Témoin : Olivier Pasquiers
« Il n´y a aucune raison que des gens vivent dans la rue, handicapés ou non. Nous sommes dans une société suffisamment riche pour éviter cela. »
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Date de mise à jour :
J'ai travaillé avec des personnes en situation de précarité dès le milieu des années quatre-vingt-dix. Sauf un cas ou deux, je n'ai jamais été confronté directement au problème du handicap physique en travaillant avec les sans- abri. Mais je sais que beaucoup de SDF abandonnent leurs droits. Certains n'existent même plus administrativement. Il est certain que des handicapés arrivés à la rue pour une raison ou pour une autre se retrouvent dans ce type de situation. Depuis la mise en place de la CMU, je crois que le problème du handicap physique se pose surtout par rapport aux immigrés qui n'ont pas une situation stable. Je l'ai particulièrement ressenti dans un travail sur les demandeurs d'asile et les réfugiés politiques. Beaucoup souffrent de séquelles physiques d'agressions ou de tortures, sans parler des traumatismes psychiques. Mais il y a aussi la situation des clandestins : un accident du travail, même bénin, ne sera pas déclaré, souvent soigné avec retard et peut entraîner une perte de revenus pendant des semaines ou des mois, voire conduire à la rue.Pour traduire ce genre de situations en photo, il faut rester humble par rapport au sujet. J'ai beaucoup travaillé avec l'Association des paralysés de France sur l'accès aux vacances, notamment. Dans une rencontre, il faut savoir écouter, être juste et faire en sorte que la personne qui donne son image dans une situation difficile soit fière d'être dans le journal. Il ne faut pas surajouter de violence, mais il faut aussi savoir dénoncer une situation.Il n'y a aucune raison que des gens vivent à la rue. Nous sommes dans une société suffisamment riche pour éviter cela. Lorsque je photographie des SDF, on me demande souvent à quoi ça sert. Je m'en tire souvent par une pirouette en disant que ça ne sert à rien mais que c'est indispensable. Cela ne va pas changer la situation des personnes elles-mêmes, mais si personne n'en parle, le problème ne sera jamais résolu. Les responsables politiques peuvent évoluer dans le bon sens quand des gens sont là pour leur rappeler ces situations. La critique sociale est aussi importante pour des bénévoles qui agissent au quotidien dans des associations. Cela leur donne de la matière pour réfléchir au sens de leur action.
Photographe, Olivier Pasquiers est l'un des piliers de l'association Le Bar Floréal *. Passionné de sujets sociaux, il a participé dès 1994 à l'aventure du journal « La Rue », puis travaillé avec des associations comme le Secours populaire, la fondation Abbé-Pierre ou les Compagnons de la nuit. * www.bar-floreal.com
Dossier
Handicap et précarité
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Peut-on, en France, se retrouver à la rue lorsque l´on est handicapé ? Visiblement oui. Le système de protection sociale permet de ne pas être totalement sans abri dans la plupart des cas mais ne préserve pas de l´exclusion et des discriminations.