Vacances : tisser des liens loin de chez soi

Voir la mer, partir en vacances en famille, avec des bénévoles : une force pour la vie.

Joaquim part rejoindre sa famille de vacances hollandaise.
Bruno Manno

Mathéo, 12 ans, marche sur une lande sableuse, au milieu des ajoncs et d’arbustes à l’écorce rugueuse qui offrent une ombre clairsemée. Dans ce paysage typique des côtes de Vendée, il discute avec sa sœur Maeva, de 3 ans son aînée. D’abord un léger murmure, l’écho du ressac de l’océan se fait plus distinct de minute en minute. Au détour du chemin, une plage de galets battue par les vagues apparaît en contrebas : « C’est génial ! On reste un peu ! », s’exclame le garçon.

La scène est tirée du documentaire Pauvres de nous, récemment diffusé sur France 5 (Claire Lajeunie, L2 Films, 11 avril 2018). Jouer dans la mer, se détendre en famille, fouiller sous les rochers pour y attraper des crabes : Mathéo a passé une semaine inoubliable dans un camping près des Sables-d’Olonne. Une semaine loin des soucis du quotidien, des placards vides, des regards parfois malveillants.

« Une semaine loin du stress, ça fait beaucoup de bien, moralement. Là-bas, je me suis évadée, j’ai repris de la force », confirme Christine, sa mère, sans-emploi, bénévole à l’antenne rurale du SPF de Longué-Jumelles, près d’Angers. Elle porte un regard ému sur ce séjour qui a réuni ses six enfants et son compagnon, qui est saisonnier, grâce à la fédération du Maine-et-Loire du Secours populaire : « Ce qui me reste, plusieurs mois après, c’est le sourire de mes enfants et le plaisir de les voir s’amuser, faire des découvertes ; mes deux plus petits qui n’avaient jamais vu la mer. »

Pauvres de nous,  documentaire de Claire Lajeunie

Avoir du temps pour s’amuser, se reposer, voir de nouveaux horizons.« C’est génial ! »,
comme le dit Mathéo lors d’une semaine passée près des Sablesd’Olonne, l’été dernier.

 

Aujourd’hui encore, un enfant sur cinq vit dans un foyer confronté tous les jours à la pauvreté, parfois à la faim. Contraint de se serrer dans des logements trop petits, privé des loisirs pratiqués par leurs copains et copines, un sur trois, en outre, ne part pas en vacances. Comme le rappelle Christian Causse, membre du bureau national du SPF : « C’est ce sur quoi les familles qui ont des difficultés à joindre les deux bouts font une croix en premier. » Les ménages parent au plus pressé. Au total, la privation de vacances affecte environ 40 % des personnes résidant en France : ces dernières ne peuvent pas voyager ne serait-ce que quatre jours et quatre nuits hors de chez eux, sans bénéficier d'aide et sans l’accompagnement de bénévoles dévoués.

« L’ouverture et la découverte réciproque »

Les milieux populaires sont particulièrement concernés, surtout les familles frappées par le chômage ou soumises au travail précaire. C’est pour lutter contre cette injustice que les bénévoles du Secours populaire organisent en toutes saisons des départs en vacances pour des petits, des jeunes, des familles, des personnes seules ou encore des retraités pauvres. En février dernier, une dizaine de garçons et de filles des Côtes-d’Armor, âgés de 6 à 10 ans, ont passé une semaine de dépaysement en Haute-Savoie. « C’est un échange de bon procédé », s’amuse, un brin provocatrice, Lydie Bouedec, la directrice départementale de l'association : depuis vingt ans, des petits bretons vont découvrir les Alpes à chaque période de vacances scolaires, tandis que les bénévoles des environs de Saint-Brieuc reçoivent des enfants de l’Orne et de Mayenne depuis plus longtemps encore.

« Cette formule permet à nos petits invités de découvrir un environnement qui ne leur est pas familier et de tisser des liens avec les personnes qui les accueillent », ajoute Lydie. « Ce type de vacances symbolise l’éducation populaire : l’ouverture et la découverte réciproque, l’épanouissement et l’émancipation », précise Ingrid Joigneaux, chargée des vacances au sein du bureau national du SPF.

À près de 1 000 km de là, les familles de vacances sont tout aussi importantes. « Elles sont nées en Haute-Savoie en même temps que la fédération », rappelle Lucie, chargée des actions de solidarité dans le département.

