A Izieu les « Copain du Monde » font vivre le devoir de mémoire

Mis à jour le par Anne-Marie Cousin
Animé par Jean-philippe Repiquet un atelier sur les droits de l'enfant et les discriminations a fait réfléchir les "Copain du Monde".

Le dimanche 13 novembre, 48 enfants « Copain du Monde » de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont visité la maison d’Izieu et son mémorial des enfants juifs exterminés. La visite d’une exposition et de la maison où étaient accueillis les enfants leur ont permis de découvrir une page de l’histoire de France et de réfléchir aux discriminations.

« Au matin du 6 avril, 44 enfants et 7 éducateurs qui étaient réfugiés dans cette maison ont été raflés puis déportés sur ordre de Klaus Barbie, un responsable de la Gestapo de Lyon. » A leur arrivée, les enfants « Copain du Monde » sont accueillis par le directeur de la maison d’Izieu, Dominique Vidaud qui leur livre cette information. Pour beaucoup, notamment les plus âgés, ce terrible épisode de notre histoire n’est pas méconnu. Mais ce que les uns et les autres peuvent apprendre dans les manuels scolaires prend ici une tout autre dimension, car mettre des noms et des visages sur des personnes humanise cette tragédie. Pour Claude Esclaine, responsable régional du Secours populaire, cette journée « porte une action régionale, symbolique et forte, qui valorise l’engagement du mouvement d’enfants « Copain du Monde » autour des valeurs de partage, d’entraide, de solidarité ; ici et aux quatre coins du monde, ces enfants tissent des liens d’amitié, de fraternité, cultivent la paix. A la veille du 20 novembre et l’année des 30 ans du mouvement « Copain du Monde », cette initiative est forte de sens ».  Âgés de 8 à 17 ans, les « Copain du Monde » venus de 7 départements* de la région ont pu dans un premier temps visiter l’exposition permanente dédiée à l’histoire. Scindée en trois espaces distincts, celle-ci présente l’aspect historique, judiciaire et mémoriel du lieu. Accompagnés de Juliette et Lucas, animateurs « Copain du Monde », et d’Axelle Bourgougnon, médiatrice de la maison d’Izieu, le groupe des plus jeunes (8-13) découvre ce qui s’est passé durant la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement pour les Juifs. Comme l’explique Axelle Bourgougnon, « en France il existait des camps d’internement pour les Juifs d’origine étrangère, notamment dans l’Hérault où Sabine Zlatin travaillait pour l’Œuvre de secours aux enfants (OSE), une organisation juive d’entraide. Les conditions d’internement et les dangers permanents de déportation l’ont conduite avec son mari a ouvrir cette maison. Durant onze mois, les Zlatin accueilleront plus d’une centaine d’enfants ».

Une journée forte de sens

Gofran et Léonore, toutes deux « Copain du Monde » du Rhône, réagissent et interpellent la médiatrice. « Mais pourquoi les français laissaient faire, ils n’aidaient pas les juifs ? »En réponse, elle explique que le contexte était difficile, la pression des allemands permanente et que le gouvernement de Vichy avait fait le choix de collaborer. « A cette époque, il était difficile de s’opposer et résister était dangereux, néanmoins les Zlatin ont trouvé des appuis précieux pour sortir des enfants des camps d’internement », précise-t-elle. Comme elles, l’ensemble du groupe découvre que différents types de camps existaient et qu’il y en avait aussi sur le sol français. Une fois la visite de l’exposition terminée, les « Copain du Monde » sont conviés à visiter la maison où les enfants étaient accueillis. Celle-ci est un lieu de mémoire dédié aux 105 enfants qui sont passés par la colonie d’Izieu et plus particulièrement aux 44 enfants d’entre eux qui, avec 7 de leurs éducateurs, ont été victimes de la rafle du 6 avril 1944.

A Izieu, les "Copain du Monde" font vivre le devoir de mémoire

En introduction, la visite d’une exposition sur la seconde guerre mondiale permet de comprendre ce qui s’est passé à Izieu le 6 avril 1944.


