Émanciper
Journée des oubliés des vacances : une fête inoubliable

Le 20 août à Paris, 40 000 enfants « oubliés des vacances », ainsi que 3000 enfants d’Europe et du monde, ont été invités par le Secours populaire pour passer une « Journée de ouf », à l’occasion des 80 ans de l’association. Après la visite d’un lieu emblématique de la capitale, ils ont tous conflué sur le Champ-de-Mars, où les attendaient des dizaines d’animations ainsi qu’un grand show, concocté spécialement pour eux. Un « show de ouf », bien entendu.
Paris, Champ-de-Mars, 20 août 2025, fin de matinée. De la soixantaine de sites sportifs, culturels ou républicains qu’ils ont visité, les enfants affluent par vagues. Certains reviennent de l’Assemblée nationale ou du Panthéon, d’autres du château de Versailles ou du musée du Quai Branly, d’autres encore d’une croisière en bateau-mouche ou du jardin des Tuileries où la vasque olympique s’est illuminée pour eux – rien que pour eux. Ils sont les invités de marque du Secours populaire, à l’occasion de son historique « Journée des oubliés des vacances », que l’association organise chaque fin d’été depuis 1979, pour offrir aux enfants qui ne sont pas partis une journée d’évasion et de bonheur pur, une bouffée d’insouciance et une provision de souvenirs. Pour rappeler, aussi, que les vacances sont un droit et qu’il convient de se battre sans relâche pour que celui-ci soit appliqué. Les petits vacanciers d’un jour piquettent l’immense langue verte du Champ-de-Mars des tâches multicolores de leurs casquettes : bleu marine pour les Normands, rouges pour les Auvergnats, violettes pour les Occitans … La pluie, tant redoutée, n’est finalement pas au rendez-vous, certainement chassée par toute cette joie, découragée par tant de couleurs.
Yeux et oreilles grand ouverts
Au milieu du champ est installée une scène géante, ouverte d’un côté sur l’École militaire, de l’autre sur la tour Eiffel. Pierre et Maxine, les animateurs du show qui s’annonce, invitent les enfants à quitter les 160 animations sportives, éducatives ou ludiques réparties sur le pourtour du jardin public. Ses vingt hectares sont transformés en un terrain de jeux géant, un village fourmillant comme sorti de terre le matin même, peuplé de 40 000 âmes enthousiastes. Mais pour l’heure, de 12h15 jusqu’à 15h00, c’est la scène qui concentrera toute l’attention des enfants. « Ouvrez grand les yeux et les oreilles et, surtout, profitez ! », clament les présentateurs. Le spectacle s’ouvre avec les danseurs et chanteurs de Disneyland Paris qui offrent un karaoké géant. « Il en faut peu pour être heureux », entonnent-ils. La majesté du site et l’ampleur de l’organisation viennent tendrement contredire la chanson : le Secours populaire et ses partenaires ont déployé les grands moyens pour offrir une « Journée de ouf » à cette troupe de petits ours très bien léchés. « Chassez de votre esprit tous vos soucis / Prenez la vie du bon côté / Riez, sautez, dansez, chantez », reprennent-ils tous en chœur.



Inévitablement, l’hymne de la Reine des neiges fait un carton. Deux fillettes, Anna et Elsa d’un instant, dansent tandis que deux autres, émerveillées, en oublient de finir leur sandwich. Autre air repris avec délice : la chanson de Vaiana. « J’irai plus loin et toujours plus haut » reprennent les enfants, annonçant, sans le savoir, la suite du programme qui les attend. En l’occurrence, une séquence célébrant les Jeux de Paris 2024, augurée avec une interprétation extraordinaire de « I Will Survive » par Maysha, à la voix soul, puissante et chaleureuse, qui fait monter la pression d’un cran sur le Champ-de-Mars. Sur les écrans géants apparaît le visage de Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des Jeux de Paris 2024, qui délivre aux enfants et aux bénévoles un message empli de respect et d’espoir. Dans la foulée, montent sur scène les nombreux champions olympiques et paralympiques * invités par le Secours populaire, tels Aurélie Aubert ou Jo-Wilfried Tsonga, que les enfants ovationnent et pourront retrouver plus tard, sur les stands d’initiation à leurs disciplines sportives. Vient alors le temps d’une autre séquence : celle dédiée à « Copain du Monde », le mouvement d’enfants bénévoles du Secours populaire. Un film d’animation le présente et la pétillante Nawel K chante sa chanson spécialement composée pour « Copain du Monde ». Cultiver, dès le plus jeune âge, l’amour plutôt que la haine ; construire un monde plus juste et plus solidaire ; faire fi des frontières : voici ce qui anime le cœur de ces enfants qui sont venus partager leur engagement.
