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La santé au cœur de la solidarité

Mis à jour le par Anne-Marie Cousin
Estelle conseille sur les bonnes pratiques alimentaires. Bien manger c'est prendre soin de soi.©Pascal Montary/SPF

Avec deux permanences par mois, les professionnels de santé bénévoles de Dôle apportent une aide précieuse aux personnes accueillies. Médecins, infirmières et une diététicienne assurent des rendez-vous réguliers où conseils et prévention sont les maîtres mots. Reportage.

Opérationnel depuis deux ans maintenant, le relais santé de Dôle animé par des professionnels de santé bénévoles (médecins, infirmières et une diététicienne) s’est inspiré de ce que faisaient les fédérations du Rhône et de la Haute-Garonne. « Nous sommes allés sur place pour comprendre leur fonctionnement, cela correspondait à ce que nous voulions mettre en place, raconte Étienne, médecin bénévole. Ensuite, un questionnaire a été donné à toutes les personnes accueillies pour que nous puissions répondre à leurs attentes. » Avec un taux de retour intéressant, les bénévoles ont pu identifier des questions sur l’alimentation en premier, puis en second, les difficultés liées à tout ce qui touche à l’administration. Depuis, ils sont présents deux fois par mois, dans un petit bureau où le public est reçu. À cela s’ajoutent des ateliers de prévention conduits par différents partenaires*. En 2023, le relais santé a rencontré 64 personnes dont 52 ont pu être orientées. « Notre rôle est d’accompagner les personnes ayant des difficultés à se soigner, qui ne savent pas prendre de rendez-vous sur Doctolib ou qui ne savent pas comment mettre à jour leurs dossiers. Dans les questions de santé, nous abordons beaucoup de sujets sur les difficultés d’accès aux soins », nous explique Philippe, médecin bénévole. La fracture numérique joue un rôle essentiel dans l’accès aux droits ; se connecter à son compte Ameli, mettre à jour ses droits est très compliqué. Autres difficultés identifiées, celles qui concernent les prises de rendez-vous sur Doctolib.

Les problèmes de santé liés à l’alimentation mis en lumière par le questionnaire et par la rencontre avec les familles a tout de suite conduit à un travail de prévention autour de ce thème. Des partenaires, comme la mutuelle Solimut, qui a déjà organisé un atelier sur le diabète et l’hypertension y ont été associés. Les dernières études de l’Observatoire des inégalités, réalisées en novembre 2022, révèlent que les 10 % de la population les plus pauvres risquent trois fois plus de souffrir de diabète que les 10 % les plus riches ; une réalité que nous avons retrouvée sur le terrain. Cette inégalité sociale existe aussi pour les problèmes cardiaques, les maladies du foie et les maladies psychiatriques. En partenariat avec le PAT (Programme alimentaire territorial), une diététicienne, Estelle, est là également tous les jeudis après-midi. Très appréciée des personnes accueillies, elle les accompagne durant la distribution en leur détaillant la composition des aliments et en les informant sur certains risques et pratiques alimentaires. « J’essaie de donner des conseils simples et d’expliquer que bien manger n’est pas compliqué. Faire la cuisine, c’est aussi prendre du temps en famille. Et puis cela peut aider à diversifier son alimentation. Bien manger, c’est préserver sa santé », précise-t-elle. Il n’y a pas si longtemps, il y avait du fenouil à la distribution alimentaire, mais les familles ne savaient pas trop comment le cuisiner, et grâce à ses conseils, des mamans se sont lancées et ont fait des heureux au moment des repas. Elle poursuit : « Aux personnes un peu âgées, je préconise du calcium, que l’on trouve dans les produits laitiers, le fromage, le lait. C’est préventif en cas de chute. Pour d’autres, je mets l’accent sur les fibres et les protéines. Je fais en sorte de pousser à la diversité alimentaire. Faire découvrir de nouveaux produits, c’est important ! »

Le jour de notre reportage, une toute jeune fille enceinte de triplés accompagne sa mère. Un dépliant sur la grossesse lui est donné : « J’attends un BB, je prends B9 ». Une discussion entre elle et la diététicienne s’engage sur l’intérêt de bien se nourrir quand on attend un bébé. « Je fais attention à ce que je mange, j’ai tellement peur de trop grossir. Attendre un enfant, ça fait grossir alors trois, je m’angoisse un peu… » Bien que suivie par une sage-femme en cabinet, elle pose beaucoup de questions et repart avec de nombreux documents sur la grossesse et l’alimentation.