Un moment de bonheur dans un cadre exceptionnel

Là-bas, deux bénévoles sillonnent les routes pour rencontrer les personnes et les familles volontaires pour partager leurs vacances avec des enfants et leur apporter un moment de bonheur dans « un cadre exceptionnel : aux pieds des montagnes, non loin du lac d’Annecy, c’est facile de prévoir deux semaines d’activités », ajoute Lucie. Les bénévoles apportent une attention particulière à ne laisser personne de côté. Offrir un moment extraordinaire à des jeunes porteurs de handicaps est une mission qui tient particulièrement au cœur d’Aroussia, à Nice. Elle organise chaque année des séjours en Corse. Cette fois, ce sera à Santa-Lucia-di-Moriani, au sud de Bastia, en mai et en juillet avec des adultes en situations de handicaps mentaux et des travailleurs handicapés, « plus autonomes mais qui ne prennent jamais de vacances car leurs salaires sont trop faibles ».

 

Lucie-famille-de-vacances-Annecy

« Nous sommes famille de vacances
depuis deux ans. Cela apporte
tellement que je le conseille à tous »,
s’exclame Lucie, qui habite
dans un petit village
près d’Annecy.

 

 

 

Au programme : randonnées, visites, séances de voile… « Et, beaucoup de bonne humeur. » Pour Aroussia, jeune retraitée et bénévole hyper-énergique, « c’est le moment le plus fort de l’année ». Elle est impressionnée : « Même ceux qui ont d’ordinaire des difficultés à parler deviennent, au fil des jours, volubiles. À la fin, ils n’arrêtent pas de me dire qu’ils veulent revenir » dans l’Île de Beauté. « Nous réunissons toujours plusieurs profils : personnes handicapées, âgées, des jeunes, des familles… Ce mélange constitue une richesse. On le constate à chaque fois », explique Ingrid Joigneaux, qui organise depuis des années les séjours de la fédération de la Nièvre.

La semaine sur la Costa Brava, en Catalogne, est l’une de ses fiertés. Le matin, les invités du SPF visitent un village, des monuments, des jardins botaniques, des ateliers. Puis, l’après-midi est libre. « C’est un moment d’expériences, de découvertes, mais aussi de détente et de repos. C’est une dimension nécessaire. » Afin d’ouvrir encore plus de nouveaux horizons, les bénévoles de la Nièvre vont développer, cette année, les séjours à travers l’Europe : au Portugal, en Belgique, en Italie.

Les villages copains du Monde constituent un autre temps fort en matière d’échanges interculturels. Des centaines d’enfants voyagent et se réunissent dans une dizaine de pays afin de s’amuser, mais aussi de connaître leurs droits et d’apprendre à mener des actions de solidarité.

Copain du monde, 25 ans et la vie devant soi

Les Villages copains du Monde réunissent,
au total, des centaines d’enfants qui apprennent
à se connaître au-delà des différences,
dans un cadre propice aux jeux et à la détente.

 

 

 

Une coupure salutaire pour les familles

Avec l’implication des personnes aidées et la générosité des donateurs et des partenaires, les bénévoles organisent aussi des séjours pour les familles. Dans plusieurs régions, le SPF propose des semaines en caravane ou en mobile home, non loin de la mer. Les bénévoles de l’Oise ont un accord avec un camping du Tréport, en Seine-Maritime, au pays des falaises calcaires.

« Nous recevons toujours plus de personnes confrontées à la précarité dans nos permanences, témoigne Bruno, le secrétaire général de la fédération de l’Oise. Difficile de garder le moral quand elles ne voient pas de changement dans leur vie. La coupure que permet ne serait-ce qu’une semaine les pieds dans l’eau à respirer les embruns procure beaucoup de bien-être. » Nathalie, la responsable des vacances pour le département, confirme : « Les séjours sont courts mais les familles reviennent avec une nouvelle dynamique. » Dernier exemple en date, une femme qui élève seule ses deux enfants sort désormais de son isolement en participant souvent aux sorties organisées par le SPF.

Les vacances ne sont pas un luxe !

Avec d’autres bénévoles, elle a récemment collecté des denrées alimentaires au cours d’une « opération chariot », devant un hypermarché. Chaque année, le SPF organise sa campagne en faveur des vacances pour tous et affirme haut et fort que celles-ci ne sont pas un luxe ! « Notre but est de sensibiliser le grand public à la problématique du non-départ en vacances », résume Ingrid Joigneaux, du bureau national du Secours populaire. Valises en mains et sacs aux dos, une centaine de familles aidées par le SPF est arrivée dans l’Aude. Elles ont été hébergées au camping Campéole de Gruissan, un village de pêcheurs et de vignerons à côté de Narbonne.

