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Direction, le grand large

Mis à jour le par Olivier Vilain
Douze jeunes aidés par le SPF ont passé une semaine sur l'île d'Arz pour apprendre la voile avec l'association des Glénans..

Une douzaine de jeunes aidés par le SPF a passé une semaine à l’école de voile des Glénans, sur l’Île d’Arz, en Bretagne.

« Tu prends ton ennemi, bien ferme. D’abord, tu l’étrangles ; tu lui crèves un œil. Puis, tu lui tires en même temps un bras et une jambe. » La démonstration de Zoé, monitrice à l’école des Glénans, fait son petit effet. « Et voilà ! », complète Thomas, son alter ego, avec l’œil gourmand du connaisseur. Le groupe de jeunes du Secours populaire français, qu’ils ont emmené sur le deux-mâts réservé aux débutants, ne risque pas d’oublier comment faire un nœud de chaise.

Un matin de la seconde quinzaine d’août, la petite troupe a quitté la base nautique d’Arz, une île à la beauté sauvage, pour manœuvrer au milieu des courants du Golfe du Morbihan et apprendre entre cinq et dix de nœuds de marin, indispensables sur un voilier. Chloé, Mahamoudou, Zinedine et leurs 12 copains écoutent, attentifs.

Tour à tour, ils prennent des cordages, des « boutes » comme disent les vieux loups de mer, les passent autour de poulies, les accrochent aux voiles et s’exercent en suivant les conseils de Zoé et de Thomas. La tête doucement mouillée par les embruns, le corps compensant le léger roulis, il faut faire et refaire, car les subtilités ne manquent pas.

Des jeunes débrouillards et « très motivés »

Pendant une semaine, cinq jeunes d’Île-de-France dont les familles sont aidées par le Secours populaire et sept migrants et demandeurs d’asile, qui suivent les cours de français pour adultes dispensés par les bénévoles du SPF à Clermont-Ferrand, découvrent la voile.

« C’est super. Je n’avais jamais fait ça, s’enthousiasme Mohamed, 19 ans. J’hésitais même à venir, la Bretagne je ne connaissais pas. Ça m’impressionnait. »

800 kilomètres d’un coup, c’est une grande liberté. « Quand on attend d’être régularisé, c’est très dur de devoir rester toujours dans la même ville », confie Zubair, 21 ans, qui est partie de la région de Sfax en Tunisie, il y a deux ans.

C’est parfois déroutant de voir chez eux autant de maturité alors qu’ils viennent à peine de sortir de l’enfance, souligne visiblement très ému Daniel, l’un des bénévoles qui les accompagne.

Ils ont entre 18 et 24 ans. « Ils sont très motivés, ça fait plaisir. Et en plus, ils captent très vite. Ce n’est pas si fréquent », commente Thomas, à l’issue de la première journée de sortie en mer. Pour les accompagner, Daniel et François, deux bénévoles très expérimentés du SPF : « Ils découvrent le pays qu’ils ont choisi ; Après l’Auvergne, la Bretagne. C’est un excellent complément à nos cours de langue », dit gaiement François.

« Auprès d’eux, c’est peut-être nous qui apprenons le plus », ajoute Daniel, son complice. Le coup d’oeil de François dit clairement : c’est sûr ! Les jeunes adultes des milieux populaires ont du mal en général à faire face au coût des vacances car les dispositifs pour les aider à partir sont moins développés que ceux destinés aux familles ou aux retraités. Alors une semaine à faire du bateau…

Joie de vivre et bienveillance

Les jeunes débordent de joie de vivre et de bienveillance. Celles-ci s’épanouissent dans le cadre privilégié de l’école des Glénans. A peine revenus à terre, une partie organisent des tournois de foot, pendant que d’autres se font des passes avec un ballon de rugby.

Le courant passe tout de suite avec les autres stagiaires qui s’invitent dans la partie ou dans les conversations. Entre deux tirs au but, Damien, le cuisinier de la base nautique, remarque : « Le foot, ça rameute vite. » Chloé, plutôt timide en début de séjour, s’est imposée sur le terrain, faisant l’admiration de ses partenaires. « Tu joues dans un club ? », lui demandent-ils plusieurs fois.

A l'école de voile, les jeunes du SPF ont illuminé l'île d'Arz par leur présence joyeuse et bienveillante.

A l’école de voile, les jeunes du SPF ont illuminé l’île d’Arz par leur présence joyeuse et bienveillante.
 

Leurs parcours de vie n’a pas été facile. Mais, ils ont plein d’espoir et du courage à revendre. Les accords de Zoubair ne sont pas toujours en place, mais il s’exprime dans un français choisi, précis et parfois coloré. Il passe de temps en temps à l’anglais, avec un accent excellent. « L’apprentissage de la langue, c’est la première étape. Après je veux faire une formation de soudeur sous-marin pour travailler sur les plate-formes pétrolières. »

Toujours joyeux, il raconte les petits boulots pour survivre en Tunisie, son diplôme de soudeur et celui de plongée sous-marine qu’il a décroché de l’autre côté de la Méditerranée. « Dans un pays pauvre, tu ne peux pas trouver de travail malgré tes études, donc tu es obligé de partager la maison de tes parents. Tu ne peux pas te projeter dans la vie, ni te marier. »

Des projets plein la tête

Mohamed, lui, est venu avec un visa étudiant. « Quand je suis arrivé à l’école, j’étais le seul noir. Je pensais j’allais être à l’écart. En fait, non », dit-il dans un grand sourire. Il s’est fait beaucoup d’amis, surtout à travers la pratique du rugby. Il est hébergé chez sa sœur, qui a quatre enfants. « Quand je rentrais des cours, c’était impossible de réviser mon bac. Je me relevais vers minuit pour travailler. Le jour, je passais du temps à la bibliothèque, à faire des recherches. »

Diplôme en poche, il prépare l’entrée dans une école de commerce : « Mes amis, me disent de lever le pied : je travaille trop à leur goût ! » Pour ceux qui n’ont pas fait d’études dans leur pays de naissance, l’apprentissage en France est plus dur, constate Daniel : « Mais, on est là et ils le savent. »

L’école de voiles des Glénans a été fondée par des résistants à la sortie de la guerre. Elle fonctionne avec beaucoup de bénévoles, sensibles à cette « école de la vie ». Deux points communs avec le Secours populaire. Ainsi entourés, les jeunes ont pu s’épanouir, faisant preuve eux aussi d’un fort esprit de solidarité.

« Ils possèdent énormément de ressources en eux, souligne Daniel, visiblement très ému. C’est parfois déroutant de voir chez eux autant de maturité alors qu’ils sortent tout juste de l’enfance. »

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