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Pour le Maroc, une pluie de petits dons à Aubervilliers

Les initiatives se multiplient au profit des victimes du séisme au Maroc. Au marché d’Aubervilliers, les bénévoles du Secours populaire et de l’Association des Marocains en France ont collecté 560 euros, souvent au travers de tout petits dons, auprès d’habitants profondément émus et désireux d’être solidaires.
« Solidarité avec le peuple marocain », répètent Nacéra, Yasmin ou Patrick, dans l’allée du marché d’Aubervilliers où se trouve l’entrée du Monoprix. Un passant s’arrête en les voyant tendre des troncs de collecte et leur répond qu’il « donne déjà, mais directement là-bas. » « Ah, mais nous aussi ! », lui réplique, sourire aux lèvres, Philippe Portmann, le secrétaire général du Secours populaire en Seine-Saint-Denis : « Vous savez, nous allons utiliser cet argent en liaison avec les associations locales avec lesquelles nous travaillons depuis 20 ou 30 ans. » Cette collecte est réalisée en partenariat avec l’Association des Marocains en France, qui fédère plusieurs associations locales, et dont plusieurs membres sont présents. « Leurs bénévoles sont aussi au Maroc, y compris dans les régions sinistrées avec qui nous allons travailler. » Le passant met alors sa main dans la poche arrière de jean et ressort un peu plus de 2 euros, qu’il glisse dans le tronc tendu par Philippe.
« Solidarité avec le peuple marocain »
Dès que la nouvelle du séisme est tombée, trois jours plus tôt, les bénévoles ont tout de suite décidé d’agir alors que le bilan ne cessait de monter. A l’heure où cet article paraît, on compte plus de 2900 morts, plus de 5500 blessés et des milliers de sinistrés, qui sont à la fois sans-abri et sous le choc. Mardi, 12 septembre, une dizaine de bénévoles d’Aubervilliers s’est donné rendez-vous au marché et appellent à la « solidarité avec le peuple marocain ». Patrick et Xavier ont déplié une table rouge et y ont posé des tracts sur lesquels on peut lire en très gros caractères « solidarité avec le Maroc » sous un gros drapeau rouge avec une étoile verte. Une flamme aux couleurs du Secours populaire attire l’œil des passants.

Ces derniers se pressent autour du stand, posent des questions aux bénévoles. Dans la confusion, une main discrète glisse un mélange de billets et de pièces dans le tronc posé sur la table à côté de la flamme. C’est celle de Zineb, la femme de petite taille, la tête recouverte d’un foulard aux couleurs vives, s’en va sans un mot. « Si je pouvais donner plus, je donnerais plus, parce que ça me touche, ça me fait vraiment de la peine », confie cette femme qui travaille depuis 25 ans comme cuisinière dans les quartiers chics de Paris : « J’ai de la famille à Marrakech. On a pleuré ce week-end, on n’a pas dormi. On était très inquiets en attendant des nouvelles. Mes frères et sœurs, ça va, mais j’ai beaucoup de cousins et cousines qui sont morts. »
L’argent collecté sera transféré au siège du Secours populaire, qui a déjà débloqué 150 000 euros du fonds d’urgence. Tout l’argent sera utilisé avec les partenaires locaux de l’association qui agissent dans les régions touchées par le séisme. « Déjà, une mission est partie dans la région de Marrakech pour évaluer les premiers besoins », précise Philippe Portmann. Les hommes, les femmes, les enfants, les vieillards, qui ont échappé au tremblement de terre, « ont besoin de se nourrir, d’être mis à l’abri et de se savoir soutenus aussi », souligne Fahti Tlili, responsable du comité du Secours populaire à Aubervilliers. « La maison de mes frères et sœurs ne s’est pas écroulée, mais elle a quand même beaucoup bougé. Ils viennent de passer trois jours à manger et à dormir dehors », confirme Zineb, avant de reprendre sa route.
Ici, quand on collecte, les gens répondent présents ; pour la Turquie, la Palestine, le Liban, l’Ukraine… Il y a quelques semaines, nous avons collecté pour assurer une bonne rentrée scolaire
Fahti Tlili, responsable du Secours populaire à Aubervilliers
Fathi et Nacéra partent faire le tour des commerçants. Ils passent de stand en stand. Ce n’est pas la foule du samedi. Mais les vendeurs de fruits et légumes assurent l’animation en interpellant les passants : « La tomate, la tomate, la tomaaaate ! » ; « Allez, on y va sur la pastèque ! » ; « Viens tata, t’as pas goûté le melon ! » Sous le marché couvert, le boucher Mokrane Attouche est aussi le président de l’association des commerçants locaux. Il ne laisse pas passer les bénévoles sans faire un don. « Le Secours populaire est toujours actif dans les moments difficiles pour les gens. Il faut l’aider pour qu’il poursuive ses actions. » Son association et le Secours populaire sont souvent partenaires. Ils vont discuter du Maroc. « C’est douloureux dans la mesure où beaucoup de gens sont décédés. Il faut que les gens qui dorment dehors retrouvent un abri et si on peut faire quelque chose pour cela, on le fera. »
« Ici, les gens nous connaissent, relate Fahti. Ils viennent nous voir quand ils en ont besoin, pour l’aide alimentaire par exemple. » Aubervilliers est une ville populaire, beaucoup de dons se limitent à 1 euro, 2 euros. « Les gens donnent ce qu’ils peuvent, la priorité est quand même de faire ses courses, mais de tels montants sont très généreux quand on les rapporte à leurs revenus », explique Fahti Tlili, plein de gratitude. « Si tout le monde donnait un euro, ce serait formidable », assure Maria, bénévole à une passante, qui s’était arrêtée pour se renseigner si l’association acceptait les petits dons, parce qu’elle a du mal à faire face aux dépenses quotidiennes. « Même 1 euro, madame, si vous ne pouvez pas plus, c’est la solidarité », précise Maria, avec douceur.