En plus de ces rencontres informelles avec les personnes accueillies, des ateliers de sensibilisation sont régulièrement proposés, le prochain aura comme sujet le sucre. L’occasion pour Estelle d’aller plus loin sur des questions essentielles, comme lors de la semaine du goût ou encore à Noël, avec des conseils sur l’importance des goûters équilibrés. Aujourd’hui, elle constate, comme l’ensemble des médecins du Secours populaire, qu’une mauvaise alimentation liée à une précarité grandissante conduit à une augmentation de problèmes de surpoids et d’obésité. « Les personnes que nous accueillons sont touchées par ces pathologies de surpoids », souligne-t-elle. Ressenti conforté par les chiffres de l’Observatoire des inégalités : en vingt ans, la part de personnes obèses parmi l’ensemble des adultes a progressé de près de sept points, passant de 10 % en 2000 à 17 % en 2020. Aujourd’hui, près de 8,6 millions de personnes sont concernées. Il est maintenant reconnu par l’ensemble des professionnels de santé que les pratiques alimentaires, l’attention portée au corps, et en particulier à la minceur, ne sont pas les mêmes selon les milieux sociaux. Le fait de pratiquer un sport, d’avoir une alimentation diversifiée et saine, de consulter régulièrement un médecin limitent le risque de devenir obèse.

Dans son bureau Philippe, médecin bénévole écoute et oriente les personnes accueillies du mieux qu’il peut.© Pascal Montary/SPF

Le volet prévention est également très largement porté par l’équipe du relais santé. Pour cela, à Dôle, le Secours populaire s’associe régulièrement avec les infirmières du réseau Asalée**. L’an passé, plusieurs ateliers ont été organisés, dont un sur les dangers du tabac, un deuxième sur le diabète et l’hypertension et un troisième sur la prévention du cancer du sein. C’est d’ailleurs grâce à cet atelier ayant montré aux 20 femmes présentes comment faire une autopalpation des seins que Miriam s’est découvert une tumeur au sein. « Alors que j’avais fait ma mammographie deux ans auparavant et que je n’avais rien, j’ai découvert une grosseur lors de cet atelier. J’ai ensuite fait le nécessaire et je dois être opérée prochainement. Les examens montrent plusieurs tumeurs mais rien n’est cancéreux. Grâce au Secours populaire, j’ai pu enclencher une prise en charge rapide avec une équipe médicale de l’hôpital de Dôle. » Ce jour-là, sur les 20 femmes ayant assisté à l’atelier, 5 ont eu besoin de faire une mammographie. Philippe insiste : « La prévention est essentielle dans la prise en charge médicale, et bien souvent, notre public ne prend pas assez le temps de s’occuper de lui. Notre rôle est de les accompagner dans cette démarche et de leur offrir de quoi le faire. »

Alors que l’été approche, le relais santé ne prévoit pas de prendre de vacances. Bien au contraire ! Il est même prévu qu’avant les premiers départs d’été, un rendez-vous se fasse avec des intervenants de l’Asept (Association de santé, d’éducation et de prévention sur les territoires) sur la prévention des risques solaires. Au programme, une sensibilisation aux dangers des UV, que l’on ne voit pas, que l’on ne ressent pas mais qui sont responsables des coups de soleil et, a fortiori, de certains cancers de la peau.

*En 2023, 15 personnes ont bénéficié de consultations ophtalmologiques, ainsi qu’une remise gratuite de lunettes grâce à la fondation Krys qui soutient depuis de longues années le Secours populaire au niveau national.

**Asalée est une association entre médecins généralistes et infirmières déléguées à la santé publique en équipe de soins primaires au service du patient.

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