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Face aux crises, le SPF déploie le Don’actions

Mis à jour le par Olivier Vilain
Son contrat précaire dans l’animation apporte à Sabine, certains mois, pas plus de 400 euros. Avec la hausse des prix, elle a beau chercher systématiquement «les prix les moins chers», elle vient chercher de l'aide auprès des bénévoles.

Jusqu’en mars, la campagne du Don’actions, la grande collecte nationale du Secours populaire français est encore plus importante que d’habitude. Reportage à Reims où les bénévoles doivent collecter encore plus que d’habitude car leur facture d’électricité va être multipliée par 4 cette année et que les gens qui ont besoin d’aide sont toujours plus nombreux.

Véronique et Patricia s’en rappellent comme de la ‘‘scène de la facture’’. Rien que d’y penser, elles en ont encore des suées. En fin d’année dernière, Véronique, la comptable, sort de son bureau et court, affolée, avec en main la facture prévisionnelle d’électricité pour 2023. Sans perdre de temps, elle entre dans celui de Patricia et lui tend la feuille. La secrétaire générale du Secours populaire français dans la Marne n’en croit pas ses yeux : c’est une explosion. Au lieu des 14 000 euros payés l’année dernière, la facture d’électricité va grimper à près de 60 000 euros.

Les deux femmes vérifient ensemble les chiffres. Elles joignent EDF, qui leur confirme qu’il ne s’agit pas d’une erreur, que la facture sera bien multipliée par 4. Les locaux de l’association ne sont pas devenus subitement une passoire thermique, ce qui est en cause est la flambée des prix. « Nous avions prévu une hausse de 20 %, mais le chiffre exact nous a d’autant plus surprises que nous avions réduit notre consommation », se rappelle Patricia qui déplore que « cet argent n’ira pas à la solidarité ». Depuis ‘‘la scène de la facture’’, les bénévoles étudient toutes les possibilités d’y faire face. « On veut éviter de réduire notre activité, pour faire des économies supplémentaires, alors que les besoins n’ont pas baissé depuis le printemps 2020 et que la hausse des prix met en difficulté un nombre croissant de gens. »

Une facture astronomique d’électricité pour le Secours populaire à Reims

L’une des solutions est d’augmenter les ressources de l’association à l’occasion de la grande collecte nationale du Don’actions, qui durera jusqu’à la fin mars. « Couvrir autant que possible nos frais de fonctionnement est justement l’objectif traditionnel de cette campagne. Ça lui donne encore plus d’importance cette année », explique Mohamed, responsable de l’accueil des personnes aidées à la permanence de Reims. Toutes les énergies sont mobilisées pour que cette campagne apporte « un peu d’oxygène ».

Lundi après-midi, il y a foule au libre-service alimentaire. Une file d’attente s’est formée dans le couloir. Sur les murs, une affiche est visible par tous et toutes : « Avez-vous reçu cette année votre chèque énergie ? » Béatrice, qui a « fait un peu tous les métiers » avant de partir à la retraite, refait ses comptes : « En un an, ma facture de gaz et d’électricité est passée de 83 à 173 euros par mois, alors que je ne chauffe qu’à 19 degrés. » Un budget très lourd pour ses 825 euros de pension. Les bénévoles qui l’accueillent se réjouissent de la revoir : « On s’inquiétait, on ne vous voyait plus ! »

La jeune bénévole Anaïs explique aux personnes aidées que le Secours populaire est lui aussi frappé par la hausse des prix et les encourage à participer au Don’actions pour lui donner les moyens d'agir.

La jeune bénévole Anaïs explique aux personnes aidées que le Secours populaire est lui aussi frappé par la hausse des prix et les encourage à participer au Don’actions pour lui donner les moyens d’agir.

Béatrice entre dans la grande salle où tout le monde contourne, à tour de rôle, les gros congélateurs placés au centre de la pièce. A chaque étape, un bénévole lui donne les denrées qu’elle choisit. Petit à petit, Béatrice compose son menu pour les quinze prochains jours : boîtes de tomates pelées, sardines, raviolis, compote de carottes, fruits… « Tiens je prendrais bien du café, oui, et du chocolat, s’il vous plaît. »

« Vous savez, on ne peut plus suivre les prix dans les magasins. Comment nourrir mes deux enfants alors que j’ai perdu mon travail de secrétaire depuis six mois et que j’ai divorcé après les confinements ? », interroge Raïda, qui est accompagnée par son amie Samira. Celle-ci vient, depuis que son mari est en invalidité, chercher de la nourriture et des vêtements : « Ça aide beaucoup pour les enfants. On n’a pas du tout compris pourquoi les prix ont monté comme ça. » Même chose pour Sabine, qui cherche systématiquement « les prix les moins chers », avec son contrat précaire dans l’animation qui lui apporte certains mois pas plus de 400 euros.

