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« Le retour de la faim sur toute la planète »

Mis à jour le par Olivier Vilain
Que ce soit dans les quartiers populaires ou à 60 km de Périgeux, "on assiste à un écroulement des situations rencontrées par les personnes précaires", s'alarme Christine Bernard, secrétaire générale du SPF de Dordogne.

Crise alimentaire, crise sociale, « tsunami » de la faim : Sébastien Thollot, secrétaire national du Secours populaire chargé des questions alimentaires, répond à nos questions et revient sur l’appel lancé par les associations au soutien du Fonds européen d’aide aux plus démunis.

Sébastien Thollot, secrétaire national du Secours populaire chargé des questions alimentaires

Sébastien Thollot, secrétaire national du Secours populaire chargé des questions alimentaires

Des millions de gens ont faim. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ?

Le retour de la faim à la suite du confinement et de l’arrêt de l’économie mondiale est une situation inédite. Dans le monde, aucun pays n’est épargné. Même si la structure de la crise alimentaire est à chaque fois différente, celle-ci affecte aussi les pays dits riches, comme la France ou les membres de l’Union européenne. En France, 45 % des personnes à qui le Secours populaire a distribué en urgence des denrées étaient inconnues des bénévoles. Répondre aux besoins exprimés depuis la mi-mars représente un effort très conséquent pour le Secours populaire, qui doit en plus répondre à l’appel à l’aide de ses partenaires étrangers. 

Nous ne renonçons à rien ; même si la situation est tendue, nous continuons à pratiquer la solidarité en France et  à travers nos partenaires étrangers. Nous recevons depuis trois mois des appels d’urgence et de solidarité de la part de nos partenaires, du Mali au Salvador. Nous leur apportons notre soutien pour faire face à la crise sanitaire, dans l’esprit de ce qui a été décidé lors de notre congrès de la fin 2019 : nous voulons mondialiser la solidarité.

Loin d’en finir avec la faim, le monde assiste à son retour. Que fait le Secours populaire dans cette situation ?

La Journée mondiale de lutte contre la faim, le 15 juin, était un peu oubliée ces dernières années. Elle était effacée par d’autres enjeux, mais en fait elle met le focus sur  une réalité qui nous touche tous, de près ou de loin. Dans le cadre de cette journée, nous voulons alerter du niveau local à l’international, notamment sur les risques qui pèsent sur le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD). Avec les autres associations qui distribuent en France et en Europe cette aide, nous voulons faire entendre la voix des plus pauvres. Nous signons mercredi 17 juin avec nos partenaires un appel à soutenir l’aide alimentaire européenne, quelques jours avant que le Conseil européen se réunisse pour statuer sur l’avenir des fonds sociaux, dont le FEAD. 

Ces dernières années, le FEAD soutenait au moins 13 millions de personnes dans l’Union européenne, dont 5 millions en France à travers l’aide alimentaire. L’aide alimentaire est à la fois une porte d’entrée par laquelle les personnes en difficulté entrent dans le tissu associatif et une passerelle vers d’autres formes de solidarité. Avec l’aide alimentaire nous répondons à un besoin vital mais cela nous permet aussi de répondre à d’autres besoins, d’autres manques, d’autres aspirations qui sont exprimés à cette occasion, comme l’aide matérielle ou l’accès aux droits.

Les ressources des catégories populaires, des salariés en chômage partiel, des étudiants et des indépendants se sont effondrées à Grigny (Essonne), la ville la plus pauvre d'Ile-de-France, comme partout ailleurs.

Les ressources des catégories populaires, des salariés en chômage partiel, des étudiants et des indépendants se sont effondrées à Grigny (Essonne), la ville la plus pauvre d’Ile-de-France, comme partout ailleurs.

Pourquoi vous mobiliser, avec d’autres associations françaises et européennes, pour l’aide alimentaire européenne ?

Aujourd’hui, nous sommes sur  des niveaux de besoin encore plus importants avec la crise sanitaire, l’explosion de la faim et de la crise sociale. Face au risque de voir baisser le budget du FEAD, la position du Secours populaire est la même depuis 3 ans, depuis que nous avons eu connaissance de ce que les États membres de l’UE menaient entre eux des négociations sur le budget du FEAD et des autres fonds sociaux. Nous pensons qu’il est important de renforcer le programme européen de solidarité et nous pensons que le FEAD a, une nouvelle fois, prouvé son caractère indispensable avec la crise actuelle, qui est la pire depuis 1929. 

Il a permis de répondre dans l’instant à l’explosion des aides alimentaires, grâce aux stocks dont disposaient les associations. Il a servi de filet de sécurité. Ensuite, nous observons que le budget européen est en forte hausse en raison de la volonté des États de favoriser la relance économique. Nous voulons que cette hausse budgétaire se reflète également dans les fonds sociaux structurels, dont le FEAD. Nous sommes très mobilisés et nous ne pouvons pas nous contenter d’observer les évolutions, les négociations, les échanges des dirigeants européens. 

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