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A Nantes, une colo pour rire et grandir

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
A Saint-Aignan-Grandlieu, près de Nantes, des enfants accompagnés par le SPF des Yvelines découvrent lors d'une colo apprenante l'anglais et le football.

Dans le parc d’un château près de Nantes, des enfants accompagnés par la fédération des Yvelines du Secours populaire passent une semaine de « vacances apprenantes ». Lors de ces journées de colo, ils alternent entre cours d’anglais et entraînements de football, ces temps se nourrissant les uns les autres. Une semaine pour la tête et les jambes, une semaine pour rire et grandir.

Le site magique du Château de la Plinguetière, à Saint-Aignan-Grandlieu près de Nantes, est animé par les courses et les cris de dizaines d’enfants. Parmi ceux-ci, âgés entre 11 et 15 ans, une vingtaine a été invitée par la fédération du Secours populaire des Yvelines. Ils viennent de Mantes-la Jolie, Mantes-la-Ville ou Les Mureaux et, après un printemps confiné en appartement, ils expriment leur joie de s’ébattre en un tel lieu. « Je n’étais jamais parti en vacances. Enfin, j’étais déjà parti mais une seule journée. C’est la première fois que je dors », nous confie Imrane. Ces nuits de vacances, qu’il n’est pas près d’oublier, se déroulent dans la quiétude de sa chambre sise dans un des chalets du domaine et dont les fenêtres plongent dans la forêt. Ce garçon marocain de 15 ans, qui vit en hôtel social, vient d’arriver en France après un long séjour en Roumanie.

Mohamed, 15 ans lui aussi, raconte : « Je n’étais jamais parti en colonie ! C’est une très belle expérience. J’aime découvrir de nouvelles personnes et de nouveaux horizons ! » Souleyman, à qui l’on demande de nous parler de son séjour, récapitule : « On mange bien, équilibré, on dort bien, on joue au foot, on rigole ensemble, on se fait des amis, on parle… on s’amuse ! ». Ahmed, un an plus jeune, lance quant à lui : « Ce que je préfère ici, c’est me faire des amis et jouer au foot avec eux ! » Cela tombe bien pour Ahmed, car le foot est au centre de cette semaine de vacances. C’est une colonie un peu particulière : une « colo apprenante » qui s’intitule « Le foot sous un autre angle » …

240 enfants des Yvelines en colo

Des difficultés faire une force, des contraintes faire naître de nouvelles pratiques de solidarité : c’est ce que semble s’être dit l’équipe de la fédération des Yvelines du Secours populaire. La période du printemps, habituellement vouée, dans l’association, à la préparation par les bénévoles de la campagne vacances, a été bouleversée par la pandémie de coronavirus et le confinement de la population. Aussi, les départs en vacances des enfants et familles en difficulté aidés par le SPF ont-ils dû être imaginés, puis préparés, dans l’urgence.

Comme d’autres, la fédération des Yvelines s’est appropriée le dispositif des « vacances apprenantes » dévoilé par le Ministère de l’Éducation nationale début juin et dédié aux enfants et jeunes en difficulté. L’objectif en est de lutter contre le décrochage scolaire lié au confinement en liant approches pédagogique et ludique, temps d’apprentissage et temps de vacances. La fédération des Yvelines a ainsi fait partir, durant tout l’été, 240 enfants dans des « colos apprenantes », l’un des piliers de ce dispositif qui peut aussi se décliner en « école ouverte » ou « centres de vacances apprenants ». 

Des moments qui font grandir

Lénica Vautier, qui a coordonné les inscriptions au sein de la fédération, témoigne : « Les colonies, surtout impulsées dans une démarche d’éducation populaire, constituent en tant que telles un temps d’apprentissage. Il ne s’agit pas d’apprentissages directement liés à la scolarité des enfants, mais d’éléments liés à la vie quotidienne, à la transmission de valeurs, à la recherche de réponses aux questions que peuvent se poser les enfants. Les colonies sont des moments de vacances, de bonheur, mais surtout des moments qui font grandir. » Issa, 11 ans, confirme : « Ici, j’ai appris à être plus autonome : j’ai fait le ménage dans ma chambre, j’ai fait le service à table », déclare-t-il tout sourire.

