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Valence : « Nous serons auprès des sinistrés pendant longtemps »

Le 29 octobre, l’Espagne était submergée par des inondations dramatiques causées par une « goutte froide ». Le Secours populaire, bouleversé par l'ampleur des dégâts matériels et humains, avait aussitôt lancé un appel aux dons financiers. Le 25 novembre, une mission s’est rendue dans la région de Valence, la plus touchée par les intempéries, afin de rencontrer ses partenaires ainsi que les institutions, et initier une solidarité qui devra se déployer sur le long terme. Rencontre avec une des membres de la mission, Houria Tareb, secrétaire nationale du Secours populaire.
Vous revenez d’Espagne où vous avez conduit une mission du Secours populaire, du 25 au 28 novembre, dans la région sinistrée de Valence : quel était l’objectif de votre présence sur place ?
Notre objectif était de rencontrer différentes associations présentes dans les zones sinistrées par les inondations, à Valence et au sud de la province, que nous avons identifiées avec nos partenaires espagnols de longue date, l’ACP (Association catalane pour la paix) et Treball Solidari. Ces associations identifiées sont ancrées sur les territoires, agissent en première ligne pour apporter la solidarité aux populations sinistrées. Nous avons ainsi pu découvrir leurs actions conduites dans l’urgence et avons réfléchi à ce que nous pourrions faire ensemble, en partenariat, pour que le Secours populaire puisse apporter son soutien aux familles sinistrées – à court terme, dans le cadre de l’aide d’urgence, comme sur le plus long terme.
Quelle est le premier partenaire que vous ayez rencontré ?
Le premier jour, nous avons retrouvé la fondation Cepaim, que nous connaissions déjà. Nous l’avions rencontrée en 2018, à Valence, à l’occasion d’actions communes que nous souhaitions mettre en place en direction des réfugiés, naufragés du navire Aquarius. La Cepaim est un regroupement d’associations qui œuvrent pour apporter la solidarité, prodiguer un accompagnement administratif et favoriser l’insertion des personnes migrantes. L’Espagne est un axe majeur pour le transit des personnes exilées et nous avons découvert en Valence une ville très accueillante. La Cepaim, forte de son expérience, a mis en place des permanences d’aide administrative et juridique pour les sinistrés. Ces familles meurtries commencent seulement aujourd’hui à réaliser l’ampleur du désastre : la fondation souhaite donc mettre en place des permanences de soutien psychologique, qu’ils ont identifié comme un besoin saillant. Comme la plupart des bâtiments sont devenus impraticables, elle imagine une antenne mobile. Le Secours populaire a une grande expérience en la matière avec ses « solidaribus » ; nous allons donc pouvoir les aider à mettre cette action en place et la soutenir.

« Les personnes sinistrées ont sous les yeux les vestiges de la catastrophe, qui leur rappellent ce qu’elles ont traversé et tout ce qu’elles ont perdu. » ©SPF
Parmi toutes ces rencontres, laquelle vous a le plus marquée ?
Peut-être celle avec les bénévoles de la Koordinadora de Kolektivos del Parke. Cette association, basée dans le quartier populaire du Parque Alcosa, situé entre les municipalités d’Alfafar et de Massanassa, a été frappée très durement par les inondations. Leurs deux centres de jour, où ils mènent des activités pour les enfants comme l’accompagnement scolaire, ainsi que pour les adolescents en risque de rupture sociale, ne peuvent plus fonctionner. Ils sont en ce moment installés dans les locaux d’un magasin qui a été complètement inondé et que la mairie leur met à disposition. Ils sont le principal acteur auprès des familles sinistrées du quartier : ils gèrent l’aide matérielle et ont mis en place une permanence d’accueil, d’écoute et d’orientation pour ces familles démunies, dont il ont fait le recensement. En lien avec des professionnels de santé, ils assurent la fourniture en produits pharmaceutiques ; ils organisent la distribution de repas chauds et assurent des livraison à domicile pour les personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Ils ne sont au départ pas des urgentistes, mais ils ont pris à bras le corps la solidarité. Ils ont par exemple mis en place une banque de prêt d’outils : ils ont collecté des pelles, karchers, etc. pour les mettre à disposition, dans un esprit de mutualisation. Ce sont d’ailleurs eux qui ont coordonné l’action de tous les bénévoles qui sont venus spontanément aider suite à la catastrophe.

