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Quand le mal-être étudiant gagne du terrain

Mis à jour le par Olivier Vilain
Une permanence étudiante est ouverte tous les samedis de 10 heures à 12 heures à Lyon. A chaque fois se sont une quarantaine d'étudiants qui reçoivent une aide alimentaire.

Depuis un an, date du premier confinement, la vie des étudiants est de plus en plus difficile. Manque d’argent, études à distance, vie sociale inexistante, avenir plus qu’incertain sont à l’origine d’une grande détresse psychologique. Sur le terrain, le SPF est à leurs côtés comme à Lyon où, tous les samedis, une permanence leur est dédiée. Reportage.

« Depuis un an maintenant, depuis le premier confinement, je ne cesse jamais de penser à mon avenir. Je pense que je vis les pires moments de ma vie. Heureusement que je vis chez ma mère, sinon ça aurait pu être plus compliqué encore. Psychologiquement, c’est dur et vraiment triste de voir des jeunes étudiants comme nous qui se suicident. Nous sommes tous en détresse », détaille Eva Stachowiak, 23 ans, étudiante en formation aux métiers du cheval venue chercher des habits à la boutique solidaire du Secours populaire, pour se protéger contre le froid.

Ce samedi 12 février, des dizaines d’étudiants ont fait le déplacement sous la neige et dans un vent glacial pour récupérer leurs colis alimentaires dans les locaux de la fédération du Secours populaire de Lyon, situés au 12 rue Galland. Si certains sont satisfaits de pouvoir rester au chaud chez eux, les étudiants rencontrés ce jour-là ne connaissent pas ce luxe. En pleine crise sociale et économique, les étudiants n’ont d’autre choix que de frapper à la porte de l’association, faute de pouvoir se nourrir, se vêtir.

Les distributions au SPF, des moments de partage

Tandis que s’amplifie la précarité et se multiplient les situations de détresse absolue chez les étudiants, ce sont des initiatives associatives qui secourent majoritairement les victimes de la crise. C’est un fait. Très nombreux sont les étudiants en proie à une angoisse permanente qui ne peuvent plus se concentrer sur leurs études. Une spirale infernale se met en place : perte du revenu des petits boulots, loyers impayés, difficultés numériques pour suivre les cours, repas sautés, décrochage scolaire… Les conséquences personnelles et sociales sont dramatiques : des problèmes de santé psychologique, un isolement social, des suicides même : le 12 janvier, une étudiante a tenté de se suicider dans sa résidence universitaire à Lyon, faisant écho au geste désespéré d’un étudiant en droit quelque jours plutôt. Si souvent précaires même en situation normale, les étudiants sont parmi ceux qui subissent de plein fouet la pandémie.

Aussi, à Lyon, ce jour-là, dans une ambiance bon enfant, les étudiants présents profitent de ces moments de distribution qui sont, pour eux, « le seul moment de retrouvailles entre amis ». En France depuis seulement quatre mois, Rock Okemba, 28 ans, étudiant en sciences du langage à l’université Lyon 2 se réjouit de l’aide du Secours populaire. « Je vis sans ressources et je ne suis pas boursier. Parfois, j’appelle la famille au Congo pour payer mes loyers. Je n’imaginais pas une vie aussi pénible que celle que je mène. Mais, heureusement, le Secours populaire est présent. Ça fait plaisir de voir des gens qui se soucient de notre sort et qui viennent nous aider. Cette aide me dépanne pour au moins deux et même trois semaines et ça me permet de ne pas tout dépenser pour la nourriture ».

