes, ne les aura pas épargnés. Le Secours populaire aura déployé toute son énergie et mobilisé tous ses bénévoles pour que cette année qui s’achève soit aussi, malgré tout, et peut-être même par-dessus tout, l’année de toutes les solidarités. Décembre pointe et, pour le Secours populaire, la solidarité se teinte de la couleur même de l’espoir : c’est la campagne des Pères Noël verts. Dans les permanences d’accueil qui essaiment partout en France, les bénévoles mettent tout en œuvre pour que « Noël n’oublie personne ». En même temps, partout dans le monde, les associations partenaires du SPF, avec lesquelles sont initiés des actions d’urgence ou des projets de développement tout au long de l’année, revêtent elles aussi leurs volontaires de vert. Sur les cinq continents, des fêtes sont organisées en l’honneur des enfants, afin de leur offrir de la chaleur et la possibilité des rêves.

Noël, levier de résilience collectif

« Alors que l’isolement et le repli sur soi semblent être des moyens de lutter contre la pandémie, l’organisation de moments festifs, la convivialité ou la distribution de cadeaux aux personnes en situation de pauvreté et de précarité constituent des leviers essentiels pour maintenir le lien social – des leviers de résilience collectifs », avance Michael Pozo, responsable du service animation & développement des solidarités au SPF. Et celui-ci d’ajouter : « La crise de la Covid-19 frappe tous les pays du monde, avec des conséquences souvent plus fortes pour les populations vivant dans des pays qui étaient déjà en difficulté : dans le monde, pour la première fois depuis près d’un quart de siècle, l’extrême pauvreté va augmenter en faisant basculer, d’ici à la fin de 2021, jusqu’à 150 millions de personnes sous le seuil d’extrême pauvreté[1]. »

« Noël restaure ainsi, bon gré mal gré, chaque fin d’année, la place de chacun dans son propre réseau de parenté. Le temps passant, chacun va d’ailleurs occuper toutes les positions : enfant, parent et grand-parent[2] », éclaire la sociologue Martyne Perrot, ajoutant à la dimension sociale du rôle cohésif de Noël l’évidente dimension familiale. Offrir un cadeau à son enfant, lui préparer un repas de fête, décorer la maison, c’est jouer pleinement son rôle de parent et s’inscrire dans une histoire commune. Une tradition qui parcourt toute la planète et cristallise de nombreux mythes et rites populaires.

« Avant même d’être une fête religieuse, la période de Noël était associée aux fêtes du solstice d’hiver, appelées les Saturnales. (…) Depuis l’Antiquité jusqu’au Moyen Âge, les « fêtes de décembre » offrent les mêmes caractères. D’abord, la décoration des édifices avec des plantes vertes ; ensuite, les cadeaux échangés, ou donnés aux enfants ; la gaîté et les festins ; enfin, la fraternisation entre les riches et les pauvres, les maîtres et les serviteurs[3] », résume l’ethnologue Claude Lévi-Strauss.

A Noël, le SPF repeint le monde en vert

En Haïti, le 24 décembre 2018, accompagnés par l’AHCD, les enfants ont revêtu les bonnets verts du Secours populaire pour faire la fête.

Se sentir appartenir à la communauté des Hommes

En 2020, les partenaires du Secours populaire, grâce au soutien de ce dernier, comptent bien créer, à l’occasion de Noël, ces « instants fugitifs où la société prend », pour emprunter aux mots de l’anthropologue Marcel Mauss[4]. Au Népal, l’association UEMS organisera ainsi des repas de fête dans une maison de retraite et dans un orphelinat, à Patan et Katmandou, pour 150 personnes. En Ukraine, ce sont un spectacle, un repas et des cadeaux qui seront offerts aux enfants, orphelins ou en situation de grande pauvreté. « Dans ce contexte d’incertitude et d’anxiété inédites, qui accroissent les exclusions sociales, l’échec scolaire et la crise économique, l’initiative des Pères Noël verts est plus que jamais bienvenue. Nous nous fixons pour objectif d’offrir à 350 enfants vulnérables d’Ukraine un temps de vacances placé sous le signe de la solidarité et du soin », témoigne l’association UAS – Four-Leaf Clover. 