Les personnes aidées participent, elles aussi, à la campagne du Don’actions

A la fin de leurs courses, elles sont attendues par Anaïs. La bénévole leur explique que le Secours populaire est lui aussi frappé par la hausse des prix et l’intérêt du Don’actions. « Vous prenez un carnet comme pour une tombola et vous le proposez à votre entourage, dans votre quartier, pour soutenir nos actions de solidarité. » Peu acceptent. Les gens ont déjà beaucoup de problèmes à régler. « C’est une campagne toujours assez compliquée, constate Danièle, responsable du Don’actions dans la Marne. Il faut aimer parler à des gens qu’on ne connait pas forcément et parler d’argent en se sentant à l’aise. C’est assez rare. » Anaïs a plus de chance avec Galina ou le jeune Bolen. Ce dernier se dit même « motivé pour faire du porte-à-porte ».

Les bénévoles préparent plein d’actions de collectes jusqu’en mars et même au-delà. « On réserve déjà des salles pour les représentations théâtrales que nous projetons pour l’édition 2024. Si on veut de la place, c’est maintenant qu’il faut s’y prendre », explique Danièle. Une équipe s’apprête à collecter deux jours plus tard au départ du rallye historique de Monte-Carlo. « On collecte dans le Parc des expositions parmi les badauds venus admirer les voitures de collection ; ça marche très bien, l’année dernière ils nous avaient pris plus d’une centaine de tickets-dons », dit avec fierté Jean-Marie, qui est dans les préparatifs.

«Bonjour, on collecte de l’argent pour le Secours populaire, avec un ticket-don vous l'aiderez à apporter de l’aide aux personnes qui en ont besoin.» Membres de Copain du Monde, Andréane, Alice et Anselme se démènent place Drouet-d’Erlon.

«Bonjour, on collecte de l’argent pour le Secours populaire, avec un ticket-don vous l’aiderez à apporter de l’aide aux personnes qui en ont besoin.» Membres de Copain du Monde, Andréane, Alice et Anselme se démènent place Drouet-d’Erlon.

Le club Copain du Monde du lycée Saint-Joseph vient lui aussi prêter main-forte. La sonnette retentit dans la cour. Anselme, Alice, Andréane, Kenza, Marie-Astrid franchissent les grilles, avec tous un gilet bleu foncé avec la main ailée du Secours populaire, et se dirigent vers la place Drouet-d’Erlon, la grande place du centre-ville, accompagnés par Justine, l’éducatrice qui s’occupe du club. Kenza explique aux passants : « Bonjour, on collecte de l’argent pour le Secours populaire, si vous prenez un ticket-don vous aiderez l’association à apporter de l’aide aux personnes qui en ont besoin. »

Ça marche bien. Andréane, accompagnée d’Alice, plus timide, aborde Erwan, lui aussi lycéen, qui attend devant des restaurants en écrivant des textos. « Je vous en prends un, y a des gens qui auront bien plus besoin que moi de ces 2 euros », dit-il en sortant son portefeuille. « On est contentes que ça ait marché du premier coup ! », se réjouit Andréane. Anselme les rejoints : « On vous en a pris un ? Moi, cinq d’un coup ! » Les deux filles se regardent, interloquées. A deux pas, Marianne, la passante qui a parlé avec Anselme, est encore là. Elle explique son geste. « Je le fais parce que je connais le Secours populaire depuis longtemps et ça me parait important d’encourager des jeunes qui s’initient à la solidarité alors que de plus en plus de gens ont besoin d’aide. »

Les « Copain du Monde » collectent avec malice dans les rues du centre-ville

Ils sont motivés. C’est la première fois qu’ils arpentent la rue avec des carnets de tickets-dons, mais ils avaient déjà participé, le mois précédent, à la campagne des Pères Noël verts. « On avait placé des tirelires chez les commerçants », rappelle Kenza. Tandis que Andréane lance, avec le sourire, à une vieille femme qui traverse la place, un peu surprise : « Est-ce que ça vous dirait de gagner une croisière en Méditerranée ? » Après les collectes de rue, les jeunes de Saint-Joseph iront dans les semaines suivantes déposer des troncs de collecte chez les commerçants désireux de participer au Don’actions.

Au siège local de l’association, Patricia refait les comptes : « On a déjà fait toutes les économies possibles sans diminuer notre activité : on a remplacé toutes les ampoules par des LED, les radiateurs sont coupés le soir, on privilégie les escaliers plutôt que l’ascenseur », dit-elle emmitouflée dans sa doudoune, car le chauffage a été abaissé à 17 degrés. Pour le moment, la structure ne peut pas bénéficier du bouclier tarifaire. « Une nouvelle aide de l’Etat est apparue, on va soumissionner, mais c’est un travail de dingue. » Pour le moment, les bénévoles ne savent toujours pas s’ils devront couper l’une de leurs deux chambres froides…

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