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Vacances en famille : échappée belle en Normandie

Mis à jour le par Pierre Lemarchand
Diana et Clara pêchent au camping de Port-en-Bessin où elles séjournent en famille

Chaque année, les bénévoles du SPF mettent tout en œuvre pour aider les familles en difficulté à partir en vacances. Dans un quotidien rongé par le stress et les privations, une telle parenthèse est essentielle. La rencontre avec deux familles aidées par le comité d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados) le confirme : les vacances ne sont pas un luxe mais un droit. Pour les familles de Davit et Ketevan ainsi que de Thomas et Lidy, une semaine dans le camping de Port-en-Bessin, cela permet de faire le plein de bonheur et de dignité.

Thomas démarre son scooter tandis que la lumière du soir dore les toits des mobile homes du camping « Port’Land » : il se rend dans le centre-ville de Port-en-Bessin afin d’acheter une bouée pour Diana, la petite dernière, et de l’alimentation pour le lendemain : « Une famille de sept personnes, c’est de la logistique ! » s’amuse-t-il. Avec sa femme Lidy et leurs cinq enfants, ils occupent un des plus grands bungalows du camping, dans le « Village des pêcheurs ». Leur habitation temporaire est bordée par un étang dont la surface est régulièrement troublée par le saut d’une carpe. « Le soir, quand il fait plus frais, on pêche des écrevisses avec des cannes qu’on a fabriquées nous-mêmes ! », annonce fièrement Noa, brandissant une longue branche prolongée d’un fil de nylon. « On les fait cuire, c’est délicieux. Ce qu’on préfère, ce sont les queues ! ».

On se sent libres !

Les enfants, le déjeuner avalé, se préparent pour aller à la piscine. Victor, 13 ans, Logann, 11 ans, Noa, 9 ans, Clara, 8 ans et Diana, 3 ans, sont fin prêts. « Chaque jour, le programme est le même ! », confie Lidy. « Le matin les enfants vont au centre de loisirs du camping et l’après-midi ils ont quartier libre ! Il y a la piscine, qu’ils adorent, mais ils jouent aussi avec les copains qu’ils se sont faits dès le premier jour. Ils sont heureux ici. Mon mari et moi aussi : ça fait du bien de changer d’environnement. On se sent libres ! » Thomas continue : « On se retrouve tous pour dîner. Un soir on a fait un barbecue ; ce sont des barbecues collectifs alors on rencontre du monde. Les enfants communiquent avec leurs copains hollandais avec Google traduction ! Et demain soir nous allons tous ensemble à la soirée dansante qu’organise le camping. »

« Cette année, en raison du confinement, je n’ai pas trouvé de travail. Alors, les vacances, on n’y pensait pas. On s’était résignés à ne pas partir cet été. Mais grâce au Secours populaire, nous avons pu partir ! Ça s’est décidé au dernier moment, au mois de mai », explique Thomas, soulignant que le SPF a su être là dans les moments les plus difficiles : « Au Secours pop’, dès qu’on ouvre la porte, il y a toujours un grand sourire pour nous accueillir. » La veille du départ, la famille a eu la surprise de se voir offrir un « colis camping », des produits alimentaires et d’hygiène pour soulager les dépenses quotidiennes. « Et pour le règlement de notre participation financière au séjour (cent euros pour la semaine et toute la famille, ndlr), le SPF nous a dit qu’on verrait ça quand ça ira mieux, ils nous font confiance. »

« Piscine, maman ! »

Ce sont les premières vacances de Diana et la petite fille semble vouloir en profiter pleinement. « Le matin, quand elle se réveille, ses premiers mots ce sont « Piscine, maman ! », confie, sourire aux lèvres, Lidy. Diana court autour du mobile home, zigzague entre les arbres, arbore un tee-shirt à paillettes nouvellement enfilé ou dessine, concentrée, « un avion dans le ciel ». Puis nous glisse dans les mains des petites fleurs jaunes : « Tiens, c’est pour toi. Tu les ramèneras à ta maison. Ça te fera un souvenir de vacances ! »

Quand on se promène dans les allées ombragées du camping, qui desservent des espaces intimes où les mobile homes se nichent dans des petits coins de nature, on a le sentiment de voyager. Des bribes de danois, de néerlandais, d’allemand et de français se mêlent… ainsi que de géorgien ! Celles-ci filtrent d’un joli mobile home en bois blanc, orné de volets vert olive, entouré d’un jardin. Il est occupé durant une semaine par une autre famille accompagnée par le Secours populaire, composée de Davit, sa femme Ketevan et leurs deux garçons : Saba, 14 ans et Tsotne, 12 ans. C’est un des bungalows adaptés du camping : une rampe d’accès permet à Davit, en fauteuil roulant, d’entrer dans ce logement spacieux, pensé pour son handicap. 

