Les Français et les vacances

Du sondage Ipsos-Secours populaire « Les Français et les vacances » se dégagent deux idées fortes. Les vacances sont une nécessité pour l’équilibre des individus (et, partant, pour l’amélioration des rapports avec les autres). La perception que l’on a des vacances, liée à la possibilité d’en jouir, dépend des conditions socio-économiques.

Retour de Hollande en août 1981. Le SPF et l’association Europa Kinderhulp ont tissé un partenariat durable qui permet à des enfants de séjourner dans des familles de vacances aux Pays-Bas.

Les chiffres du sondage traduisent avant tout un attachement profond des Français aux vacances, ressenti avec la force de l’évidence : 84 % des personnes interrogées (89 % pour ceux ayant un enfant ou plus) jugent que partir au moins une fois par an est essentiel et seules 16 % considèrent cela comme secondaire. Qu’en est-il de ce besoin de décompresser, de s’extraire des obligations quotidiennes, pour un temps, même bref (selon l’Insee, on peut parler de vacances si au moins quatre nuits consécutives ont été passées en dehors de chez soi) ? Rompre avec le quotidien permet de surmonter le stress et les contrariétés, de prendre soin de son corps. Jean Epstein psychosociologue, note qu’« en vacances, on prend son temps, on n’est plus obligé de calculer au plus juste. On jouit d’une liberté bridée le reste de l’année. En n’évoluant plus dans son environnement habituel, le vacancier présente aux autres un visage différent ; il acquiert une nouvelle identité et porte un regard neuf sur lui-même. » Les propos du chercheur trouvent écho dans les réponses des sondés qui considèrent que ne pas partir en vacances a ou aurait des conséquences importantes sur leur vie de famille (62 % et 72 % dans les foyers comptant au moins un enfant de moins de 18 ans), leur vie professionnelle (48 %), leur vie sociale (48 %), leur vie sentimentale et sexuelle (45 %).

Les vacances riment souvent avec farniente (séances de bronzage après bain de mer), mais aussi avec culture. Si partir est pour les adultes un besoin, pour l’enfant c’est une nécessité dans la construction même de sa personnalité et de son être social. Les réponses relatives à cette question sont sans ambiguïté : les sondés déclarent qu’il est essentiel ou important pour l’enfant de découvrir d’autres horizons (95 %), d’aiguiser sa curiosité (94 %), de se retrouver avec ses parents, ses soeurs et frères (91 %), de découvrir de nouvelles activités culturelles, sportives (90 %), de rencontrer d’autres enfants (84 %) et même de réussir à l’école (79 %). Jean Epstein résume ainsi ces apports positifs chez l’enfant : « Il découvre un monde qu’il ne connaissait pas, perçoit ses parents sous un jour nouveau. À l’école, il est l’égal de ses camarades et peut conter les aventures vécues ; de plus, il se construit une mémoire à partir de souvenirs qui l’accompagneront toute sa vie. »

Les vacances constituent un cadre propice à l’exercice de l’éducation populaire dispensée par le Secours populaire français tout au long de l’année (ateliers d’écriture, visites de musées et de sites, concerts, etc.).
L’enquête 2014 du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) souligne que 80 % des visiteurs d’un musée ou d’une exposition sont partis en vacances au cours de l’année précédente, preuve de l’importance de plages de décompression propres à titiller la curiosité des petits et des grands.

