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Les vacances ouvrent une fenêtre indispensable dans la tête

Mis à jour le par Olivier Vilain
Nadia fait découvrir les photos de ses vacances en famille près de Narbonne à Marie-France, l'une des bénévoles qui accompagnent les personnes en difficulté dans leur projet vacances.

Pour Georgette, « partir, c’est vital ». Nadia, elle, se dit « heureuse quand [ses] enfants sont heureux ». Ces deux femmes vivent à Vesoul, une petite ville de Haute-Saône qui vit au rythme de ‘‘l’usine’’ Peugeot. Georgette est en invalidité, après avoir travaillé comme agent hospitalier. De milieu populaire aussi, Nadia affronte un second cancer en quelques années. Ni l’une ni l’autre ne pourrait partir en vacances sans l’aide de la très dynamique équipe locale du Secours populaire.

« On discute avec les familles où elles veulent aller, on élabore en commun le budget nécessaire, on fait les démarches pour obtenir les aides de la CAF et de l’ANCV, que l’on complète. Pour certaines, on contacte les campings pour vérifier que tout est simple et accueillant », raconte Marie-France, responsable des vacances en famille. « Parfois, le manque d’argent n’est pas la seule raison du non-départ, il peut y avoir de l’appréhension face à l’inconnu, la peur de dépenses imprévues, alors nous les rassurons et nous voyons tout avec elles », ajoute Marité, qui fait équipe avec Marie-France.

Rien ne peut gâcher le plaisir de Georgette. « J’ai d’abord demandé à mes fils où ils souhaitaient aller cet été et je suis venue au Secours populaire pour préparer notre séjour. » Ayant travaillé comme agent hospitalier, la femme de 53 ans souffre des épaules, dont elle a été opérée, et d’une hernie discale, à cause du port de charge trop élevé, trop souvent. Mais en Ardèche, elle a grimpé pour admirer un beau panorama sur les gorges à Vallon-Pont-d’Arc. « J’ai tout fait, j’ai pris mon temps, ce n’était pas facile physiquement, mais j’attends ce moment toute l’année : passer de bons moments entourée par mes fils alors qu’à Vesoul je suis assez isolée depuis mon divorce. »

« J’ai hâte de partir cet été en Ariège. »

A Vesoul, le souvenir de Jacques Brel est cultivé partout (un collège porte son nom…) à cause de la chanson qu’il a écrite sur la ville. Durant ses vacances, Georgette est passée par Antraigues, où elle a été touchée par la découverte de la maison de Jean Ferrat, un autre géant de la chanson française et l’un des fidèles soutiens du Secours populaire qui chantait de sa voix profonde et rocailleuse : « Ils n’en finissent pas tes artistes prophètes de dire qu’il est temps que le malheur succombe » (Ma France).

Elle vit avec son cadet, Bastien, mais ses deux aînés vivent loin, l’un dans le Nord et l’autre à Belfort. Après l’Ardèche, la famille ira « près de l’Espagne » dans un camping de l’arrière-pays. « Pour moi, c’est un besoin vital parce que je ne vois personne le reste de l’année. Une fois par an, il faut que je m’en aille. J’ai besoin de me ressourcer. » A la sortie de son collège, Bastien parle avec sa mère venue le chercher pour le déjeuner. « J’ai hâte de partir cet été en Ariège », dit-il en ajustant ses lunettes, avec un large sourire qui illumine son visage poupin. Il se souvient régulièrement de leur précédente semaine de vacances, et particulièrement de son après-midi en canoë-kayak avec son frère ainé, « ça me fait du bien ».

Pour Georgette, partir avec ses fils "une fois par an, c’est un besoin vital". Assez seule le reste de l’année, il lui faut ce moment privilégié : "J’ai besoin de me ressourcer. »

Pour Georgette, partir avec ses fils « une fois par an, c’est un besoin vital ». Assez seule le reste de l’année, il lui faut ce moment privilégié : « J’ai besoin de me ressourcer. »


Nadia est venue au local du Secours populaire avec les photos faites près de Narbonne, l’année dernière. Assises à la grande table avec Marie-France et Marité, elle leur montre en commentant, sa fille Selma, 13 ans, l’ainée de ses trois enfants, à ses côtés. La pré-adolescente raconte avec un plaisir évident la piscine « tous les jours », les sorties « tous les jours ». « Tous les soirs, on visitait la ville et, on mangeait souvent au restaurant », grâce au tickets-restaurant apportés par l’ANCV, le partenaire du Secours populaire.

« On n’a pas arrêté de visiter, confirme la mère de famille avec des yeux rieurs. Entre la plage, les villages et tout, on a tout le temps bougé. » Pour elle, comme pour Georgette, partir est plus important que tout : « On coupe avec le quotidien, on souffle. De toutes façons, les problèmes seront toujours là à notre retour. » Mais elles seront plus fortes pour y faire face. Les vacances produisent des effets bénéfiques. C’est la conclusion que tire la sociologue Anne-Laure Dalstein, fondatrice du cabinet Etéicos, qui a réalisé – pour Vacances & familles – une étude, en 2022.

« On n’a pas arrêté de visiter. On a bougé. »

La sociologue a interrogé des familles qui, sans l’aide du secteur associatif, ne seraient pas parties, principalement pour des raisons financières, mais aussi en raison de l’absence de voiture, de permis de conduire, de la peur de l’inconnu ou du regard des autres. « Le retour exprimé est généralement très positif dans le domaine du bien-être, ‘‘on s’est détendu, on s’est reposés, on a fait du sport’’. (…) Les vacances produisent des tas de petites respirations dans une vie habituellement soumise à beaucoup de contraintes. Par contrecoup, on peut dire la même chose du travail d’accompagnement et de mise en confiance réalisé par les bénévoles. »

Un séjour, pour Nadia, c’est trouver du calme indispensable pour sa santé, même si les tâches ménagères sont réparties au sein de la famille tout au long de l’année. C’est aussi du repos pour son mari, qui n’arrête pas de chercher du travail ces derniers mois. Pour les enfants, c’est également une fenêtre qui reste ouverte dans leur tête toute l’année. « Ils n’ont pas arrêté de me parler de ce qu’on avait fait l’été dernier. Ils ont adoré. » Et là, ils parlent souvent des futures vacances, près de l’Espagne. Selma confirme : « Bien sûr, on a hâte parce que c’est génial. » Son souvenir principal est d’avoir rencontré plein d’amis autour de la piscine, « beaucoup d’Allemands, de Hollandais, de Belges qui parlaient français. On était toujours ensemble. »

« Ils n’ont pas arrêté de me parler de ce qu’on avait fait l’été dernier. Ils ont adoré. » Nadia parle de ses trois enfants. Cette année, la famille s'apprête à aller près d'Argelès.

«Ils n’ont pas arrêté de me parler de ce qu’on avait fait l’été dernier. Ils ont adoré.» Nadia parle de ses trois enfants. Cette année, la famille s’apprête à aller près d’Argelès.

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