Lénica et les bénévoles des Yvelines ont travaillé, dans l’urgence, avec plusieurs partenaires (comme la Ligue de l’enseignement ou l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique) qui ont mis sur pied de tels séjours. Chacun propose un programme (immersion dans la nature, activités nautiques, découverte du patrimoine, etc.) et, à chaque fois, l’articule à des temps pédagogiques et de détente. Pour inscrire les enfants, le SPF des Yvelines a activé un réseau de huit associations de quartiers et institutions, tel le Programme de Réussite Éducative. Ainsi, en démultipliant les énergies et en s’appuyant sur les expertises locales, le Secours populaire a pu, en un temps record, faire partir des centaines d’enfants.

L’enfant au centre

Durant tout le mois d’août, ce sont 80 d’entre eux, entre 11 et 15 ans, qui ont participé à la colo « Le foot sous un autre angle », organisée par l’un de ces partenaires, Partenasport, à Nantes. Keller Mukoko-Lemba, président et cofondateur de Partenasport, avance : « C’est une colonie apprenante à thématique football : cela veut dire qu’on part du football pour atteindre d’autres objectifs, à savoir l’anglais et la culture numérique. Les séances de football sont filmées et servent ensuite de support aux cours d’anglais. L’anglais et le numérique, ce sont deux grands enjeux pour l’avenir. »

Lénica est venue passer deux journées à Nantes afin de rencontrer l’équipe de Partenasport et faire le point : « La chose qui m’a le plus marquée, c’est la liberté laissée aux enfants. La liberté d’apprendre, de faire, mais aussi de se tromper. L’équipe est jeune, se connaît depuis longtemps, et est majoritairement issue des quartiers populaires dont les jeunes qu’elle encadre proviennent.  Même si cela peut paraître anecdotique, cela est primordial dans la relation, la confiance et le partage de leurs valeurs. Les jeunes sont grandement mis en responsabilité vis à vis des plus petits qu’eux, et cela a marqué la plupart des esprits. » Lénica poursuit : « J’ai découvert des projets pédagogiques et éducatifs portés par des organismes qui mettent vraiment l’enfant au centre, ses besoins, et ses envies. J’ai découvert que l’aspect scolaire est vraiment construit dans un objectif d’éveil de l’enfant mais, surtout, dans une démarche où l’enfant est acteur et auteur de son apprentissage. »

Ce sont les enfants qui nous surprennent !

Des cinq jours que dure la colo, ce sont les matins qui sont dédiés à l’anglais et les après-midis au football. D’autres sports sont également pratiqués pendant le séjour, tels le badminton et le ping-pong. « Lors des séances de sport, nous mettons l’accent non pas sur l’aspect compétitif mais éducatif : comment bien se comporter avec ses co-équipiers ? », précise Clément Tronçon, directeur technique de Partenasport. Ce qui compte est d’offrir du collectif à des vies qui, a fortiori à l’issue du confinement, souffrent parfois d’être isolées, fragmentées.

Mais le déroulement des journées ménage aussi des temps informels plus intimes où les enfants peuvent se confier et se dévoiler. Clément le confirme : « Nous avons la chance d’avoir un cadre, autour du château, propice à créer un moment privilégié, qui rompt avec le quotidien. Ce sont des journées intenses, certes, mais il reste de nombreux temps libres, où des liens forts se créent entre enfants et animateurs. Pour chaque séjour, on prépare des activités et on tente de surprendre les enfants. Mais au final, ce sont eux qui nous surprennent. Par leur sincérité, leurs émotions sans filtre, leur capacité à dépasser leurs difficultés. » Keller, sur la même longueur d’ondes, prolonge les propos de Clément : « Ce qui est important, au sein de groupes d’une cinquantaine d’enfants, est de pouvoir parfois prendre les enfants à part, et de tendre l’oreille. Ils ont alors, toutes et tous, quelque chose à raconter, à confier. »

Des lumières pour éclairer les enfants sur leur chemin

Frantz Tchonang Ngassa, co-fondateur de Partenasport, se félicite de ce partenariat avec le Secours populaire. C’était naturel, confie-t-il, que les deux structures se rencontrent, tant leurs valeurs se rejoignent. Frantz regarde les enfants jouer au foot un peu plus bas, sur le terrain qui prolonge le parc du Château puis songe : « Partenasport regroupe des personnes aux parcours assez similaires. Il y a quelques années, nous étions à la place de ces enfants. Et ce sont des moments éducatifs ou de vacances qui nous ont aidés. Alors, à notre tour, nous désirons être une des petites lumières qui vont éclairer ces enfants sur leur chemin. »

A Saint-Aignan-Grandlieu, des enfants du Secours populaire des Yvelines participent à une colo apprenante mêlant apprentissage de l’anglais et pratique du football

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