Émanciper
De Montpellier à Sarrebruck : Ismail, un jeune allemand engagé

Ismail Özgüc travaille à Sarrebruck pour une fédération d’associations du monde hospitalier, Der Paritätische, un partenaire du Secours populaire. Six mois après avoir participé au Festival des solidarités et de la jeunesse, à Montpellier, fin 2024, ce jeune Allemand revient sur ce que cette expérience lui a apporté.
Grand, blond, Ismail a ouvert ses grands yeux bleus sur tout un monde nouveau, pour ce jeune de 19 ans, lors du Festival des solidarités de la jeunesse. Celui-ci s’est tenu à Montpellier, du 1er au 3 novembre derniers. Il a réuni 350 jeunes bénévoles du Secours populaire et 62 partenaires issus de 26 pays, sans oublier 6 territoires ultramarins, autour du thème : « Osons agir ensemble pour une solidarité populaire. »
Des photos de ciel bleu, des étendue de sable: la Méditerranée
Rencontrer à Montpellier des jeunes de son âge venant d’horizons et de pays différents lui apparait encore précieux avec quelques mois de recul. Il est resté en contact avec « beaucoup de participants » de France comme des Philippines, à travers les réseaux sociaux. Le principal enseignement qu’il retire de son expérience à Montpellier est « qu’il faut maintenir dans nos société la respiration que représente le multiculturalisme ».
A près de 1000 kilomètres de sa ville de Sarrebruck, Ismail donnait l’impression d’être très à l’aise, s’exprimant très facilement en anglais, entrant en contact avec de nombreux participants du festival. Sur les bords de la Méditerranée, il a laissé libre court à sa curiosité. Le samedi matin, avant le début des ateliers du festival, il est allé marcher sur la plage. « J’ai pris un tramways en centre-ville, puis un autre, et au bout de 20 minutes, j’étais arrivé », racontait alors Ismail en montrant les photos de ciel bleu et d’étendue de sable prises quelques heures plus tôt. Ses parents sont kurdes. Ils sont nés dans l’est de la Turquie.

Ismail travaille pour Der Paritätische, une fédération regroupant 10 000 organisations, associations et groupements du secteur médico-social. La confédération a noué un partenariat avec le Secours populaire pendant l’été 2021 pour intervenir auprès de sinistrés à la suite des inondations ayant ravagé l’ouest de l’Allemagne et l’est de la Belgique.
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Depuis, Der Paritätische participe au baromètre européen de la pauvreté initié par le Secours populaire. Lors de la publication de la dernière édition, en septembre dernier, Ismail avait été frappé par des résultats indiquant que 60 % des Européens estimaient que les jeunes auront plus de difficultés à obtenir un emploi stable, 59 % un logement décent ou 50 % de bonnes conditions de travail. Autant d’éléments qui introduisent de plus en plus d’incertitude pour la qualité de la vie dans le futur et nourrit chez les jeunes un sentiment d’injustice. Ismail a ainsi été choqué de voir que les gens étaient très nombreux à se dire angoissés pour l’avenir. « Pour les jeunes, l’insertion professionnelle peut être difficile et les loyers deviennent de plus en plus coûteux. »
En temps ordinaire, Der Paritätische, « accueille pendant un an des jeunes qui ne savent pas encore vers quelle voie s’orienter après le lycée », explique Ismail. « Mon travail est de suivre ces jeunes, de répondre à leurs questions, etc. Je suis moi-même dans un cursus en alternance de deux ans d’études d’administration économique et sociale. » Avec l’aide d’Ismail, ces jeunes peuvent découvrir les métiers du social, comme les jardins d’enfants, l’hôpital, etc. Pendant cette année, ils sont bien sûr rémunérés. L’idée ici est double.
En plus d’aider les jeunes à s’orienter dans le monde de l’emploi, Ismail et ses collègues favorisent l’insertion professionnelle dans une branche qui manque cruellement d’employés. A côté des jeunes, la confédération accompagne également les reconversions professionnelles de travailleurs de tous âges. « Dans la Sarre, nous leur proposons aussi de travailler au sein des institutions comme le parlement régional ou les ministères de la région. »
Être confronté directement à des témoignages
Depuis 2021, le Secours populaire et la fédération de la Sarre de Der Paritätische se sont engagés dans des rencontres pour mieux connaitre leurs activités et les différents environnements dans lesquels les deux organisations évoluent. En octobre 2024, des membres du Secours populaire se sont rendus à Sarrebruck pour échanger sur les systèmes de minima sociaux des deux pays. Puis, ils ont visité des centres d’hébergement gérés par leur partenaire allemand. Ces structures sont destinées en général pour des personnes sans-abri. Une visite a aussi été faite dans un centre de sevrage qui accompagne de manière thérapeutique les usagers de drogue qui souhaitent décrocher de leur addiction. Une nouvelle rencontre est envisagée. Cette fois, ce sera le Secours populaire qui accueillera des membres de Der Paritätische.
« En venant au Festival des solidarités, il m’apparaissait intéressant de rencontrer des jeunes, comme moi, venant pour ainsi dire du monde entier, afin de mieux comprendre leurs problématiques et aussi de découvrir comment fonctionnent des associations comme le Secours populaire », raconte Ismail. Une fois sur place, il aussi particulièrement apprécié « l’atmosphère multiculturelle » dans laquelle il a baigné.
« J’ai notamment rencontré la délégation palestinienne et je retourne à Sarrebruck avec une conscience plus aigüe de ce qui se passe au Moyen-Orient », indique-t-il, en choisissant ses mots avec beaucoup d’attention : « C’est, en effet, une chose de lire des informations tous les jours sur un sujet ; et c’en est une totalement différente d’être confronté directement à des témoignages. »
« Les mouvements anti-migrants, je sais où ils peuvent mener »
Il est assez inquiet des tensions dans son pays. L’année qui vient de s’écouler en Allemagne avec la remontée du nationalisme lui apparait assez effrayante. « Je suis d’origine kurde. Je sais très bien où peuvent mener des mouvements qui s’opposent aux migrants. Ne pas le reconnaitre m’apparait comme un déni de l’histoire. » La situation s’est encore tendue depuis son retour dans la Sarre, à mesure que la crise économique s’aggrave.