Un « show de ouf »
Vient alors l’un des moments les plus émouvants de la journée. Sur la scène montent, un à un, des enfants brandissant des drapeaux du monde entier. Ils sont moins d’une centaine mais représentent les 3000 enfants des outre-mer et d’une cinquantaine de pays étrangers invités par le Secours populaire à séjourner en France dans des villages « Copain du Monde » et vivre cette « Journée de ouf » *. Ils sont accompagnés par des membres de 80 associations partenaires avec qui le Secours populaire conduit, partout sur la planète et où sévit l’injustice, la guerre ou la pauvreté, des projets de solidarité. A les voir porter leurs couleurs, acclamés par leurs dizaines de milliers de copains, regardant émerveillés les paysages de Paris qui s’étendent à perte de vue, il est difficile de retenir ses larmes. Les drapeaux de l’Arménie, de la Palestine, de l’Ukraine ou encore de Madagascar, agités par un vent léger, semblent remercier la foule qui applaudit. Il est 13h30 et c’est à présent l’heure du concert concocté par NRJ pour cette journée : « le show de ouf ». C’est Louis, animateur de la station, qui prend le micro.
Avant d’inviter les premiers artistes, Louis annonce un jeu de « Qui est-ce ? » géant. Et demande alors à toutes les personnes portant une casquette de se baisser. Puis à toutes celles portant un tee-shirt de couleur. A ce rythme-là, il ne reste bientôt plus personne debout dans le Champ-de-Mars. Personne ou presque : une silhouette émerge. C’est Léna Situations, la célèbre influenceuse vloggeuse, adorée des jeunes, comptant plus de 3 millions d’abonnés sur YouTube. « Je suis heureuse de vous rencontrer ! » lance-t-elle aux enfants ébahis. Un long frisson parcourt la foule puis c’est l’explosion de joie. Léna, si volubile d’habitude, semble interdite. Elle le confessera plus tard : l’émotion l’a submergée, les larmes sont montées toutes seules. « Merci les enfants, vous m’avez donné de l’énergie pour les quinze prochaines années. » Soutenue par la foule entière, elle entame alors le décompte pour lancer le concert. Quand surgit Vitaa, les invités comprennent que les attend un spectacle extraordinaire. Les chansons RnB de l’artiste, l’une des plus populaires de la chanson française, font le pont entre deux générations : les enfants et leurs accompagnateurs entonnent ses refrains à l’unisson. Sa silhouette – longue jupe de jeans, blouson de cuir, cheveux attachés en queue de cheval – arpente la scène et dégage une énergie folle. « Je n’en reviens pas qu’elle soit venue… spécialement pour nous », répète une ado, sonnée.
De la musique pour voyager
« Si je peux partager un peu d’amour, alors je le fais, particulièrement pour les enfants du Secours populaire qui ne partent pas en vacances », confiera Vitaa. C’est au tour de Ridsa de monter sur scène. Il déboule puis s’arrête net. « C’est dingue. Vous êtes magnifiques. Vous, la tour Eiffel, je m’en souviendrai toujours. » A perte de vue, le rappeur contemple les bras qui se lèvent et les corps qui ondoient, qui composent un vaste fleuve multicolore prenant source au pied de l’École militaire, pour plonger sous la scène puis aller se perdre sous les arcs de la tour Eiffel. C’est un océan de vagues, un bras de mer qui fait signe, un éclat de vacances qui s’invite à Paris. « Je fais de la musique pour voyager et c’est bien le thème aujourd’hui », songe-t-il. Son hit « Je m’en fous » met le feu. Tout le monde se baisse « en mode festival » puis se relève, frappe dans ses mains, fais les chœurs. C’est une silhouette fine, presque frêle, qui lui succède. Marguerite, tout juste révélée par la Star Academy, interprète sa pop douce et intimiste, engagée aussi. Elle y confie ses tourments intimes qui résonnent comme des messages universels, des mains tendues au public. Quand la foule entière reprend le refrain de « Les filles, les meufs », la jeune artiste n’en revient pas. « J’ai été bouleversée de les entendre chanter en chœur – les voix d’enfants, c’est ce qu’il y a de plus beau, témoignera-t-elle. Je me sens chanceuse, j’ai conscience d’avoir vécu un moment inoubliable. »