Le partenaire éthiopien du SPF, Family Service Association, travaille activement à la préparation d’une grande fête de Noël pour 150 enfants pauvres et marginalisés de la capitale, Addis-Abbeba. Le programme en est ambitieux et, pour ceux qui sont habituellement privés de tout, l’objectif est d’offrir le meilleur. En l’occurrence : un spectacle, des mets festifs, des petits cadeaux, une participation à de nombreux jeux et la joie de se maquiller, ainsi que la fourniture d’un costume traditionnel. « Nous souhaitons que ces enfants ne sentent pas exclus et puissent vivre le même moment de fête que les autres enfants de la communauté », témoigne FSA. L’association rappelle ainsi que la période de Noël peut renforcer chez les enfants pauvres le sentiment d’exclusion. Et que l’enjeu est bien ici, et au contraire, de leur offrir une parenthèse indispensable pour retrouver confiance et éprouver leur appartenance à la communauté des Hommes. 

Des enfants des rues et de l’aide sociale aux Philippines, grâce à Mirasol, et des écoliers de maternelle de Djibouti : eux aussi bénéficieront de cadeaux de Noël, bûches, bonbons et boissons. Et quand cela sera possible, les parents seront associés à la fête car, témoigne l’association djiboutienne Bender Djedid, « il s’agit aussi de créer un lien social avec les familles ». C’est précisément ce que poursuit l’association mexicaine Muuch Kambal, qui travaille activement à l’organisation de dîners familiaux, pour plus de 450 personnes mayas de Hopelchen. Dans dix communautés, des fêtes de fin d’année se tiendront pour les familles de producteurs, accompagnés par l’association dans le cadre des activités agricoles génératrices de revenus. « A travers la convivialité, nous cherchons à motiver les producteurs pour qu’ils continuent de travailler de manière unie », explique Muuch Kambal.

A Noël, le SPF repeint le monde en vert

Au Salvador, dans le village de Comasagua, la Canasta Campesina et le SPF offrent aux enfants des cadeaux de Noël.

Les Pères Noël verts, défenseurs des droits de l’enfant

Ainsi, l’objectif des fêtes de Noël organisées ici et là sur la planète par les partenaires du SPF est au premier chef de rapprocher les êtres, d’initier des temps de fête et des échappées belles, bref de prolonger la geste ancestrale d’une « effervescence collective » où tous nous retrouvons « dans une même pensée et dans une même action », telle que la pensait le sociologue Émile Durkheim[5]. Le droit de jouer et d’avoir des loisirs, ainsi que le droit d’être entouré et aimé, traversent les fêtes mises en œuvre fin décembre. Mais ces temps de solidarité intègrent aussi pleinement une démarche éducative, rendant plus évidente encore l’inscription de la campagne des Pères Noël verts dans la démarche de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant. 

Le droit à l’expression est au cœur de la fête « créative » proposée par la Texan French Alliance for the Arts aux enfants pauvres de l’école élémentaire de Sutton à Houston. Ces 150 enfants, habitants d’un quartier pauvre de la métropole texane, fortement impacté par le passage de l’ouragan Harvey et en prise avec la violence et la délinquance, sont inscrits dans le programme socio-émotionnel « Be the peace, be the hope ». Ce programme vise à les aider à surmonter leurs traumas et à se reconstruire par l’expression et la création, qui seront au cœur de la fête de Noël. Les 100 enfants invités à la fête de Noël initiée par l’AMPDC au Mozambique sont quant à eux accompagnés sur le plan éducatif et psycho-social dans le cadre du programme « Sol Florescente ». Orphelins pour certains d’entre eux, en prise avec une grande pauvreté pour leur totalité, ils se sont trouvés fragilisés plus encore par le passage du cyclone et la sécheresse qui lui a succédé.