Dans les différentes pièces, le réfectoire, la salle de classe ou bien les dortoirs, le lieu esquisse ainsi le quotidien des enfants. Leurs lettres et dessins sont exposés dans le réfectoire. La lettre de Georges Halpern dit Georgy, adressée à ses parents, témoigne d’un quotidien joyeux comme celui de n’importe quel enfant. « Je suis en cours élémentaire, je mange bien, la classe est jolie, je m’amuse bien ». De nombreux dessins sont aussi exposés dans la salle des repas. Lina, collégienne de Bourg-en-Bresse, ne comprend pas pourquoi les parents de Georgy ne sont pas avec lui à Izieu. En fait, comme lui explique Axelle Bourgougnon, « ce garçon de 7 ans a été confié par ses parents à l’OSE comme tous les enfants de cette colonie car ils étaient internés. »

Ne pas oublier les 44 enfants d’Izieu

Axelle prend alors le temps d’expliquer le quotidien des enfants, école pour certains, travaux des champs pour les plus grands. Des temps de loisirs avec du dessin ou du théâtre. Une vie presque normale, notamment grâce à la solidarité des gens du village, du sous-préfet qui délivrait les laisser passer à Sabine Zlatin pour qu’elle puisse circuler et aller chercher des enfants dans le sud de la France. Une solidarité importante et porteuse d’espoir qui fait écho à la question posée par Gofran et Léonore lors de la visite de l’exposition. En effet, résister n’était pas simple mais possible : en témoigne l’engagement des habitants d’Izieu. Et si 44 enfants ont été déportés, plus de 60 ont pu être sauvés. Moment chargé d’émotion, la fin de la visite de la maison. Sur les murs des deux dortoirs, un portrait de chacun des 44 enfants est accroché. Des photos de Max, Liliane, Otto, Nina, Esther et de tous les enfants raflés sont exposées pour qu’il n’y ait pas d’oubli. A ce moment-là, le silence pèse sur le groupe qui, comme le constate Juliette l’animatrice « Copain du Monde » de Vienne dans l’Isère, comprend que les enfants réalisent ce qui s’est réellement passé ce 6 avril 1944.

A Izieu, les "Copain du Monde" font vivre le devoir de mémoire

En fin de visite, deux salles sont dédiées à la mémoire des 44 enfants. Des portraits qui invitent au recueillement.


Clara, à peine âgée de 12 ans, s’arrête devant plusieurs portraits. Comme elle, ils ne sont que des enfants…Après cette matinée au cours de laquelle le groupe a beaucoup appris et où les silences ont été nombreux et longs, c’est un atelier sur les droits de l’enfant qui leur est proposé. Avec Jean-Philippe Repiquet, également médiateur, ils découvrent l’histoire de l’Étrange É, ouvrage écrit par Grégoire Aubin. Une population de É mène une vie paisible jusqu’au jour où un étrange É débarque. Sa différence provoque affolement et inquiétude. Mais il permettra aux É de faire une bien jolie découverte et peut-être même plus. Car pour faire des mots il faut des lettres. Adlil, jeune « Copain du Monde », comprend le message que souhaite faire passer l’auteur, que « les différences ne doivent pas faire peur et qu’au contraire elles peuvent être une force ». Les thèmes abordés à travers cette lecture amènent les « Copain du Monde » à réfléchir sur les différences et les discriminations, sujets très souvent abordés par les clubs au cours de leurs actions de solidarité. Comme Lina, collégienne de 4ème l’explique, « avec les « Copain du Monde » de Bourg-en-Bresse on agit pour aider les gens, tous les gens. L’année dernière, on a fait des maraudes pour les SDF. Ce sont des gens qui vivent à la rue mais que l’on ne doit pas discriminer ».

Les droits de l’enfant au coeur des actions « Copain du Monde »

Cette introduction permet de mettre en lumière les discriminations dont les Juifs ont été victimes durant la Seconde Guerre mondiale. Le témoignage de Paul, âgé de 10 ans pendant la guerre, éclaire sur les lois anti-raciales de l’époque. Plus le droit d’aller à l’école pour les enfants juifs, plus le droit de travailler pour les parents, plus le droit de se marier avec un non juif, plus le droit d’aller dans les mêmes magasins…  Au total, ce sont 200 lois anti-juives qui ont été édictées par le régime d’Hitler. Fatima a du mal à y croire : « 200 lois contre une population entière, c’est pas possible ! ».Pour finir cet atelier sur les droits de l’enfant, différentes images sur le travail des enfants et les enfant soldats sont présentées. L’objectif en est de montrer que la question des droits de l’enfant est toujours d’actualité même si, en 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies. Sarah, « Copain du Monde » de l’Ardèche, réagit à la situation des enfants révélée par les images. « Les enfants ne doivent pas faire la guerre ni travailler, ils doivent aller à l’école. Avec les « Copain du Monde » de Privas, on collecte pour que les enfants de Madagascar aillent à l’école. On a vendu des marque-pages pour collecter de l’argent et construire une école », explique-t-elle. Une initiative qui témoigne de l’engagement du mouvement « Copain du Monde » pour la défense des droits de l’enfant au quotidien et pas seulement le 20 novembre même si, ce jour-là, ils seront nombreux à faire entendre leurs voix.

*Cantal, Ain, Puy de Dôme, Isère, Rhône, Ardèche, Savoie