Etudiants étrangers plus fortement touchés

En l’espace d’un an, la situation épidémiologique a pris un tournant plus qu’inquiétant chez les étudiants qui vivaient de petits boulots dans la restauration ou faisaient des soutiens scolaires ou du baby-sitting, et qui, aujourd’hui, n’ont plus ces revenus. Qu’en sera-t-il demain ? Amadou Bangoura, 26 ans, étudiant en master santé publique à Lyon 1 garde espoir, même si, comme il dit,  « il faut relativiser. Je pense que c’est dur pour tout le monde ce que nous sommes en train de vivre. J’ai déposé des CV dans tous les secteurs, mais sans succès ». Puis ce jeune guinéen ajoute, en souriant désespérément : « Au début, je pensais que j’allais retourner à la vie normale, être au moins en contact avec mes professeurs et mes camarades de classe, me faire des amis pour partager nos expériences. Mais tout ressemble à un mur devant moi. C’est un coup dur. Je n’avais pas d’ordinateur, mais heureusement l’université nous a aidés et aussi le Secours populaire. Et, avec l’association, j’ai bénéficié de don d’habits pour me protéger du froid, de matériel pour cuisiner et de paniers-repas chaque deux semaines. Je suis vraiment reconnaissant de toute cette aide », dit-il.

La crise sanitaire a rendu dramatique le mal-être souvent déjà présent chez les étudiants. Selon l’Observateur de la vie étudiante lors du premier confinement, un tiers des étudiants a rencontré des difficultés financières lourdes. La précarité touche plus violemment les étudiants étrangers. Parmi les personnes aidées de l’antenne lyonnaise, on croise une sénégalaise, Fatou Dieng, 23 ans, en licence de droit, une congolaise, Magaly Kyalondwa, 23 ans, en licence de droit public, un algérien, Ismaël, 22 ans, en licence de géographie, une iranienne, Nassim Maous 37 ans, en licence de langue dans la formation « Tous à l’université » de Lyon 2. Avec gêne, tous racontent d’une même voix la même histoire : pas de travail, pas de bourse, impossibilité de bénéficier des aides de l’État, difficulté à suivre les cours… impossible pour eux de vivre décemment en France.

A Lyon, le SPF soutient les étudiants précaires

Lors de la distribution alimentaire, les bénévoles prennent le temps d’échanger sur les difficultés rencontrées par les étudiants. ©Jean-Marie Rayapen

Soutien moral et psychologique

La volonté d’accompagner le plus individuellement possible les étudiants, c’est le but que se fixe le Secours populaire. Depuis le printemps dernier, la fédération de Lyon a décidé de mettre en place un dispositif spécifique qui se complète au fil des mois de nouvelles initiatives. Roxana Girard, 28 ans, bénévole, le décrit ainsi : « Nous sommes en train de mettre en place des activités, appelées « ateliers de relaxation », avec un médecin. Leur rôle sera d’accompagner les étudiants qui sombrent dans une détresse collective. Il est important pour nous de penser à leur santé mentale et leur état d’esprit. Parce que, au-delà de l’aide alimentaire, vestimentaire et numérique, il faut les motiver, leur donner de la confiance pour qu’ils puissent se projeter dans le futur ».

Malgré le travail des bénévoles, malgré les dons, les moyens manquent pour ajuster l’aide apportée par la fédération du Secours populaire à la gravité de cette crise. Si les étudiants ne sont pas les victimes les plus visibles de celle-ci, si on les voit peu dans les médias qui ouvrent leurs micros aux commerçants ou aux artistes, ils sont pourtant parmi les plus touchés et d’autant plus qu’ils étaient plus fragiles. « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie ». La célèbre formule de Paul Nizan, l’ami de Sartre, dans son Aden-Arabie, est aujourd’hui d’une sinistre actualité.  

 


Journée contre la précarité étudiante

RTL et le Groupe M6 s’associent au Secours populaire français, mercredi 17 février, pour sensibiliser et lutter contre la précarité des étudiants. Toute la journée, des reportages illustreront les actions de terrain mises en place partout en France par les bénévoles du Secours populaire. Toute la journée les auditeurs seront invités à faire des dons sur le site de l’association. https://don.secourspopulaire.fr/rtl/

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