C’est le tour de Carbonne, casquette rose, lunettes aux verres fumés, qui est venu avec ses « frérots musiciens ». Il demande d’emblée « un max de bruit pour le Secours populaire ». La pluie commence à tomber doucement quand le jeune rappeur entame son irrésistible titre « Imagine », qui suscite immédiatement une clameur de joie. « Quitter Paname et changer d’air / On veut changer de vie, changer de météo / Loin des trams et des quais de métro ». Mais c’est sous le ciel de Paname, exactement, que les 40 000 enfants veulent être. La capitale était pour la plupart d’entre eux un rêve, comme Sofia, 10 ans, qui vient du quartier du Mirail à Toulouse. « Je rêvais de voir Paris, de voir la Tour Eiffel, et aujourd’hui je vis mon rêve », sourit-elle. Le rêve partagé des 40 000 enfants se poursuit avec le dernier concert : Bigflo et Oli sont accueillis par une ovation. Trixie, 10 ans, qui est partie de Limoges à l’aube, hurle de joie. Elle connaît leurs chansons par cœur et toute la fatigue de la journée est balayée par le bonheur et l’incrédulité de voir les deux frères « en vrai ». « Merci la famille » sont leurs premiers mots : entre le « Secours pop » et les deux Toulousains, c’est une longue histoire de complicité. Ils demandent, entre deux chansons, aux enfants de lancer leur casquette en l’air : elles créent un arc-en-ciel éphémère dans le ciel mouillé de Paris, préparant la surprise qui s’annonce.
Un bruit recouvre la sono : ce sont les huit Alpha Jets de la Patrouille de France qui survolent le Champ-de-Mars. Les enfants lèvent la tête et, bouche bée, observent la danse aérienne des avions, les rubans tricolores que dessinent leurs panaches. Les nuages eux aussi se teintent des couleurs du Secours populaire et c’est toute une nation qui se penche sur les plus fragiles de ses enfants. Alors, la pluie cesse. Leur dernière chanson, Bigflo et Oli la dédient aux bénévoles et aux organisateurs de cette « journée de folie », qui ont travaillé dur « pour nous régaler ». Puis ils s’adressent aux enfants, d’abord un peu graves : « Avancez, travaillez, respectez les gens ». Puis, avant de lancer le dernier son:« Vous êtes la jeunesse, c’est vous l’avenir, c’est vous la vie ! » Les frères ont du mal à dire au revoir, du mal à partir : eux aussi prennent conscience qu’il vivent un moment hors du temps.

* Les athlètes présents étaient : Aurélie Aubert (Boccia), Baky (Foot freestyle), Ksenia Chasteau (Tennis fauteuil), Estelle Causse (Taekwondo), Yohann Diniz (Athlétisme), Denis Gargaud-Chanut (Canoë-Kayak), Sean Garnier (Foot freestyle), Brice Guyart (Escrime), Steeve Homespun (Basket 3×3), Léonice Huet (Badminton), Nantenin Keita (Para Athlétisme), Natalie Luboya (Basket 3×3), Ludivine Munos (Para Natation), Maria-Claudia Ngue (Basket 3×3), Maxime Pauty (Escrime), Margaux Rifkiss (Escrime), David Souffron (Basket 3×3) et Jo-Wilfried Tsonga (Tennis).
** Les enfants sont venus des outre-mer et pays suivants : Allemagne, Argentine, Arménie, Bangladesh, Belgique, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Brésil, Cameroun, Chine, Colombie, Côte d’Ivoire, Cuba, Djibouti, Espagne, Estonie, Etats-Unis, Grèce, Guadeloupe, Guatemala, Guyane, Hongrie, Indonésie, Irak, Italie, Japon, Kosovo, Liban, Madagascar, Mali, Maroc, Mayotte, Mexique, Moldavie, Mozambique, Népal, Palestine, Pérou, Philippines, Portugal, République démocratique du Congo, Réunion, Roumanie, Royaume-Uni, Sahara Occidental, Saint-Martin, Salvador, Sénégal, Serbie, Thaïlande, Togo, Turquie et Ukraine.