Protéger
Turquie : les enfants du séisme gardent espoir

Le Secours populaire continue d’aider les sinistrés du sud de la Turquie, qui ont été frappés par le séisme de février 2023. Après une distribution de matériel scolaire à Antioche, une école vient d’être réhabilitée à Osmaniye, à une centaine de kilomètres plus au nord. Enseignants et élèves témoignent du sentiment de sécurité retrouvé dans cette école qui fonctionne désormais comme avant.
A Osmaniye, une commune du sud de la Turquie, située à 600 km d’Ankara et à 130 km de la ville syrienne d’Alep, l’aide du Secours populaire est visible. Les travaux de réhabilitation d’une école primaire sont finis. Elle ne porte plus les stigmates du séisme meurtrier de février 2023. Celui-ci avait infligé de multiples dégâts à l’établissement scolaire, comme à toute la région, y compris de l’autre côté de la frontière, sur le territoire syrien. Une délégation du Secours populaire doit se rendre prochainement sur place pour une cérémonie marquant la réhabilitation de l’école primaire.
« Sur le chemin du retour à une vie normale »
En 2023, l’événement tectonique a fait au moins 56 000 morts et plus de 105 000 blessés. L’un des pires désastres naturels « en un siècle » a réagi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) tandis que le bilan des autorités turques évaluait qu’un habitant sur six avait été affecté, soit 14 millions de personnes, dont près de 2 millions de sinistrés contraints de se réfugier dans des abris de fortune, comme des conteneurs ou sous des tentes. Pour beaucoup, deux ans plus tard, ils continuent de vivre dans les mêmes conditions. « Avec la réhabilitation de l’école, nous avons contribué à remettre les enfants sur le chemin du retour à une vie normale », juge Rahshan Saglam, responsable de Nartane, le partenaire local du Secours populaire.

Il y déjà plusieurs mois que les cours ont repris dans l’école et que les travaux ont été menés à leur terme. Ils ont pris deux mois. Des murs ont été refaits, d’autres renforcés. Le toit comme les toilettes ont été réparés. Après le tremblement de terre, il ne restait plus que deux sanitaires à la fois pour les centaines d’élèves et les enseignants. « C’est ce qui m’a le plus marqué, on ne pouvait plus aller au WC. L’eau usée coulait du plafond », se rappelle Velit, un garçon de 10 ans qui est dans la classe équivalente au CM1. L’école est pour lui très importante car il aime autant « apprendre de nouvelles choses » que « jouer avec mes copains ».
Depuis que les travaux ont été réalisés, la petite Zeynep, également 10 ans, s’est sentie plus en sécurité et « plus heureuse » une fois que les vitres ont été remplacées. « Les anciennes étaient brisées et les morceaux répandus partout par terre », raconte-t-elle encore choquée. Mohamed Amir, qui est dans la même classe que les deux autres élèves, se sent lui aussi plus en sécurité désormais : « Je suis très content de ne plus voir les trous partout dans les murs. »
« Je n’avais pas vu les enfants comme ça depuis le séisme »
Burak, 39 ans, enseigne dans l’école depuis 12 ans. Il témoigne de l’effet que la rénovation a produit sur les enfants : « Leur visage a changé. Je ne les avais pas vu comme ça depuis le séisme. » L’établissement scolaire revient de loin. Juste après le séisme, Burak était venu voir l’étendue des dommages infligés à l’école. Ils étaient tels qu’il « ne savait même plus pas s’il fallait la détruire ou la réhabiliter ». Après une inspection, les fondations se sont révélées stables, écartant tout risque d’effondrement.

Dans cette région sinistrée de l’est de la Turquie, tout est resté fermé pendant deux mois. Puis, les cours ont repris à distance, à travers des groupes constitués sur la messagerie électronique WhatsApp. L’école a ensuite rouvert ses portes, une fois les gravats déblayés. « Mais personne n’est venu », souligne Burak. Les familles ne voulaient pas envoyer les enfants à l’école de peur que sur le chemin des bâtiments s’effondrent. Les répliques du séisme se sont prolongées pendant des mois, les enfants ont longtemps été effrayés de revenir à l’école. « Pour nous, il était important que l’école soit réhabilitée pour que les enfants puissent se sentir en sécurité en revenant dans ces bâtiments », relève Burak.
Petit à petit, les élèves retournent à l’école, qui accueille de nouveaux enfants dont la famille est venue vivre à Osmaniye car la reconstruction de leur ville d’origine n’a pas encore été entreprise. La vie n’est pas revenue à la normale. Des enfants ont perdu leurs parents, d’autres ont déménagé. Des amis de Zeynep, Mohamed Amir et Velit sont morts. Toute la famille de Zeynep, avec ses oncles, tantes, etc., s’est réfugiée dans sa seule maison, qui a été fragilisée. Elle ne s’y sent plus en sécurité. Mohamed Amir, lui, a été contraint de déménager. Il a peur qu’une réplique lui fasse perdre sa nouvelle maison. Velit redoute, lui aussi, cette éventualité et de devoir « dormir à nouveau dans des endroits différents, d’être à nouveau un réfugié ».
Reprendre les apprentissages, un encouragement
Une centaine de kilomètres plus au sud, à Antioche, près de la frontière libanaise, Funda est psychologue scolaire à l’école Nizamettin Özkan İlkokulu. Derrière le bureau où elle est assise, des dessins d’enfants – naïfs et colorés – sont accrochés au mur. L’école et la ville ont été dévastées. « Le séisme est un événement qui marque un tournant dans la vie des habitants de la région », analyse-t-elle : toutes les familles ont eu au moins l’un de leurs membres victime du séisme et les survivants ont dû vivre avec des proches morts sous les décombre à côté d’eux. « Avant le séisme, il était facile de sortir les élèves d’un problème particulier, mais là comme rien n’est revenu à la normale, c’est très difficile. »

Dans la ville devenue un immense chantier, où les camions charrient en permanence des matériaux de construction, l’école de Funda est devenue un point de stabilité. Le Secours populaire a facilité la reprise des cours en distribuant des fournitures scolaires auprès de plus des 500 élèves de l’établissement scolaire. « Avec cette initiative des ‘‘Stylos de l’espoir’’, les élèves ont reçu un cartable et un ensemble complet de cahiers, crayons, stylos, gommes, règles et matériel de coloriage. Ça leur a permis de reprendre leurs apprentissages, mais a aussi constitué un encouragement dans les circonstances difficiles qu’ils traversent », souligne Rahshan Saglam, de Nartane.
La plupart des enfants vivent encore dans des abris de fortune. Désormais, pour Funda et son collègue Anil, enseignant, les enfants ont surtout besoin de pouvoir se changer les idées. « Ils n’ont pas de parcs pour se promener ou d’aires de jeux pour s’amuser, des endroits avec des arbres et des jouets. Ils ont besoin de vivre autre chose », indique Funda. « Pourquoi pas un séjour à Ankara ou Istambul ? », avance Anil, gravement. Le Secours populaire et Nartane échangent sur les suites à donner aux interventions menées à Antioche et Osmaniye. Les bénévoles, comme les équipes pédagogiques font « tout pour que les enfants ne perdent pas l’espoir », comme le résume Funda.