Elle témoigne : Marie-Monique Robin

« Les droits humains sont interdépendants et reposent sur le droit de vivre dans un milieu naturel préservé. » Marie-Monique Robin

Marie-Monique Robin, auteure du film et du livre Sacrée croissance.

Qu’ils soient politiques, sociaux ou liés à l’environnement, les droits humains sont indissociables. Les organisations humanitaires en prennent de plus en plus conscience, mais elles doivent encore intégrer de manière systématique la protection des milieux naturels dans leurs programmes de solidarité à travers le monde, car tous les droits humains seront bafoués si la planète devient un jour invivable. Lutter contre le réchauffement climatique et préserver la biodiversité sont des urgences absolues, comme l’a montré la conférence intergouvernementale de la COP 21, qui a été organisée sous l’égide des Nations unies à Paris en décembre dernier. Les ONG peuvent continuer de faire pression sur les pouvoirs publics à travers des campagnes de plaidoyers. C’est indispensable, mais en même temps, je pense que les données sont désormais largement connues. Que ce soit sur l’état de la pollution de l’eau, de l’air et de la terre ou encore sur la destruction des forêts tropicales au profit des champs d’Organismes génétiquement modifiés. Les ONG et les associations de solidarité doivent, à mon avis, mener deux autres types d’activités. Elles pourraient rejoindre les organisations citoyennes déjà réunies au sein du « Tribunal Monsanto * » afin de sensibiliser la population à la nécessité de créer la notion juridique  »d’écocide », c’est-à-dire le crime de destruction de la nature. Cette notion permettrait d’obliger par la voie légale les 80 multinationales responsables des deux tiers des émissions de CO2, et donc du réchauffement climatique, d’arrêter le gaspillage des ressources naturelles et la destruction des écosystèmes. Pour changer la situation, je crois particulièrement au soutien quotidien qu’apportent les ONG et les associations de solidarité aux initiatives locales, comme le développement de l’agriculture urbaine. Ce genre d’action concrète – menée à l’échelle des quartiers ou des villages – rassemble les gens, répond à leur besoin de se nourrir et, en plus, crée de l’emploi. C’est ce que j’ai pu constater en Argentine où des groupes de chômeurs, avec l’appui de plusieurs municipalités, ont repris possession de friches urbaines pour les transformer en jardins communautaires. Dans ces petits laboratoires, les gens renouent avec la terre et avec les autres le lien qui a été brisé par le système économique actuel, productiviste et inégalitaire. Une fois réunis au sein de collectifs, les gens relèvent la tête et sont plus forts.

Marie-Monique Robin, auteure du film et du livre Sacrée croissance
(Arte Éditions / La Découverte, 2014)
* www.monsanto-tribunalf.org