La lecture s’invite à la plage

  Cet été l’opération, « L’été des bouquins solidaires » revient pour la quinzième année, avec la perspective d’offrir 5 000 ouvrages à des enfants « oubliés des vacances ». Alain Serres, directeur des éditions Rue du Monde, à l’origine de ce partenariat revient sur cette belle histoire.    

Convergence : L’opération « L’été des bouquins solidaires » existe depuis 2004, quel bilan tirez-vous de cette opération ?

Alain Serres : Le bilan c’est d’abord ce chiffre impressionnant de livres que nous avons offerts aux enfants via le Secours populaire : 75000 livres plus un tirage spécial à 50000 exemplaires pour la journée solidaire au stade de France. Par rapport aux besoins ce n’est qu’une goutte d’eau ! Mais au vu de ce que nous sommes dans l’édition, une petite équipe de 5 personnes qui ne publie que 0,1 % des livres jeunesse publiés chaque année, c’est énorme  ! Si nous sommes fiers d’avoir tenu ce geste dans la durée, c’est surtout pour sa cohérence avec le contenu même de nos livres. Dans ce monde de double-langage, de slogans creux, nous essayons de dire aux enfants que nos pratiques ressemblent aux propos généreux et humanistes de nos livres. Il en va de même pour la fabrication dans des conditions écologiques optimales, et en France, alors que beaucoup de nos confrères impriment désormais loin, voire très loin, de nos frontières.Mais le vrai bilan, c’est quand je vois, sur ces plages de Normandie, des enfants s’appliquer à choisir un livre qu’ils vont pouvoir garder, emporter à l’école à la rentrée, prêter à leurs cousins. Être propriétaire d’un bel album, ce n’est pas si banal que cela dans beaucoup de familles. Le livre est une fenêtre ouverte sur les autres et sur le monde. Il est profondément injuste que cet air de liberté ne soit pas équitablement partagé.

Convergence : En tant qu’éditeur quelles sont vos motivations ?

 Alain Serres : Certes cela nous aide à faire remarquer nos livres dans quelque 400 librairies, au début de l’été. Mais c’est surtout important pour l’enfant qui recevra un livre lors de la Journée des oubliés des vacances. Je pense que cela compte aussi pour celui qui comprend à quoi contribue son achat. Des familles qui fréquentent les librairies peuvent en effet expliquer à leurs enfants pourquoi ils choisissent un livre de notre « Été des bouquins solidaires ». Je crois qu’on n’éduque efficacement à la solidarité que part des actes concrets. Enfin, à propos de mes motivations, il y a bien sûr le souvenir des petits gestes que faisaient mes parents, modestes cheminots, pour aider de Secours populaire. Cela fait du bien de poursuivre la petite musicale familiale…

Convergence : Que souhaitez de particulier pour cette édition 2019 ?

Alain Serres : Cette année, nous avons décidé d’organiser notre opération en librairie à partir de livres peu coûteux, pour permettre à chacun d’y participer. Des « premières lectures » de poche pour les 6/9 ans à 7,80 €. Chaque fois que 3 exemplaires de ces livres sont vendus, nous offrons un livre au Secours populaire. Il s’agit donc d’une nouvelle collection nommée Totemkili, très illustrée avec, à la fin de chaque histoire, des pages documentaires pour éclairer les sujets évoqués. Il y a, par exemple, un titre sur les Roms et le cirque, un autre sur des enfants sans papier qui veulent quitter l’Afrique, sur garçon un peu simplet et naïf qui finit par emporte le cœur de la princesse ou sur M . Cric Crac qui s’enferme avec des monstres pour se protéger tant il craint les autres humains !

Convergence : Cette année vous ajoutez les dons de droits d’auteur du livre « Maman, ce soir, je te ramène la mer » qui relate une journée des oubliés. Est-ce une façon de rendre hommage à notre président récemment disparu ?

 Alain Serres : Oui, un titre fort, illustré par Pef, qui est aussi un ami du Secours populaire, pour raconter avec humour et émotion une de ces journées solidaires à la mer. Les enfants se retrouvent bien dans cette histoire pétillante. J’espère qu’elle apportera un éclairage sensible sur cette journée et nous espérons que ce « Maman, ce soir, je te ramène la mer » donnera aussi du bonheur aux adultes qui oseront le lire. Et qu’ils auront envie de l’offrir à de nombreux enfants !Évidemment, nous avons dédié ce petit ouvrage à Julien Lauprêtre, que nous avons bien connu. Je sais combien son énergie à su construire des fabuleux châteaux de sable solidaires. Mais des châteaux qu’aucune marée ne pourra emporter ! Nous avons associé à cette dédicace tous les bénévoles et les équipes du Secours populaire, parce que Julien ne les oubliait jamais. Chaque grain de sable compte en effet pour construire la plage.