Au pays des abeilles, les enfants du SPF sont rois

Depuis quelques années maintenant, Josette et son équipe de bénévoles organisent des ateliers à la fois ludiques et pédagogiques. Ainsi le temps d’une après-midi ou d’une journée entière, des enfants sont invités à s’ouvrir sur le monde. Ce jour-là, avec une quinzaine de participants, c’est la vie des abeilles qui est le sujet retenu.

« Réenchanter la vie, voilà l’objectif des ateliers que nous organisons une fois par mois pour les enfants qui sont aidés par le Secours populaire. C’est ambitieux mais c’est important de leur ouvrir les portes du monde » : voilà comment Josette Eraud résume sa mission bénévole à l’antenne de Nantes du SPF depuis plusieurs années. Mises en suspens depuis presque deux ans à cause de la pandémie, les activités reprennent pour le plus grand plaisir des familles. Cours de cuisine, sorties au musée, ateliers créatifs, journées à la mer, visite d’usines de confiture ou de fromage s’enchaînent depuis plusieurs années… Les thèmes et les lieux sont variés et, bien souvent, ce qui remporte le plus de succès, ce sont les ateliers où enfants et parent se retrouvent ensemble, comme celui de la cuisine par exemple. Bien que l’information sur cet atelier dédié aux abeilles ait été donnée quinze jours avant, le nombre de participants est toujours un peu une surprise pour les organisateurs.

« Réenchanter la vie, voilà notre objectif »

Mais à 14 heures, les bénévoles et les stagiaires voient arriver Yassine accompagnée de son papa. Un peu timide, elle hésite à entrer dans la salle où tout est installé pour l’atelier de décoration des ruches. Très vite, d’autres enfants la rejoignent et son visage se détend. Une fois tous les enfants regroupés, Josette prend le temps de leur expliquer le déroulé de l’après-midi. « Nous allons faire deux groupes car aujourd’hui vous êtes nombreux. Le premier ira avec Laetitia écouter un conte sur la vie des abeilles tandis que le second ira avec Anne pour découvrir un exposé sur les dangers qui menacent les abeilles. Une fois ces deux activités terminées, vous viendrez décorer des ruches et rencontrer un apiculteur ». Laetitia, animatrice aux Francas et régulièrement présente lors des ateliers, installe son groupe dans une petite salle et, livre en main, commence la lecture du conte « Amanda l’abeille ».

Amanda est une reine parmi les abeilles. Mais dans sa ruche, la place est déjà prise. Conseillée par ses nourrices Lila, Lili et Lilou, et accompagnée de ses sœurs les plus fidèles, elle part explorer le vaste monde pour construire sa propre colonie. Lors de sa mission, elle devra affronter tous les dangers : surproduction agricole, pesticides, pollutions sonore et lumineuse de la ville. Une histoire destinée à sensibiliser les enfants aux questions environnementales. Laetitia installe le décor de son histoire avec Lila, Lili et Lilou disposées à ses pieds. Amanda au bout de son index qui vole dans la pièce tente de déjouer les pièges de cette nature parfois hostile. Une petite mise en scène qui semble fonctionner et captiver les plus jeunes comme les plus grands. Tous écoutent avec beaucoup d’attention cette histoire qui se termine bien, puisqu’Amanda finit par trouver un champ ou s’installer et poser sa ruche.

Une vingtaine d’enfants accueillis par le Secours populaire de l’antenne de Nantes ont découvert en un après-midi le monde des abeilles et leur importance dans la nature.

Ali, le plus jeune du groupe, 3 ans à peine, est le seul qui a du mal à suivre jusqu’au bout cette lecture. Se frottant souvent les yeux, il baille beaucoup. Mais quand les familles inscrivent toute une fratrie, il est difficile de ne pas accepter le petit dernier, expliquent les bénévoles. « Cela ne nous pose pas de problème, nous savons nous adapter à toutes les situations ». Dans la salle d’à côté, Anne, bénévole et ancienne directrice d’école, accueille le second groupe pour lui présenter une exposition sur la vie des abeilles. Plusieurs panneaux réalisés par le CETA 44 (Centre d’Étude Technique Apicole de Loire-Atlantique) et un lycée agricole offrent une belle présentation du travail effectué par les abeilles ainsi que leur rôle dans l’écosystème.

C’est ainsi que les enfants découvrent que les abeilles sont des insectes et qu’elles fabriquent du miel mais, surtout, que le nectar ressemble à du sucre et que sans les fleurs il n’y a plus de miel ! Tous disent avoir entendu parler du danger qui menace cette espèce, notamment à la télé. Après cette petite demi-heure en compagnie d’Anne, tous repartent avec des dépliants réalisés par le CETA 44 ainsi qu’un joli badge reprenant les couleurs de la brigade de l’environnement, dont la mission est la sauvegarde des abeilles. « Avec cette exposition très bien illustrée, les enfants ont appris beaucoup de choses sur les abeilles et sur la fabrication du miel. C’est une amie qui la met à disposition du SPF », explique Anne à l’issue de son exposé.

