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Garry et la famille d’Anna en proie au spectre de la rue

Mis à jour le par Olivier Vilain
Alexandre (à droite), Gabriella et Gabrielli (hors champs) grandissent à Nice avec leur père ingénieur, leur mère infatigable et les bénévoles du Secours populaire.

Second volet de notre enquête sur « Vivre à la rue » à Nice alors que le nombre de sans-abri a explosé ces dernières années. Ici, Garry vient de s’en sortir et doit encore stabiliser sa situation. La famille d’Anna, elle, est encore hébergée dans un hôtel social, mais sa situation peut à tout moment s’aggraver. Les deux situations illustrent aussi l’importance de l’aide des associations, et singulièrement du Secours populaire.

Né en Belgique, Garry a grandi en foyer. Venu en France pour se rapprocher de sa mère, il y a 4 ans, il décide de partir. « A cause de difficultés financières, je me suis retrouvé à la rue en décembre 2020 », dit le trentenaire, avec un regard doux, derrière ses lunettes cassées. Commence alors une période de dénuement, pour ce jeune homme souriant qui ne s’entend ni avec sa mère ni avec sa famille. Le plus dur pour lui, quand on vit à la rue est « de trouver un travail, de se doucher et de garder la perspective de s’en sortir ». « Quand vous cherchez un travail, c’est très handicapant de ne pas dormir : il faut un logement stable et des vêtements présentables », précise-t-il.

C’est aussi la peur permanente d’être agressé, expulsé de son bout de trottoir. « Un logement c’est quand même la sécurité, car dans la rue je me suis fait agressé deux fois », se rappelle-t-il. « Une nuit, quelqu’un a jeté un mouchoir enflammé sur la toile, qui l’a fait fondre. J’aurais brulé si je n’étais pas resté éveillé ce soir-là... » Traumatisé, le trentenaire se réveillait « toutes les heures », par peur de brûler.

« J’aimerais donner du bien-être, rendre heureux »

Epaulé par plusieurs associations, dont le Secours populaire, Garry n’a jamais manqué de nourriture ni de vêtements et a pu s’appuyer sur les bénévoles pour ses démarches administratives, ses papiers… Les mois sans toit lui ont laissé du stress qu’il apprend à maîtriser, si cette période ne l’a pas épargné, il a gardé sa joie de vivre, son envie d’un avenir. Son nouveau départ est symbolisé par un séjour de vacances, l’été 2021, organisé par les Secours populaire dans la vallée sinistrée de la Vésubie pour six sans-abri et l’entrée dans une collocation à la rentrée suivante.

Plutôt que de retourner à ses anciens jobs de magasinier, mécanicien ou poissonnier, le jeune homme, à la fois débonnaire et plein d’énergie, souhaite devenir masseur « parce que j’aimerais apporter du bien-être, rendre les gens heureux ».

Anna et sa famille sont hébergés dans un hôtel social le temps que soit traitée leurs titres de séjour. Tout le monde redoute de tomber à la rue.

Anna et sa famille sont hébergées dans un hôtel social le temps que soit traités leurs titres de séjour. Tout le monde redoute de tomber à la rue.


La rue est la forme extrême de la précarité mais de nombreuses familles sont hébergées temporairement et connaissent elles aussi une vie précaire : le logement est leur souci de tous les jours. Les bénévoles les soutiennent durant ce passage difficile, empêchant quelles sombrent.

Anna, 26 ans, est venue avec sa fille Gabriella, 5 ans, à la distribution alimentaire du Secours populaire au 39 rue Vernier, à Nice. La petite lance des regards espiègles et des sourires à qui mieux mieux. La mère de famille repart avec un plein chariot de denrées. « Ça nous aide bien parce que nous n’avons pas le droit de travailler durant l’examen de notre situation administrative. » Elle est arrivée de Géorgie il y a quatre ans pour que son fils aîné Gabrielli reçoive des soins auquel il ne pouvait pas accéder dans leur pays d’origine. Elle vit dans un hôtel social, dans un quartier cossu, ce qui n’est pas banal, avec son mari qui a une formation d’ingénieur et leurs trois enfants, dont le plus jeune Alexandre n’a que 18 mois.

Le spectre de la rue ne quitte pas Anna et sa famille

Une fois la porte de leur grand deux-pièces refermée, les deux adultes préparent le repas du midi, alors que le soleil perce à travers les persiennes. « Mon mari prépare très bien la viande, avec les épices. » Juste derrière eux, les trois enfants jouent gentiment, alors que les dessins animés diffusés par la télévision servent de fond sonore. Une armoire, un canapé, une table avec des chaises pour chacun chacune, le mobilier est très dépouillé. Le repas est prêt, malgré les coupures de courant qui interviennent quand tous les habitants de l’hôtel social cuisinent au même moment.

Côtes de porc, riz et légumes fournis par le Secours populaire offrent de belles couleurs dans les assiettes. Les enfants dégustent avec bonheur. « On est pressé aujourd’hui mais sinon j’aurais fait du Xin-Kali, une spécialité géorgienne qui ressemble à des raviolis. Les petits adorent. » Bien sûr, la famille manque de place, bien sûr les journées sont fatigantes entre les démarches médicales, administratives, la préparation de l’après et les travaux ménagers. Mais Anna compose avec tout cela. En revanche, une ombre passe parfois sur son visage, son expression change : « Beaucoup de gens attendent une place d’hébergement et je me dis que tout cela finira un jour, alors j’ai peur qu’on se retrouve à la rue. »

Alexandre (à droite), Gabriella et Gabrielli (hors champs) grandissent à Nice avec leur père ingénieur, leur mère infatigable et les bénévoles du Secours populaire.

Alexandre (à droite), Gabriella et Gabrielli (hors champ) grandissent à Nice avec leur père ingénieur, leur mère infatigable et les bénévoles du Secours populaire.

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