Pour beaucoup d’enfants, aller à l’école demeure un rêve, ou du moins un vœu que l’on cultive. Aux 4000 enfants qui participeront aux goûters de Noël et aux sorties en centres de loisirs organisés par quatre associations salvadoriennes, seront offerts un cartable, des cahiers et des crayons. Le passage de deux cyclones en juin, conjugué à une fermeture pendant dix mois des écoles, a creusé les inégalités au Salvador. Pour les enfants les plus démunis s’est évanouie l’assurance d’un repas par jour ainsi que la perspective d’une vie meilleure. Le retour à l’école est synonyme d’espoir. 

Au Bénin, lors du spectacle de Noël organisé par l’association CAEB, aux côtés des 150 enfants présents, de jeunes apprenties diplômées se verront offrir le nécessaire de couture qui leur permettra de s’installer. Au Niger, les fêtes de Noël organisées par HED-Tamat sont expressément liées à l’école. L’association témoigne : « Les activités Père Noël verts ont pour finalité de donner des moments de joie et d’allégresse aux enfants issus des milieux défavorisés. Ces fêtes constituent des moments de joie pour les élèves et des moments d’échange entre les autorités du système de l’éducation et les enseignants sur le terrain. » Plus de 500 élèves d’Agadez pourront danser et chanter, rire aux farces d’une troupe de théâtre et déguster un bon déjeuner, avant de repartir les bras chargés d’un précieux cadeau : un colis empli de manuels scolaires, de cahiers et de stylos et d’un crayon, d’un taille crayon, d’une règle et d’un kit de géométrie. 

Les petits maliens, orphelins de guerre ou vivant dans des camps de déplacés, se verront eux aussi offrir des sacs d’école empli de fournitures. Ce sont plus de 300 enfants en grande détresse que l’AMSCID envisage d’inviter à des fêtes de Noël et gâter de jouets et d’habits. Le jour de Noël, les bénévoles de l’association malienne se rendront à l’hôpital visiter les enfants souffrant de cancer, pour leur signifier qu’ils ne sont pas oubliés, que l’espoir doit demeurer : eux aussi recevront de beaux cadeaux. Tout comme les enfants de 300 familles démunies du centre de santé primaire de Port-au-Prince, grâce à l’association haïtienne AHCD.

Lever les yeux vers le ciel

Dans la région des Marches, au centre de l’Italie, la petite commune de San Ginesio peine, depuis 2016, à se remettre du terrible séisme qui l’a meurtrie. De nombreuses personnes sont toujours déplacées et 90% du patrimoine public demeure inhabitable. Églises, théâtres et musées, ces lieux communautaires où la population avait l’habitude de se retrouver, sont un lointain souvenir. C’est dans ce contexte que sous l’impulsion de l’association Arci Macerata se prépare une fête de Noël. Pour 150 enfants, des cadeaux seront offerts tandis qu’un feu d’artifice illuminera le village et des spectacles l’égaieront : théâtre, clown, mime. Ainsi que le spectacle aérien de l’artiste échassière Tatiana Foschi, qui aime à rappeler que « celui qui a essayé de s’envoler marchera en regardant le ciel » (« chi ha provato il volo camminerà guardando il cielo »). A y songer, cette formule de l’acrobate italienne pourrait bien offrir des efforts déployés par le Secours populaire et ses partenaires dans le monde une image éclair : celle de milliers d’enfants qui, malgré les difficultés, continuent d’espérer et de rêver – de lever les yeux vers le ciel.


[1] Selon un rapport de la Banque mondiale publié le 7 octobre 2020.

[2] Martyne Perrot, Ethnographie de Noël, une fête paradoxale, Grasset, 2000.

[3] Claude Lévi-Strauss, « Le Père Noël supplicié », Les Temps modernes, mars 1952.

[4] Marcel Mauss, « Essai sur le don », Sociologie et anthropologie, PUF, 1967

[5] Emile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse, PUF, 1912.

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