Une démarche d’éducation populaire

Une fois cette première partie de l’atelier terminée, tous se retrouvent dans une grande salle où tout a déjà été préparé en amont, nappes de protection, pots de peinture, pinceaux et pochoirs. Des ruches en bois sont installées sur chacune des tables ainsi que des pots de peinture de plusieurs couleurs. Mais avant que chacun se lance dans la décoration des ruches, Josette et Jérôme Courtin l’apiculteur, qui organisent cet atelier, prennent cinq minutes pour donner quelques informations pratiques aux participants. « Ces ruches que vous allez décorer serviront à la fabrication du miel par des abeilles. Mais pour que celles-ci fassent du bon miel, il faut que les ruches soient belles et colorées. Alors n’hésitez pas à mettre de la couleur et à faire de beaux dessins », précise l’apiculteur dont l’activité est une reconversion professionnelle. Ancien salarié de la Française des jeux et résidant en Île-de-France, il est arrivé à Nantes en ayant envie de changer de vie et de s’engager dans un processus solidaire et proche de la nature.  C’est pourquoi il fait réaliser les ruches par des travailleurs handicapés d’un ESAT, qu’elles sont ensuite décorées par des enfants du SPF et mis en pot par des détenus ou des résidents d’un autre ESAT.

Attentifs et précautionneux, les enfants décorent à la gouache, et du mieux qu’ils peuvent, les ruches qu’ils ont découvert à travers une série d’ateliers.

Un projet qui, du début jusqu’à la fin, associe de nombreux acteurs dans une chaîne solidaire. Pour Danielle Alexandre, la secrétaire générale du SPF de Loire-Atlantique, un tel projet « s’inscrit pleinement dans la démarche d’éducation populaire portée par le SPF depuis toujours. Tous ces acteurs travaillent ensemble pour un projet commun. Et puis les enfants s’amusent tout en s’enrichissant. Cela correspond à notre démarche d’accompagnement scolaire portée depuis des dizaines d’année au sein de nos fédérations ».Nini et Dama, âgés de 5 et 8 ans, prennent le temps de réfléchir à ce qu’ils vont peindre. Très vite ils choisissent des fleurs, des arbres, des abeilles et un immense soleil qui brille. « Pour faire du miel, les abeilles ont besoin de butiner des fleurs, c’est pourquoi je vais peindre des fleurs », explique Nini qui a bien retenu les explications d’Anne. D’origine albanaise, les deux enfants sont aussi entourés de leur maman qui s’initie elle aussi aux travaux manuels.

Bien décorer les ruches permet d’avoir du bon miel

Dama avait déjà entendu parler des abeilles lors d’une sortie scolaire de fin d’année au Jardin des plantes de Nantes. Concentrée, elle s’inspire des illustrations du dépliant et s’applique du mieux qu’elle peut. Pour Nadine, le choix s’est porté sur un bel arc-en-ciel de toutes les couleurs tandis que Salim, Amine et Yassine réalisent une bande-dessinée qui raconte l’histoire d’une colonie d’abeilles attaquée par des monstres. Ce jour-là, la créativité est au rendez-vous et en moins d’une heure, toutes les ruches sont très joliment décorées. Le papa d’Ali et de Mosab est très fier du travail réalisé par ses deux garçons. D’ailleurs, il les a beaucoup filmés avec son téléphone pour immortaliser cette journée et la partager avec sa femme en rentrant. « Elle n’est pas venue car il y a encore un petit à la maison qui ne peut pas rester seul. Alors on lui montrera la vidéo ce soir. Je crois que cela va lui plaire », explique-t-il aux bénévoles.

En juin la récolte se fera avec le SPF

Comme le précise Josette, une fois que la peinture sera sèche, l’apiculteur reviendra reprendre ses ruches pour les installer à Héric, à une trentaine de kilomètres du centre de Nantes. Elles rejoindront les 300 ruches du rucher du Champoivre. Pour clore cet atelier, un goûter réunit parents, enfants et bénévoles. L’occasion pour Jérôme Courtin de faire un petit cadeau à chaque enfant : tous repartent avec une petite bougie en forme d’animal et fabriquée en cire d’abeille. Nadine, au regard pétillant et espiègle, est la dernière à partir. Elle se dit très heureuse de cet atelier. « Je me suis bien amusée et j’ai aussi appris beaucoup de choses. Demain, en classe, je vais en parler à ma maîtresse et lui montrer la documentation que l’on m’a donné. »  Ce premier rendez-vous avec l’apiculteur n’est que le point de départ d’un projet plus vaste pour les enfants et le SPF. En effet, les enfants aujourd’hui présents ont rendez-vous au rucher du Champoivre à la mi-juin pour récolter manuellement le miel des ruches. Une autre belle journée en perspective pour tous ceux qui répondront présents. L’idée d’organiser un pique-nique est même à l’étude. Affaire à suivre.