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Précarité menstruelle: les lycéennes s’engagent avec  »N’en rougis plus’’

Mis à jour le par Olivier Vilain
Avec ''N'en rougis plus'', les membres de copain du Monde de Clermont-Ferrand s'informent sur la santé, les règles, les inégalités... Et se lancent dans la solidarité avec beaucoup d'énergie.

Le club copain du Monde de Clermont-Ferrand compte beaucoup de lycéennes qui s’engagent contre la précarité menstruelle qui touche 2 millions de femmes dans notre pays. Actions de sensibilisation dans les lycées, ateliers, émissions de radio, collectes : elles débordent d’énergie.

« Nous allons parler des règles et surtout de la précarité menstruelle. » Réunies dans les studios de Radio Campus Clermont-Ferrand, Alena, Juliette, Éléonore et leurs amies, venues de plusieurs lycées, ont préparé une heure d’émission sur la précarité menstruelle, une question qui a émergé récemment, à cause du tabou qui entoure encore trop souvent les questions liées aux règles et à la santé sexuelle. L’émission s’intègre à leur campagne de mobilisation, appelée ‘‘N’en rougis plus’’.

« Nous avons fait des recherches mais nous parlons avant tout de nos expériences de femmes et de celles des femmes les plus précaires. À travers ce sujet, nous échangeons sur tout ce qui nous parait important », résume Juliette, qui a convaincu une trentaine d’élèves du Lycée Blaise Pascal, une institution à Clermont, de rejoindre le projet. Durant l’émission les préjugés, les clichés sont autant évoqués que le mécanisme biologique des règles, les maladies liées à un mauvais usage des protections périodiques et surtout la précarité. « Cette précarité fait partie des violences faites aux femmes, une de plus », poursuit Juliette.

2 millions de femmes sans serviettes périodiques

Qu’est-ce que la précarité menstruelle ? C’est le fait de ne pas disposer des moyens économiques nécessaires à l’achat de protections intimes, de manière totale ou partielle. Un phénomène qui touchait 1,7 million de personnes, selon un sondage effectué en 2019 par l’IFOP. « Avec la crise qui s’est ouverte en 2020, nous estimons que maintenant 2 millions de femmes sont confrontées à cette précarité en France », explique Laura Pajot, responsable de la Communication de Règles Élémentaires, l’une des associations qui ont fait émerger cette problématique ces dernières années (voir encadré).

Les lycéennes ont réalisé une première émission de radio sur une station au public constitué d'ado et d'étudiants

Les lycéennes ont réalisé, en avril, une première émission de radio sur une station au public constitué d’ado et d’étudiants, Radio Campus Clermont-Ferrand.


Les groupes les plus concernés sont bien sûr les plus précaires (femmes à la rue, hébergées en foyers, en prison, etc.). « En un an, la problématique s’est considérablement accrue chez les travailleuses pauvres et les étudiantes, qui ne peuvent plus faire de petits boulots », ajoute Laura Pajot. Une étude estime que 10 % des jeunes filles scolarisées manquent les cours pour cette raison. Le manque de serviettes propres et sûres provoque de l’inconfort, du stress et parfois la colère. C’est le cas de Marie, 27 ans, pour qui cela représente un budget important « difficile à assumer » : « Quand je n’ai pas les moyens (…), j’utilise du sopalin. (…) Je ressens dans ces moments un profond mal-être et je suis très en colère ».

Pour parer à ce manque, les femmes mettent parfois des protections pendant trop longtemps, ce qui implique des risques d’infection, de mycoses, et même de chocs toxiques avec les tampons. « Je suis trop souvent obligée de n’utiliser qu’une seule serviette par jour pour ‘‘économiser’’, confirme Yasmina, qui élève quatre enfants. L’alimentation et les besoins de ma famille sont ma priorité. » Selon les calculs effectués par Le Monde, le coût des protections et des antidouleurs s’élève à 7,50 euros par cycle pour une femme ayant des règles d’une durée et d’un flux moyen. Au total, près de 3 800 euros sur l’ensemble de la vie.

 »N’en rougis plus », la campagne a démarré en janvier

Avec la radio, l’idée est de produire une émission mensuelle. Le groupe des copains et copines du Monde mène d’autres actions : ateliers de sensibilisation dans les lycées et pendant les vacances, collectes de protections périodiques dans les établissements scolaires et devant les supermarchés. Le projet ‘‘N’en rougis plus’’ a commencé début janvier. « On a réuni de petits groupes dans chaque lycée de Clermont. Nous avions besoin d’un projet fédérateur. La précarité menstruelle s’est imposée », indique Alena, la bénévole qui organise localement les copains du Monde.

Le thème permet un engagement concret et la mobilisation des jeunes, dans la perspective de l’éducation populaire. « Chez les jeunes femmes, touchées ou non par cela, il apparait important de parler de cette précarité, de lever les tabous et d’assurer une meilleure protection sanitaire. La perspective, c’est une inégalité de moins », poursuit-elle. La question se pose effectivement alors que la métropole du Puy-de-Dôme compte 16 % de ménages vivant sous le seuil de pauvreté (contre 13,8 % au niveau national).

 

Pour écouter leur émission, il vous suffit de cliquer sur l'image

Pour écouter leur émission, il vous suffit de cliquer sur l’image ci-dessus.


Une soixantaine de jeunes sont impliqués dans ‘‘N’en rougis plus’’. Leur génération est très sensibilisée aux inégalités entre hommes et femmes et entend bien participer à la construction du « monde d’après », selon Alena. « On est motivées, c’est vrai ; et bien organisées. C’est peut-être l’effet ‘‘me too’’, mais moi je me sens impliquée en tant que femme. En tout cas, on a convaincu beaucoup de filles de plein d’âges différents », s’enthousiasme Éléonore, en Terminale et qui vise la fac de médecine.

Des jeunes filles engagées au-delà du lycée

Au programme, la réalisation de vidéos est prévue ; des rencontres avec des sages-femmes, des historiens et des sexologues également ; ainsi qu’une exposition artistique, si le protocole sanitaire le permet. Mais avant tout ça, 180 jeunes et bénévoles ont rendez-vous, les 14 et 15 mai, pour une nouvelle collecte dans une dizaine de magasins. « Ce sera comme pour une collecte de produits alimentaires sauf que ce sera des produits d’hygiène et particulièrement des protections périodiques », indique Alena. Ce sera parfait pour préparer la journée mondiale de l’hygiène menstruelle, qui a lieu le 28 mai.

Les lycéennes entendent continuer leurs actions l’année prochaine, lorsqu’elles seront étudiantes. Dans son rapport, publié mi-août, sur le coût de la vie étudiante, le syndicat étudiant Unef pointait du doigt le coût de la vie étudiante et particulièrement l’écart entre les femmes et les hommes, en raison notamment du coût des protections menstruelles. « Certaines de mes copines connaitront peut-être des difficultés, projette Juliette. Hors de question que je laisse faire ! »


Une problématique nouvelle
La question de l’inégalité que pose l’accès aux protections menstruelles est plus avancée dans les pays anglophones où il est établi que les charges sont plus élevées pour les femmes que pour les hommes et grèvent ainsi leur budget. Le monde associatif est actif sur le sujet. Inspirés par cet exemple, des collectifs se créent autour de 2015, comme Règles élémentaires, qui organise de nombreuses collectes et redistribuent leurs produits à des réseaux d’associations, dont le Secours populaire. Ils aiguillent le législateur, comme dans le cas de la loi qui a ramené la TVA de 20 % à 5,5 %. Désormais, le débat est porté sur la qualité minimale des matériaux utilisés et le bannissement de substances toxiques.

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