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Nouvel An : la tournée des bénévoles à Orléans

Mis à jour le par Olivier Vilain
Lionel et Gisèle sont venus chez Patrick pour le réveillon du Nouvel An, brisant un peu la solitude imposée par les mesures sanitaires

Avec les confinements à répétition et l’épidémie, l’isolement et les troubles de l’anxiété se développent. Comme un rayon de soleil, les bénévoles se rendent chez les personnes seules pour prendre des nouvelles et fêter le Nouvel An.

Petit et râblé, Michel raccompagne jusque sur le palier les deux bénévoles du Secours populaire qui lui ont rendu visite, Lionel et Gisèle. L’ancien tourneur-fraiseur de près de 80 ans leur fait de grands au revoir avec la main, jusque dans l’escalier. Sa moustache frissonne à chaque sourire. Puis, depuis la fenêtre de sa chambre située au deuxième étage, il les suit du regard en faisant encore de grands signes de la main.

Il est 16h30 ce 31 décembre, à Orléans. Quelques instants auparavant, ils étaient tous les trois dans le salon dépouillé de Michel, où trône un buffet Louis XVI, massif, et les photos de mariage de ses frères. Quand les bénévoles sont arrivés, il regardait un western avec John Wayne, assis à sa table sur laquelle le programme TV est resté ouvert à la page du jour, la télécommande posée dessus, bien en évidence.

« Comment tu vas, mon Michel ? »

Lionel était venu avec sa petite guitare chanter une chanson de mariniers de la Loire de sa composition. Une chanson que Michel entonnait en duo, scandant le refrain avec des mouvements de son avant-bras, le regard fixé sur Lionel. Il connaissait les paroles, tout comme il connaissait les deux bénévoles depuis un séjour avec le Secours populaire à Combloux, dans la montagne en Isère. « On se connait bien, on a partagé de bons moments pendant une semaine déjà », indique Lionel.

Oh, je ne bouge pas de là ; je fais mes mots-croisés. Le virus, c’est du sérieux.

Michel, ancien tourneur-fraiseur

Les deux bénévoles sont venus avec un colis festif, avec plein de victuailles pour que Michel passe un bon réveillon : foie gras, quenelles de volaille, rizotto, clémentines, chocolats, etc. Mais, le plus important, c’est le moment d’échanges. « Comment tu vas mon Michel ? », s’enquiert Lionel. « Tu sors ? Tu vas de temps en temps faire une belote ? Tu passes au Secours populaire ? », demande Gisèle. « Oh, avec l’épidémie, je fais très attention. Je ne bouge pas de là, à faire mes mots-croisés. J’ai un frère qui vient me voir tous les 15 jours, quand même. Le confinement, c’est dur », leur répond l’ancien ouvrier.

Un état dépressif pour un quart de la population

Ce 31 décembre, dix équipes de bénévoles d’Orléans sont allés à la rencontre d’une cinquantaine de personnes isolées. « D’habitude, nous organisons un grand réveillon avec 200 personnes. Les gens ont des étoiles plein les yeux. Mais cette année, ce n’est pas possible, respect des dispositions sanitaires oblige », explique Nicolas Jaffré, qui a préparé les itinéraires de chaque équipe et qui donne les consignes avant le top départ, au siège de la fédération du Loiret du Secours populaire : « Surtout, vous les appelez avant d’arriver, afin qu’ils sachent que c’est bien vous ; et vous mettez bien les gilets bleus avec ‘‘Secours populaire’’ bien visible. »

C’est terrible de ne pas pouvoir organiser notre grand réveillon habituel…

Annie Renard, secrétaire générale de la fédération du Loiret

Selon les vagues d’enquêtes menées par Santé Publique France, près d’une personne sur quatre (23 %) subissait un état dépressif fin 2020. Un niveau qui a plus que doublé depuis la fin septembre (11 %) en raison de la mise en place d’un second confinement et de la crise économique. Cela se traduit par des troubles du sommeil, de l’anxiété et une diminution de la joie de vivre. « Il est ainsi prioritaire de maintenir un niveau minimal de bien-être et de prévenir à court terme le développement de troubles au sein de la population (…) », estime Enguerrand du Roscoat, responsable de l’unité santé mentale, à Santé publique France.

Accompagné de sa guitare, Lionel chante une chanson de mariniers à Michel, qui apprécie l'univers de la marine à voiles sur la Loire.
Accompagné de sa guitare, Lionel chante une chanson de mariniers à Michel, qui apprécie l’univers de la marine à voile sur la Loire.

« On ne pouvait pas laisser les habitués comme ça, ils souffrent de la solitude liée au confinement, du manque de chaleur humaine », explique Annie Renard, secrétaire générale de la fédération. « C’est déjà un crève-cœur pour nous de ne pas pouvoir organiser notre grand réveillon habituel, de ne pas avoir ce contact, de ne pas les servir, de ne pas discuter et danser avec eux. » Le poids de l’isolement, certains bénévoles le connaissent bien, eux aussi. « C’est très dur quand tu vis seule, se rappelle Gisèle, en grillant une cigarette avant de reprendre la tournée. Lors du premier confinement, ça n’allait pas du tout. Heureusement, j’ai pu retourner au Secours populaire, je me suis retrouvée, j’ai de nouveau mangé, ça allait mieux. »

On va pas se faire la bise, mais je vous attendais !

Patrick, 72 ans

Avec Lionel, elle arrive chez Patrick, un ancien serrurier de 72 ans. Celui-ci ouvre la porte de son jardin, en perpétuel travaux. « On va pas se faire la bise, mais je vous attendais », dit l’homme aux cheveux soigneusement coiffés vers l’arrière. Comme Michel, Patrick connait déjà les deux bénévoles, depuis un séjour à Combloux : « Je mets mon masque, hein, on dirait Zorro sans son épée ! ».

« Cette visite, ça m’a fait bien plaisir. »

Tous les trois échangent des nouvelles sur leurs connaissances communes. Derrière son sourire avenant, Patrick confie que l’année 2020 a été marquée par le décès de l’un de ses fils. « C’est un peu la catastrophe partout, on va se souhaiter une bonne année à venir quand même, avec la santé, l’amitié et la paix. »

Après une chanson entonnée avec Lionel, il rentre dans son pavillon, alors qu’un rayon de soleil réchauffe l’air hivernal : « J’espère bien repartir faire un séjour l’été prochain. Ah, cette visite, ça m’a fait bien plaisir. »

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