Cependant, la réalité dévoile de grandes disparités entre catégories sociales. Si, selon le sondage Ipsos-SPF, 54 % des foyers dont la personne de référence est un cadre jugent essentiel de pouvoir prendre des vacances au moins une fois l’an, cette proportion tombe à 36 % dans les foyers où le référent est un ouvrier et à 30 % là où il n’exerce aucune activité professionnelle. Ces données corroborent l’idée trop souvent répandue que les vacances sont faites pour les riches. De fait, en filigrane, cela révèle que le niveau de vie influe sur la place accordée aux vacances. Au milieu des années 1990, 66 % de personnes partaient en congés, un taux qui baisse à 52 % en 2008 en pleine crise économique pour remonter à 60 % en 2011, selon le Credoc. Au-delà des impressions, les ménages sont confrontés à cette réalité : il faut des moyens pour pouvoir partir. Ainsi, en 2014, seules 40 % des personnes ayant un revenu inférieur à 1 200 euros ont pu quitter leur domicile, contre 86 % de celles aux revenus supérieurs à 3 000 euros. On le voit : plus que la catégorie sociale, c’est bien le revenu qui agit, en une forme d’autocensure, sur la décision de prendre des vacances, voire seulement de l’envisager. Une pension de retraite convenable ouvre mieux la route des loisirs qu’un salaire proche du minimum ; et un foyer avec enfants où entrent deux salaires est plus susceptible de satisfaire au besoin de partir que, par exemple, un autre devant vivre avec un Smic ou une famille monoparentale recevant des prestations sociales. Dans le même sens, le Credoc relève que 50 % des handicapés ne jouissent pas de congés : les aides à la personne et aux accompagnants sont insuffisantes et les lieux de villégiature souffrent d’un déficit d’équipements : l’association Tourisme et handicap répertoriait, en 2012, 5 300 sites adaptés pour ce public sur un total de quelque 600 000 lieux touristiques. Par ailleurs, seules 43 % de personnes ne possédant pas de voiture prennent des vacances, contre 60 % pour ceux qui en disposent. Les personnes qui franchissent le seuil d’un comité du Secours populaire le font d’abord pour une aide alimentaire ou vestimentaire (2,1 millions en 2014), et les congés ne font pas partie de leurs préoccupations premières, ni à court ni à moyen terme. L’association, consciente de l’importance des vacances dans la vie sociale, notamment chez l’enfant, a dès sa création fait de l’accès aux vacances l’objet d’une des cinq grandes campagnes annuelles rythmant ses actions. Ainsi, en 2014, près de 160 000 personnes ont pu jouir de plages de repos.

1 français sur 4 veut soutenir la campagne vacances du SPF

À l’intention de ceux qui ne connaissent pas la joie de partir après le 15 août, le SPF a instauré la Journée des oubliés des vacances. Pour faciliter le départ des personnes en difficulté et compte tenu des coûts élevés (transports, séjour, etc.), l’association a noué des partenariats avec des organismes publics, des entreprises et des comités d’entreprise. Donateurs et bénévoles occupent une place importante dans le dispositif. Il est encourageant pour le Secours populaire de constater qu’un Français sur quatre, dans la tranche d’âge de 16 à 75 ans, envisage de soutenir concrètement la campagne vacances du SPF, en aidant bénévolement ou en accueillant un enfant (13 %) ou encore en faisant un don (12 %). Ces réponses montrent que la solidarité active et efficace de l’association pour le droit aux vacances est reconnue et appréciée par nos compatriotes.

La profusion de films réalisés depuis la loi de 1936 montre, si besoin était, l’importance des congés dans la marche de la société, des Dernières vacances de Roger Leenhardt en 1948, aux Vacances du petit Nicolas de Laurent Tirard en 2014, en passant par Les Vacances de monsieur Hulot de Jacques Tati. En ce 80e anniversaire de la loi sur les congés payés, les réalisateurs Mourad Laffitte et Laurence Karsznia ont retracé à travers un film mêlant archives et images contemporaines la grande histoire des actions menées par le Secours populaire pour l’accès aux vacances. Que les vacances soient une nécessité est une évidence que résume une femme partie avec le Secours populaire : « Quand on revient, les problèmes sont toujours là, mais on ne les voit plus pareil. »

Ce rapport a été élaboré dans le respect de la norme internationale ISO 20252 « Études de marché, études sociales et d’opinion ». Comme pour toute enquête quantitative, cette étude présente des résultats soumis aux marges d’erreur inhérentes aux lois statistiques.

Été 1936. Des gares bondées. Des trains pleins à craquer. Huit décennies plus tard, il reste la joie des familles ouvrières lors de leurs premiers congés payés immortalisée par les photographies d’Henri Cartier-Bresson et de Willy Ronis.