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JO 2024 : les locataires HLM à la fête au Stade de France

Mis à jour le par Olivier Vilain
Jeux Olympiques Stade de France Locataires HLM
L'ambiance, c'est tout ce qui fait la différence. Une centaine de personnes étaient invités, le 4 août, au Stade de France, dont 50 locataires HLM ©J-M. Rayapen / SPF

« Ça donne envie de revenir ! » C’est le résumé enthousiaste d’une matinée dans l’ambiance du Stade de France pour des épreuves d’athlétisme des J.O. 2024. Le Secours populaire avait invité une cinquantaine de locataires HLM, en partenariat avec la Fondation Française des Jeux.

Nawal, veste noir et blanc, un foulard noir délicatement posé sur ses cheveux, est venue en famille. En attendant d’entrer dans le Stade de France, elle prend des photos et des selfies pour envoyer à ses amis. « Ce matin, je prends tout en photo. Les premières que j’ai prises, je les ai déjà envoyées à tout le monde. Mon téléphone est déjà chaud ! »

Comme sa petite sœur Arwa, 11 ans, la jeune femme, qui vient d’être majeure, ne manque rien de l’effervescence qui s’est emparée du quartier olympique de Saint-Denis, de bonne heure ce dimanche 4 août, plus d’une heure avant le début des épreuves d’athlétisme.

Le bourdon des supporters et l’arène du Stade de France

C’est pour suivre des épreuves féminines (3 000 mètres steeple, 110 et 400 mètres haies, lancer de marteau) qu’elle est venue avec d’autres membres de l’association de locataires ABC 75 des arrondissements de l’est de Paris. Ils sont invités par le Secours populaire, son partenaire de longue date, la Fondation Française des jeux, lui ayant mis une centaine de places à disposition. « Nous sommes très heureux de permettre l’accès à un événement sportif aussi unique », confie Dalila Helimi, responsable des Grands Partenariats Mécénat à la fondation.

Une fois les portiques de sécurité passés, les familles invitées par le Secours populaire s’orientent vers les gradins en suivant une file de Néerlandais en tee-shirts orange qui s’entremêle au vert émeraude de supportrices irlandaises. Dans le flot, des milliers de supporters, en famille ou entre amis, font de même, sourire aux lèvres, comme ce petit garçon qui tient néanmoins d’une main sa casquette sur la tête et de l’autre serre fermement celle de son papa.

De l’autre côté de l’arène, le bourdon des murmures des milliers d’amoureux de sport déjà arrivés ne cesse de grossir, quand soudain l’ovale du ciel apparaît au bout de l’escalier, puis les familles aperçoivent le vert de la pelouse, à leurs pieds, entourée par les pistes d’athlétisme de couleur mauve pour les J.O. de Paris.

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Nawal (à droite) a beaucoup apprécié partager ce moment de fête en famille et avec des voisines ©J-M. Rayapen / SPF

Venue avec ses quatre rejetons, Atimad, assistante de vie scolaire et animatrice pour enfants, laisse échapper sa stupeur : « Jamais je n’aurais cru venir un jour ici. Je n’ai pas les moyens de payer des billets pour toute la famille. D’habitude, c’est toujours à la télévision qu’on suit le sport. » Dans les gradins, le regard passe du ballet des fanions bleu, blanc, rouge qui vont et viennent à quelques Union Jack enroulés autour du cou des supporters prêts à le faire flotter dès qu’une athlète britannique sera présentée.

Dès la présentation des coureuses de steeple, dont les visages apparaissent sur grand écran, les applaudissements roulent et les encouragements fusent. Quand une sportive française s’aligne sur la ligne de départ, la clameur devient dantesque. C’est le même rituel quand les épreuves de haies commencent alors que, simultanément, les lanceuses de marteau tentent d’arracher leur qualification et qu’en bord de piste les sauteurs en longueur vont et viennent. « C’est bizarre : tout ce monde, ces couleurs, cette ambiance chaleureuse », lance la jeune Nawal, qui ne s’attendait pas du tout à ça.