 

Katty, mère de trois enfants,
témoigne sur les bienfaits des vacances
en famille à Tarnos en mai 2017.

 

Les joies du farniente sur les plages de sable fin

Les 500 invités du SPF venaient pour moitié d’Île-de-France et pour moitié de la nouvelle région d’Occitanie (grâce au partenariat avec la SNCF). Du 25 au 29 avril, ils ont ainsi posé leurs bagages dans des bungalows blancs sur pilotis, blottis entre marais salant et Méditerranée. Sans ce séjour solidaire, aucun d’entre eux n’aurait goûté aux joies du farniente sur les plages de sable fin, des promenades dans l’arrière-pays ou le long des ruelles qui serpentent à l’ombre de la citadelle médiévale.

 

 secours-populaire-sejour-tarnos-vacances-en-famille

Pendant les vacances
en famille,
comme à Tarnos (Landes)
en mai 2017,
on oublie tout !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Un tel séjour renforce les liens familiaux, crée des souvenirs que les parents et les enfants, les frères et les sœurs, échangeront une fois rentrés chez eux », note Christian Causse, du SPF. Une fois sur place, les petits et les adultes ont bénéficié d’une autonomie totale. Ils pouvaient tout aussi bien participer aux visites en groupe et aux animations, que leur préférer un rythme plus personnel, plus intime, entre repos, promenade à vélo ou encore baignade… Idem pour les repas. Chaque famille a choisi ses menus lors de la préparation du séjour. Les aliments sélectionnés ont été fournis à Gruissan par les magasins Carrefour, partenaires du SPF. Pour beaucoup, les vacances étaient un lointain souvenir.

« Cette autonomie, c’est une condition pour la réussite de cette escapade loin des soucis quotidiens, relève Christian Causse. Cela leur a montré qu’ils sont capables de revivre une telle expérience l’année prochaine, même s’ils ont encore besoin de l’aide du SPF si leurs revenus sont encore faibles. »

Malgré leurs efforts, les bénévoles ressentent une grande frustration. Au vu de l’ampleur des demandes formulées par les personnes venant dans les permanences du Secours populaire, leurs moyens sont insuffisants pour offrir des vacances à tous. « La campagne du SPF a aussi pour but de sensibiliser le grand public et nos partenaires à la nécessité de nous fournir des moyens financiers supplémentaires afin que les bénévoles puissent faire partir encore plus d’hommes, de femmes et d’enfants », résume Ingrid Joigneaux. L’idée est de développer tous les types de séjours (départs familiaux, en colonies, en familles de vacances…) afin que Christine et ses enfants, mais aussi des milliers d’autres personnes, profitent de ce moment de répit et de bonheur.

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Depuis des années, je ressens une profonde émotion lorsque j’aperçois ces images : celles du Secours populaire qui emmène des enfants voir la mer (…). Toucher l’eau, sentir le sable, le sel sur les doigts, pour la première fois voir un horizon, un infini, le temps d’une journée. (…) Alors qu’un enfant sur trois ne part pas l’été, l’association permet à plus de 50 000 enfants de profiter d’une journée d’activité à la mer, à la montagne ou dans un parc d’attractions. Grâce à vous, grâce à vos dons, ils vont pouvoir raconter leurs souvenirs de vacances à leurs amis.

Merci pour eux !
 

Daphné Bürki, animatrice de télévision et de radio,
marraine de la campagne Vacances d'été 2018,
du Secours populaire français.

« Grâce à vos dons, ils vont pouvoir raconter leurs souvenirs de vacances »

Avec Pauvres de nous, j’ai voulu montrer les impacts de la pauvreté à travers différentes tranches d’âge. Je suis entrée en contact avec Christine et sa famille, grâce à la fédération du Maine-et-Loire du SPF. Leur séjour à la mer, en Vendée, ouvre le film. Cela a été pour eux un véritable bol d’air hors d’un quotidien marqué par les privations et la nécessité de faire face constamment aux urgences. Avec la mer, la piscine, la vie au camping, ils se sont créé une bulle. La joie était d’autant plus perceptible que c’était la première fois qu’ils partaient tous ensemble. Les moments de partage au sein de la famille étaient très forts. Que ce soit pour les vacances, la rentrée scolaire, la collecte de nourriture, le SPF est présent aux moments clés de leur vie.

Claire Lajeunie, journaliste et réalisatrice
du documentaire Pauvres de nous

Claire Lajeunie, réalisatrice du documentaire Pauvres de nous

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