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Une journée d’évasion pour 550 personnes de Seine-Saint-Denis

Mis à jour le par Olivier Vilain
Reprendre le cours de la vie, laisser les difficultés du confinement derrière.

Cinq cent enfants et parents et cinquante étudiants de Seine-Saint-Denis ont fait leur première sortie au grand air au Parc Saint-Paul. Une bouffée d’oxygène dans un été qui sera marqué par l’absence de départ en vacances. Cela marque le coup d'envoi des "Journées bonheur" pour le Secours populaire de ce département, qui offriront des sorties très attendues après les mois de confinement.

« Quand on était sur le bateau, j’ai vu des canards, confie Clarissa, 8 ans. À Noël, ma maîtresse a offert à toute la classe un livre sur des canards qui voyagent dans le monde entier ! Je le lis tous les soirs. » La petite fille au regard clair et aux cheveux descendant jusqu’aux cuisses apprécie pleinement la sortie organisée par le Secours populaire pour 550 habitants de la Seine-Saint-Denis au Parc Saint-Paul (Oise). Montagnes russes, chaises volantes, autos-tamponneuses et mille et une surprises sont réparties autour d’un cours d’eau qui sinue au milieu d’un parc arboré : jeux et grand air sont au programme !

« J’adore les canards ! »

Avec sa mère Kharissa, Clarissa vient de faire un tour sur le plan d’eau dans un bateau ressemblant aux vapeurs descendant le Mississippi, façon Tom Sawyer. Elles ont pris un bol de nature. « J’aime les canards, mais je préfère les chats, d’ailleurs j’en ai un », dis la petite malicieuse en soulevant son sweat pour montrer la bouille d’un chat de dessin animé imprimée sur son t-shirt.

La mère et la fille sont venues avec Asmae et ses filles, Inès, 8 ans, et Chahinaze, 6 ans. Le matin, la fine équipe a profité de cinq manèges, avant de faire une pause le temps de manger afin de laisser passer une averse. Le soleil n’est pas de la partie, mais pour les invités cela n’a aucune importance. « On pro-fite ! On pro-fite ! C’est notre première sortie depuis le confinement, alors on respire et on s’amuse ! De voir mes enfants et ceux de mon amie sourire comme ça, c’est très important », souligne Asmae, un œil sur les petites qui plongent dans une piscine de balles multicolores ; elles se les lancent, les rattrapent avant de courir vers un grand toboggan.

Des jeux et un moment passé dans la nature. Les enfants adorent.

Des jeux et un moment passé dans la nature. Les enfants adorent.

 

Le confinement et l’épidémie de coronavirus ont particulièrement frappé la Seine-Saint-Denis : c’est à la fois le département le plus pauvre d’Île-de-France et aussi celui qui enregistre un grand retard d’investissements publics. L’arrêt de l’économie a provoqué le gel des rentrées d’argent ou des pertes de revenus conséquentes. « Les chantiers étaient arrêtés, mon mari a dû rester à la maison. Moi, j’ai dû m’occuper des enfants, des devoirs, explique Asmae. Heureusement que le Secours populaire nous apportait à manger, sinon nous n’avions pas de quoi acheter de la nourriture. »

Des moments précieux

Sur le bateau, il y avait aussi Samira et son fils Hamza, 12 ans. « On s’amuse, on prend l’air, enfin ! » Complices, ils regardent, l’air serein, les manèges dont le bruit de fête foraine arrive atténué par la distance et les arbres. « Le confinement a été terrible. Je vis dans un centre d’hébergement pour femmes battues, dit Samira. Nous étions obligées de cohabiter avec une personne et ça ne fonctionnait pas du tout. Le problème est derrière nous maintenant. » La jeune femme est reconnaissante envers le Secours populaire pour l’aide alimentaire reçue durant cette période. « On a eu des tomates, du frais, de la viande… sinon nous n’aurions dû manger que des pâtes et du riz… Dans ces cas-là, vous prenez la nourriture en grippe. » Et les carences s’accumulent.

Les moments passés dans ce parc sont précieux. Pendant que ses enfants s’amusent dans une aire de jeux, une femme fume pensivement, respirant lentement et en regardant dans leur direction. L’apaisement ? Une pause, assurément. Une mère prend en photo sa fille qui monte dans une capsule, un grand sourire aux lèvres. Pendant le pique-nique, un père fait rire toute la tablée, entre deux sandwichs. Des moments qui soudent les familles.

Un grand bol d'air pour 550 personnes, ce mardi 1er juillet, parmi les attractions et les manèges.

Un grand bol d’air pour 550 personnes, ce mardi 1er juillet, parmi les attractions et les manèges.

Après un après-midi bien rempli, Asmae récapitule : « J’aimerais mettre au loin le confinement et ses conséquences. J’aimerais souffler, pourquoi pas en allant voir des amies dans le nord de la France ? » Mais ce n’est pas possible. Ses revenus ne le permettent pas. À plus long terme, la jeune femme de 29 ans aimerait reprendre ses études et enfin terminer sa licence de gestion.

Yvanna, Tanu et sa soeur Tania se reposent, en fin d’après-midi, au moment de remonter dans le car. Ils font partis des 50 étudiants de Paris 8 qui ont profité de la journée. Eux aussi y ont trouvé leur bonheur. « Il y a des attractions à sensations fortes, c’est sympa. Et puis, on s’est retrouvé entre amis. C’est très agréable », indique Tanu, un grand gaillard, très positif, qui étudie la biologie. La crise du confinement a été particulièrement dure pour les étudiants. Le Secours populaire était à leurs côtés, notamment pour l’aide alimentaire. « Nous allons rester en contact cet été et nous serons encore là à la rentrée », anticipe Kab, le reponsable de l’antenne étudiante du Secours populaire.

Plein de Journées Bonheur

Les mois de confinement laissent des traces. Factures impayées, pertes d’emplois, de revenus. La précarité devrait empêcher un nombre record de familles de partir en vacances : 54 % des foyers disent qu’ils ne prévoient pas de partir cet été (sondage Opinion Way / Sofinco, juin 2020). « Ces familles, venues de Pantin, Bobigny, Saint-Denis, Epinay, etc., ont subi le confinement et n’auront pas de vacances, faute de moyens, résume Elisabeth, co-responsable du pôle loisirs et culture à la fédération de Seine-Saint-Denis du Secours populaire. Nous allons les faire sortir en juillet et en août. Nous avons tout un programme, qui commence à Saint-Paul et qui finira fin août avec une journée à la Mer de sable, en passant par la visite des hortillonnages d’Amiens pour des retraités isolés. »

Pour les familles de Seine-Saint-Denis, les sorties ne font que commencer.

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