Nawal invite ses petites soeurs au restaurant ou à la mer

La jeune fille est en alternance en BTS optique lunetterie. Elle travaille donc cet été. Mais même avec cet argent supplémentaire, la famille n’est pas partie en vacances ces deux dernières années. Nawal avance des difficultés d’organisation entre les examens scolaires de la fratrie, mais une chose est sûre : la famille ne roule pas sur l’or. La mère de Nawal est femme au foyer tandis que son père est valet de chambre dans un hôtel, après avoir longtemps travaillé dans le BTP. « Il faisait tout, le carrelage, la peinture, etc. »

En tant qu’aînée, Nawal aide ses frères et sœurs pour « qu’ils ne soient pas aussi frustrés » qu’elle plus jeune. Elle invite prochainement au restaurant sa sœur Maryam, 16 ans, pour fêter son anniversaire, « parce qu’on ne sort jamais sinon ». Et réfléchit à emmener la cadette, Arwa, quelques jours près de la mer, en Normandie.

Alors accéder aux Jeux olympiques, « c’est une excellente surprise, parce que l’ambiance est forte et que j’étais triste de ne pouvoir y assister alors que c’est chez nous que ça se déroule », raconte l’étudiante qui sait qu’elle touche un point que tout le monde peut ressentir. « C’est sûr que ce moment au Stade de France restera longtemps gravé dans leur mémoire, ne serait-ce que pour son caractère exceptionnel : les précédents J.O. de Paris, c’était il y a 100 ans », souligne – enthousiaste – Dylan, bénévole au Secours populaire et lui aussi habitant un HLM dans le 19e arrondissement de Paris.

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En plus des locataires, des personnes aidées du Val-de-Marne étaient venues, laissant éclater leur joie de soutenir les athlètes tricolores ©J-M. Rayapen / SPF

Comme la famille de Nawal, les autres membres de l’association de locataires partent peu en vacances, soit parce qu’ils sont isolés ou porteurs d’un handicap, soit par manque de moyens, même si la plupart perçoivent un salaire. Bien que faibles, ils dépassent souvent, de très peu, les plafonds sociaux, empêchant les familles de percevoir des aides sociales qui ne seraient pourtant pas du luxe. Ils se font discrets et se privent beaucoup.

Le rôle du Secours populaire n’est pas seulement d’accueillir les gens dont le frigo est vide ou qui n’ont pas de quoi se vêtir, mais de manière plus large de permettre la participation de tous à la société, ce qui suppose aussi d’accéder à des loisirs, aux soins, aux vacances, à leurs droits.

« Gagnant un peu plus que ne le prévoient les barèmes, ces locataires HLM ne se retrouvent pas dans les radars sociaux ; pourtant ils ont des problèmes pour envoyer leurs enfants en vacances, faire du sport ou même faire une sortie en famille, résume Christian Causse, membre du Bureau national du Secours populaire. La situation crée un grand malaise qui s’est exprimé ces dernières années, notamment dans le baromètre de la pauvreté et de la précarité réalisé par Ipsos pour le compte du Secours populaire.

Travailler à l’héritage des Jeux olympiques

« Nous recevons les gens dans la grande précarité mais aussi ceux qui sont juste au-dessus des barèmes sociaux afin d’évaluer leur situation et de voir avec eux quels sont leurs besoins », ajoute l’élu. Les moments vécus ce dimanche sont l’occasion de susciter l’envie de pratiquer un sport. Avec le concours de plusieurs partenaires, le Secours populaire aide des milliers d’enfants en offrant des licences sportives et du petit matériel permettant l’activité physique. « Nous souhaitons que ce soit cela l’héritage des Jeux olympiques », s’enthousiasme Christian Causse.

Peu avant la fin des sélections, vers 13 h, plusieurs athlètes français se sont alignés sur la piste des 400 mètres haies. À chaque fois, des dizaines de milliers de spectateurs laissaient exploser des vagues d’encouragements dont le roulement faisait vibrer tous les corps à l’unisson. En descendant des gradins, Nawal s’amuse d’avoir « pris plein de photos et appelé tout le monde ». Tandis que pour Atimad, « c’était magnifique ! Un beau spectacle ! » Sa voisine glisse : « Ça donne envie de revenir ! »