Parole d’expert, Jean Jouzel : « Il faut inscrire comme objectif le principe de la justice climatique »
Jean Jouzel est directeur de recherche émérite, membre de l'Académie des sciences, de 2012 à 2015, vice-président du groupe de travail scientifique du GIEC, membre du Conseil économique social et environnemental (Cese).
Les catastrophes naturelles aggravent les inégalités. On peut affirmer en effet que les premières victimes du changement climatique sont les populations les plus pauvres. La moitié la plus pauvre de la population mondiale est responsable de seulement 10 % des émissions de CO2 et c’est elle qui vit dans les pays les plus vulnérables par rapport au réchauffement climatique. À l’inverse, la moitié des émissions de CO2 est imputable à 10 % des habitants les plus riches, qui sont aussi les plus épargnés. Ce constat du lien entre changement climatique et pauvreté est longuement analysé dans le dernier rapport du GIEC.
Il est important de souligner que les inégalités existent à l’échelle collective aussi. Il y a une réelle inégalité des territoires : les Outre-mer sont plus exposées aux catastrophes naturelles ou à l’émergence des maladies vectorielles (Chikungunya, Zika, paludisme), la plupart du temps les infrastructures sont inadaptées, ne répondant pas aux besoins nécessaires pour traiter l’urgence, par exemple. Ce point de vue sur l’accroissement des inégalités vaut également pour les pays développés où les populations les plus démunies vont être davantage touchées par les événements extrêmes. Dans quelques mois, à Houston, au Texas, ou à Saint-Martin, aux Antilles, il suffira de constater comment ces foyers auront évolué. Pour tenter de gommer ces inégalités, les pouvoirs publics doivent inscrire comme objectif le principe fondamental de la justice climatique qui doit guider les stratégies d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.
Propos recueillis par Fabienne Chiche