Arrive alors une vieille connaissance, Nouara, qui tire son petit chariot. La femme, toute petite et toute souriante, a travaillé 22 ans au Secours populaire. « J’ai déjà fait un premier don. La manière la plus utile de donner, c’est de donner de l’argent. Parce que les sinistrés vont rapidement recevoir le nécessaire (des couvertures, des couches, etc.), mais il y a aussi besoin d’argent pour la reconstruction, pour retrouver une vie normale et pour ça, il faut se projeter sur le long terme. »
Le retour à la vie normale va prendre du temps avec les maisons écroulées ou ébranlées, les routes impraticables, les réseaux d’eau et d’électricité interrompus. Comme beaucoup d’habitants à Aubervilliers, Nouara a des amis à Marrakech. « J’étais très, très, très inquiète. Et j’ai pu leur parler que le lendemain. Ils étaient complètement choqués. Quand j’ai vécu le tremblement de terre de 1980, j’habitais alors Alger, on a mis presque deux mois pour se remettre, physiquement et psychologiquement. » Elle décrit la terreur qui s’empara des survivants : « Dès qu’on entendait quelque chose bouger, on se tenait par réflexe, on avait peur que ce soit une réplique. »
Quand on voit la catastrophe que c’est. On reste sans mots. On est choqué par l’ampleur des dégâts, par le nombre de victimes, par toutes ces familles endeuillées
Nouara, donatrice rencontrée à Aubervilliers
Partout en France, les bénévoles multiplient ce type de collecte (voir encadré) au profit des nombreux sinistrés. « Maintenant, on leur souhaite beaucoup de courage, lâche Nouara en s’en allant. Vraiment beaucoup, beaucoup de courage. On est là, on est avec le peuple marocain. »
Un élan de solidarité sur tout le territoire
Aubervilliers n’est ni la seule ville où se mobilisent les bénévoles, ni la seule ville où les gens veulent apporter leur aide aux sinistrés du Haut-Atlas, au sud du Maroc. Rien qu’en Seine-Saint-Denis, des collectes ont eu lieu ou sont programmées à Bagnolet, Saint-Denis, Pantin ou Saint-Ouen. Un grand mouvement de solidarité envers les sinistrés se noue, aussi bien au Maroc qu’en France. « On sent une grande émotion et une énorme générosité après ce tremblement de terre, confirme le directeur général du Secours populaire, Thierry Robert. Il y a beaucoup de liens entre les Français et le Maroc, certains ont des origines marocaines, et l’ampleur de la catastrophe marque les esprits. »
Dans les Alpes-Maritimes, une collecte au tronc a été réalisée dans le centre-ville de Nice, le 11 septembre, permettant d’ajouter plus de 2 200 euros à l’aide apportée aux victimes du séisme. Les enfants du mouvement « Copain du Monde » sont également mobilisés. A Fenouillet, près de Toulouse, ils relaient l’appel à dons auprès de leurs familles et de leurs amis. A Marseille, les « Copain du Monde » étaient partis collecter auprès du public sur la Canebière dès le samedi de la catastrophe.