« Les bénévoles de Kolektivos del Parke, partenaire local du Secours populaire, ont mis en place une banque de prêt d’outils (pelles, karchers, etc.), dans un esprit de mutualisation. » ©Víctor Suárez / Possibilitats
La solidarité populaire s’est fortement exprimée ; avez-vous pu le constater sur place ?
Oui, la Koordinadora a accueilli énormément de forces vives et a collecté beaucoup de matériel : de la nourriture, de l’eau, des produits d’hygiène, des vêtements, du mobilier, ou encore de l’électroménager. On entend souvent que nous vivons dans un monde individualiste, où les gens se replient sur eux-mêmes, mais de telles catastrophes prouvent le contraire : un immense élan de solidarité s’est exprimé. Toutes les solutions envisagées par la Koordinadora et la Cepaim tiennent en compte la participation active de la communauté : les personnes sinistrées sont actrices de leur retour à l’autonomie.
« Nous allons offrir des kits scolaires pour les enfants sinistrés afin qu’ils puissent retrouver le chemin de l’école. »
Dans quel état d’esprit sont aujourd’hui les personnes sinistrées ?
Nous avons lu la détresse sur leurs visages : elles sont très marquées, épuisées, toujours très choquées. Elles vivent dans un environnement encore dévasté : je n’avais jamais vu de tels dégâts, encore visibles un mois après le drame. Tous les jours, elles ont sous les yeux les vestiges de la catastrophe, qui leur rappellent ce qu’elles ont traversé et tout ce qu’elles ont perdu. C’est ce qui revenait sans cesse dans leurs propos : ce qu’elles avaient perdu. Elles n’ont plus de logement car les maisons ne sont plus habitables, plus de travail car plus de voiture pour s’y rendre. De toute façon, les routes sont dévastées, l’économie est à l’arrêt. Nos partenaires, comme les bénévoles de la Koordinadora, ont été eux-mêmes impactés par le désastre. Eux-mêmes ont tout perdu.

La mission du Secours populaire a pris contact avec ses partenaires locaux afin d’imaginer comment soutenir leurs actions auprès des sinistrés valenciens. Ici, avec la fondation Horta Sud. ©SPF
Comment le Secours populaire va pouvoir agir pour soutenir l’action de ses partenaires auprès des sinistrés ?
Avec la Cepaim, nous allons offrir des kits scolaires pour les enfants sinistrés afin qu’ils puissent retrouver le chemin de l’école, dès que celles-ci réouvriront, au mois de janvier. Nous allons également soutenir leur future antenne mobile d’accompagnement administratif et juridique. Pour la Koordinadora, le Secours populaire va pourvoir à l’équipement de leurs deux centres de jour, afin qu’ils puissent rouvrir et accueillir à nouveau les enfants et les jeunes du Parque Alcosa. Ceux-ci sont aujourd’hui complètement livrés à eux-mêmes… Nous avons pu identifier un troisième partenaire, lors de ces quatre jours, que nous allons également soutenir : Algrà est une communauté d’artistes (comédiens, musiciens, circassiens) très engagés dans l’accès à la culture pour tous et, en particulier, des franges les plus pauvres de la population. Ils occupent un ancien entrepôt agricole dans l’Horta sud de Valence, près de Paiporta, qui a été totalement dévasté. Nous projetons de mobiliser notre réseau afin de les aider à se rééquiper, par exemple en instruments de musique, matériel d’éclairage et de sonorisation, etc. Nous avons rencontré d’autres associations, avec lesquelles devraient voir le jour de futurs projets d’accompagnement des personnes sinistrées. Nous souhaitons notamment nous porter auprès des petits agriculteurs qui ont tout perdu. Une action, portée par la fondation Horta Sud, de préservation de la mémoire des familles via la restauration des photos dégradées par le sinistre, a également retenu notre attention. Ce ne sont que des premières pistes : le but de notre mission était d’amorcer ce travail d’identification des besoins et de lien avec nos partenaires. Nous serons auprès des sinistrés pendant longtemps.
Les fêtes de fin d’année vont être difficiles pour les sinistrés de la région de Valence. Avez-vous prévu des actions de solidarité à cette période ?
Oui ! Le Secours populaire va soutenir la Cepaim dans l’organisation d’actions de solidarité durant la période de Noël, comme la distribution de paniers festifs aux personnes sinistrées. La Cepaim est encore en train de recenser les besoins donc le programme n’est pas encore défini. Ces actions se dérouleront également autour du 6 janvier, lors de la fête des Rois mages, très importante pour les Espagnols, et en particulier les enfants car c’est à ce moment-là qu’ils reçoivent leurs cadeaux.

« On entend souvent que nous vivons dans un monde individualiste, où les gens se replient sur eux-mêmes, mais de telles catastrophes prouvent le contraire : un immense élan de solidarité s’est exprimé. »
Houria Tareb, secrétaire nationale du Secours populaire. ©JM Rayapen/SPF
– Propos recueillis le 4 décembre 2025.