Des « projets vacances »

C’est Laurence, bénévole du comité d’Hérouville-Saint-Clair (Fédération du Calvados), qui a emmené la famille dans un véhicule adapté emprunté à des amis. Laurence et Henriette, l’autre bénévole du comité en charge de la campagne vacances, ont construit avec les deux familles leurs « projets vacances ». « C’est lors des remises de colis alimentaires que nous avons évoqué avec certaines familles la possibilité de partir. Cette année, ce sont quinze familles aidées par le comité qui peuvent bénéficier d’un séjour de vacances : huit familles partent en camping, ici à Port-en-Bessin ou à Plestin-les-Grèves en Bretagne. Sept autres sont aidées au transport pour pouvoir se rendre dans leur famille. Dans tous les cas, cela est rendu possible grâce au partenariat que le SPF a noué avec l’ANCV (l’Agence nationale des chèques vacances, ndlr). »

Laurence poursuit : « Quand j’ai accepté de m’investir pour l’accès aux vacances, je pensais qu’il me faudrait accomplir essentiellement un travail d’organisation. Mais c’est avant tout un travail d’accompagnement humain. Il y a tant de peurs et d’incertitudes pour les familles, une telle précarité au quotidien, qu’un projet vacances doit se préparer bien en amont. Forcément, quand on travaille avec une famille à son départ en vacances, qu’on évoque les questions d’argent, de transport, la nourriture à emmener, quoi mettre dans les valises, les peurs et les difficultés, on tisse une relation très forte avec eux. C’est une véritable rencontre. » 

Se reposer, enfin

Comme Thomas, qui aide ponctuellement le comité d’Hérouville, Ketevan est bénévole au Secours populaire. C’est elle qui a fait la démarche : « C’était important pour elle, d’aider et ne pas seulement être aidée », précise Laurence. Davit, Ketevan et leurs enfants sont arrivés en France en 2016. Deux ans auparavant, un accident de voiture avait cloué Davit dans un fauteuil roulant et son état de santé continuait de se dégrader, les souffrances de s’intensifier. Aussi la famille s’est résolue à une décision difficile : tout quitter en Géorgie et venir en France – pour sauver Davit. Les quatre années qui s’ensuivirent, Ketevan en suggère la teneur : incertitudes, précarité, stress administratif, rendez-vous médicaux, faux espoirs et vraies petites victoires. Quatre années à l’issue desquelles cette semaine de vacances offre enfin un répit. « La France m’a sauvé la vie », résume néanmoins Davit. « Et le Secours populaire a toujours été là pour nous. »

Ketevan, une marguerite plantée dans le noir de ses cheveux et éclairant son large sourire, a acheté des glaces pour toute la famille : « C’est exceptionnel ! Mais c’est aussi ça les vacances ! » lance-t-elle dans un français encore hésitant. « Ce que j’aime ici, c’est aller me promener au village de Port-en-Bessin, au bord de l’océan. C’est si beau, comme un rêve. Et aussi m’assoir dans le jardin et attendre que le soleil se couche. Regarder les oiseaux. J’aime ce calme. Et pour Davit, c’est bien de pouvoir se promener, cela change de notre appartement au 7ème étage. L’ascenseur est souvent en panne et il reste enfermé parfois plusieurs jours de suite. » Davit acquiesce : « Je suis allé pêcher avec les enfants. Cela m’a rappelé quand nous allions au lac de Tbilissi ou au bord de la Mer Noire ! »

Saba et Tsotne jouent à présent au foot dans le jardin. Ce qu’ils aiment ici ? Saba nous lance : « Tout ! La piscine est super. Et je suis heureux pour mes parents : mon père peut se promener librement et ma mère, elle se repose enfin ». Appuyée légèrement sur la barrière boisée de la petite terrasse qui prolonge son mobile home, Ketevan regarde ses enfants courir et profite du soleil. Davit se repose à l’intérieur, son dos le faisant régulièrement souffrir et l’obligeant à recourir à la position allongée plusieurs fois par jour. Tout à l’heure, quand il ira mieux, ils iront tous les quatre se promener. En famille.

 

Les familles de Davit et Ketevan et Thomas et Lidy passent une semaine de vacances au camping de Port-en-Bessin, en Normandie, grâce à la fédération du Calvados du SPF.

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