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Haïti : programme de dépistage visuel pour 20 000 enfants

En cette journée mondiale de la vision, le Secours populaire souhaite mettre en lumière son projet de dépistage visuel auprès de 20 000 enfants haïtiens. Martine Canal, médecin pédiatre et présidente de l’association AHCD (Association haïtienne des citoyens pour le développement), partenaire local du Secours populaire, nous en présente les grandes lignes. Interview.
Avec les membres de votre association, vous allez conduire un programme de dépistage visuel auprès de 20 000 enfants. Comment est né ce projet ?
Tout est parti de notre opération « Père Noël vert » en 2021. Lorsque nous avons organisé notre fête de fin d’année, nous en avons profité pour faire une évaluation de la vision pour 200 enfants. Ceci nous a permis de constater que beaucoup d’enfants avaient des problèmes de vision. En Haïti, faute de moyens économiques, la santé* n’est pas considérée comme une priorité pour la grande majorité de la population. Les familles cherchent avant tout à se nourrir. Selon l’UNICEF, plus d’un milliard d’enfants sont victimes d’une forme de privation grave : nutrition, santé, eau, hygiène, logement et/ou éducation. Médecin pédiatre, je vois beaucoup d’enfants souffrant de problèmes de santé. C’est d’ailleurs pour cela que nous avions mis en place en 2006 avec le Secours populaire une action autour du dépistage bucco-dentaire. Cette fois, nous allons nous pencher sur les problématiques de vues qui sont d’une grande importance. Bien voir, c’est bien lire, bien se former et réussir son apprentissage et son parcours scolaire.
Concrètement, comment allez-vous organiser votre campagne de dépistage auprès des enfants ?
Tout d’abord, les équipes médicales d’AHCD et de notre partenaire « Claire Vision » vont former les enseignants de plusieurs écoles situées dans les départements de l’ouest et du sud-est d’Haïti. A l’issue de cette période de formation, ces enseignants seront en mesure d’effectuer des dépistages préventifs visuels. Ils devraient ainsi être en mesure de repérer les enfants âgés de 3 à 16 ans ayant des problèmes de vue, ce qui permettrait un meilleur encadrement pédagogique dans leur apprentissage et une orientation précoce vers une prise en charge adéquate. Pour construire cette première phase, nous sommes en relation avec le ministère de la Santé publique et le ministère de l’Éducation nationale haïtiens.
A la suite de cette première phase, quelle sera la prise en charge médicale des enfants ?
Une fois la phase de formation terminée, les médecins de notre association prendront le relais avec les séances de dépistage visuel dans les écoles. Ils assureront également la prise en charge médicale, notamment par l’achat et la préparation de lunettes. Les cas les plus graves, qui nécessiteraient une intervention chirurgicale, seront pris en charge par notre partenaire « Claire Vision » qui dispose d’un plateau technique capable de réaliser les interventions telle que la chirurgie de cataracte, du glaucome congénital et la correction du strabisme. En effet, certains enfants souffrent de cataracte infantile et de séquelles de glaucome congénital qui sont le résultat de manque de soins et/ou d’une prise en charge adéquate dès leur plus jeune âge. Nous nous proposons également de nous rendre dans certains quartiers extrêmement défavorisés pour rencontrer des familles et leur proposer de dépister leurs enfants. Notre programme doit démarrer en novembre 2024 et devrait durer trois ans, ce qui va nous permettre de suivre les enfants sur un temps plus ou moins long. Notre expérience nous conduit à penser que sur les 20 000 enfants dépistés, il y aura au moins 2500 enfants qui nécessiteront une prise en charge médicale.
Qu’attendez de ce programme ?
Nos objectifs sont multiples. En premier lieu : détecter et traiter les facteurs de risques amblyogènes réversibles chez les enfants d’âges préscolaire et scolaire pour améliorer leur santé visuelle et leur permettre d’avoir une meilleure qualité de vie. Notre mission, en plus d’améliorer la santé visuelle des enfants dans les zones ciblées, est aussi de collecter des données sur les facteurs de risque d’amblyopie les plus fréquents. Ce projet vise à combler une lacune importante dans le système de santé haïtien en offrant des services de dépistage et de traitement des troubles visuels aux enfants. Il a pour objectif principal d’améliorer significativement la santé, l’éducation et les perspectives d’avenir de milliers d’enfants haïtiens, tout en contribuant à la recherche et au développement de politiques de santé publique efficaces.
*Selon l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), seuls 60 % des 8 millions d’habitants d’Haïti ont accès à des services de santé.