Émanciper
Les petits chefs pâtissiers de Condé-sur-Vire

Dans la Manche, des enfants dont les familles sont aidées par le Secours populaire viennent régulièrement à l’usine Elvir de Condé-sur-Vire pour participer à des ateliers pâtisserie qui allient aliments bons pour la santé, de saison et locaux. Ils passent un moment enrichissant et font goûter leur réalisation à leur famille en rentrant.
Dans toute la cuisine se répand une douce odeur d’amandes, de noix de cajou et de pistaches dorées au four. Dany, un ancien pâtissier, sourit en regardant Nathan, 10 ans, déguster l’un des fondants chocolat carotte sur crumble de fruits à coque qu’ils ont réalisé ensemble. À côté, Inès, 12 ans, goûte elle aussi sa verrine : « Oh, c’est super bon ! », lance-t-elle dans un cri du cœur.
Toute l’équipe s’est donnée à fond
Nathan et Inès sont venus avec Vitoria, 14 ans, et sa sœur Gloria, 10 ans. Ils grandissent dans des familles aimantes, aidées par le Secours populaire de Coutances, une petite ville de la Manche à 40 minutes de Saint-Lô. Ils sont accompagnés par deux bénévoles, Pascale et Christian, chacun dans son rôle : Christian rassurant, attentif ; Pascale entrant en contact, mettant à l’aise très facilement les enfants. Tous deux sont venus avec beaucoup de bonne humeur.
Des salariés du groupe Elvir, connu pour sa marque Elle & Vire (crème, beurre, fromages frais, etc.), ont consacré leur après-midi à faire découvrir une recette alliant plaisir et santé. Oriane fait la connaissance d’Inès, Ludivine accompagne Gloria, Mickaël aide Vitoria et Dany s’occupe de Nathan. Toute l’équipe s’est donnée à fond pendant trois heures dans la cuisine qui est aussi le laboratoire de l’usine de Condé-sur-Vire.

Tous prennent du plaisir à goûter les verrines réalisées en suivant la recette, très élaborée, que Dany a proposée après l’avoir testée au préalable : « Il fallait un dessert qui sorte de l’ordinaire. » Ancien cuisinier dans la restauration, il est désormais ouvrier au service UHT de l’usine et bénévole au Secours populaire à Saint-Lô : « Quand j’ai entendu parler de ce goûter, il fallait que je le fasse et j’ai testé la recette avec mes enfants. On a dépassé un peu le temps imparti, mais en même temps on s’est amusé. » Il s’est amusé aussi avec Nathan. Les deux complices se sont livrés une bataille, dans de grands éclats de rire, pour savoir qui mangera le fond de chocolat qui restait dans la casserole. Bien sûr, Dany a laissé gagner le garçon aux cheveux roux : « Ça va, ce n’est pas trop chaud ? » s’enquiert-il, car la casserole était sur le feu quelques minutes seulement avant.
Les binômes se sont mis au travail, tout le mercredi après-midi. Très vite les rires ont fusé. Ludivine et Gloria mélangent le lait et la vanille extraite, à la pointe du couteau, de gousses fraîches très odorantes. Les enfants n’en avaient jamais vu d’aussi grandes. Oriane et Inès prennent les carottes et les passent à la poêle avec quelques épices. Pour réaliser le biscuit de base, Mickaël et Vitoria mixent les fruits à coque et en concassent une partie gardée en réserve pour donner du croustillant. Pour la crème pâtissière, Dany et Nathan font chauffer les carreaux de chocolat, puis les font refroidir, « pour donner plus de goût ».
De la carotte dans le chocolat
« Depuis plusieurs mois, nous proposons au Secours populaire une série d’ateliers autour de la pâtisserie pour faire découvrir des recettes et favoriser la connaissance d’aliments bons pour la santé, de saison et que l’on trouve localement », explique Céline Doublet, chargée de coordination RSE (responsabilité sociétale des entreprises) chez Elvir. L’atelier s’est déroulé juste après Pâques, période où le chocolat est roi. « À partir de là, nous avons cherché ce qui se marie bien avec et qui correspond à ce qu’on veut faire passer », ajoute Delphine Sément, directrice qualité. D’où l’introduction de la carotte dans la recette.
La démarche a rencontré les préoccupations du Secours populaire dans la Manche. « Depuis le premier confinement de 2020, nous mettons l’accent auprès des personnes que nous recevons sur le fait que la santé passe avant tout par bien se nourrir, en introduisant des fruits et des légumes frais dans nos libres-services alimentaires et en faisant découvrir plusieurs manières de les cuisiner », rappelle Emmanuelle Saillard, secrétaire générale de la fédération de la Manche du Secours populaire. La décision de passer par les enfants suivait l’idée de les valoriser quand ils rapporteraient les recettes à la maison.

Pendant que les crumbles des quatre groupes cuisent dans le four, un quiz est organisé autour du légume utilisé, la carotte. C’est Mickaël, tout en souplesse, qui a préparé les questions et qui les pose aux quatre enfants : Où poussent-elles ? De quelles couleurs sont-elles ? « Je n’en avais jamais vu de blanches », s’exclame Gloria. « Tu en as goûté ? », demande Dany à Nathan ? Non ? Nathan en prend un petit bout dans sa bouche, mâche ; mais ce premier contact ne le convainc pas. Visiblement, il préfère le chocolat : il y en a tout autour de sa bouche et jusque sur le bout du nez.
L’ambiance était plus timide trois heures plus tôt, lorsque le groupe d’enfants est arrivé dans les bureaux qui jouxtent l’usine. « Entrez, bienvenue ! », les a accueillis Delphine quand le petit groupe passait la porte. Seul Christian, qui avait conduit le minibus entre Coutances et Condé-sur-Vire, connaissait déjà le site : « J’y ai travaillé un été quand j’étais étudiant, il y a 50 ans. Je m’occupais d’ordinateurs gros comme un meuble, avec des bandes magnétiques et des cartes perforées », confie-t-il aux enfants, un sourire en coin. Les choses ont bien changé depuis.
« J’ai hâte de faire goûter mes fondants à mes parents »
Le courant est vite passé entre les adultes, attentifs et bienveillants, et les enfants avides d’apprendre. « En général, quand je fais de la pâtisserie à la maison, je mange toute la pâte », confie Inès à Pascale, en malaxant le crumble. Cette fois-ci, l’adolescente gourmande préfère faire goûter à tous les participants de l’atelier son crumble aux éclats verts grâce à la dominante de pistache qu’elle a mise dans sa préparation de fruits à coque. « Il faut qu’il t’en reste un peu pour tes verrines », la taquine Oriane, qui l’aide à remplir les dernières.
Les verrines sont prêtes. Après la dégustation, chaque adulte dépose celles qui ont été mises de côté dans un sac pour que les enfants les rapportent chez eux. Le sac est rempli d’autres produits fabriqués sur le site. « J’ai hâte de faire goûter mes fondants à mes parents », s’exclame Inès. Nathan et Vitoria font régulièrement des gâteaux, chez eux, mais la recette de Dany leur a fait découvrir des opérations qu’ils n’ont pas l’habitude de pratiquer. « Je fais des cookies, surtout, c’est beaucoup plus rapide », précise la plus grande. Les enfants repartent avec la recette pour la refaire chez eux, pour le plus grand plaisir de leur famille. Rien que d’y penser, ils en sont déjà fiers. « Fiers, les enfants le sont à chaque fois », souligne Emmanuelle. Le prochain atelier accueillera les enfants d’Hambye et de Villedieu le 19 juin.