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A Privas, accompagner après la prison

Mis à jour le par Olivier Vilain
Jean est un bénévole apprécié de la fédération d'Ardèche du Secours populaire. Celle-ci l'aide après sa peine de prison inférieure à un an.

A la fédération de l’Ardèche du Secours populaire, l’équipe a mis un appartement à la disposition de Jean, qui a purgé une peine de prison. Un épisode « qui vous brise à un point que personne ne peut imaginer ». De la gentillesse, ainsi qu’un suivi attentif et bienveillant lui sont apportés. Dans ce cadre, il est devenu un bénévole apprécié.

A l’étage du local de la fédération d’Ardèche du Secours populaire, Jean range des puzzles, des jouets de toutes les couleurs, des lampes en bois, des assiettes décoratives… C’est à la fois le règne du kitch et la caverne d’Ali Baba. « Je m’occupe de la brocante, je fais comme tous les bénévoles : le ménage, les déménagements, la préparation des repas de fête… »

Il y retrouve une équipe qu’il apprécie. « Rien ne m’oblige à venir ici, si je viens c’est que je m’y sens bien. » Avec son poste de cariste dans une entreprise d’insertion, ses horaires de travail ne lui permettent pas toujours d’être aussi présent qu’il le souhaiterait. Après chaque période d’absence, « les poignées de mains » et « les étreintes » des autres bénévoles sont vraiment chaleureuses. « Au départ, ça m’a fait bizarre. J’ai presque cru qu’ils avaient tous fait une ‘‘formation’’ de gentillesse », s’amuse-t-il.

« Jusque-là, j’avais subi beaucoup de violence »

Toute cette attention et ces relations positives contrastent avec les autres périodes de la vie de cet homme de 53 ans. « Je me suis rendu compte que jusque-là j’avais subi beaucoup de violence. » La dernière en date, une incarcération de 10 mois à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, suivie de 2 mois de bracelet électronique. « A l’énoncé du verdict, vous ne pouvez pas comprendre que ce qui se passe derrière les murs d’enceinte équivaut à deux, trois, quatre fois la peine officielle. »

Il décrit – à la suite de nombreux anciens détenus, d’associations et de sociologues – un univers très éloigné de sa mission première : préparer la réinsertion. Les humiliations continues. « La première fois qu’un surveillant m’a apporté un rasoir, du tabac, un savon, il a tout jeté par terre. » La surpopulation, les confrontations avec les autres détenus. « Il ne faut pas faire de vague, mais parfois il faut s’imposer sinon c’est foutu. » Le manque de liberté. « Dans la cours, tu fais des pompes pour passer le temps. Tu t’inscris aux ateliers de travail, moi c’était en cuisine. »

Autre problème, « les humiliations continuent après la sortie ». Celle-ci n’est le plus souvent pas préparée par l’institution, faute de moyens. C’est un des effets de la construction de nouvelles prisons et du durcissement de la politique carcérale depuis le début des années 2000. « A la sortie, vous n’avez souvent plus de logement, vous n’avez pas de ressources, vous devez tout recommencer même les démarches auprès de la Sécurité sociale. Ça vous achève. » A cause de ce processus institutionnel, une personne sans domicile fixe sur cinq est passée soit par la prison soit par un hôpital psychiatrique.

Un logement pour éviter la rue

Jean a évité la rue grâce à la mise à disposition par le Secours populaire d’un logement temporaire. L’appartement est situé au rez-de-chaussée d’un ensemble HLM. La lumière du balcon baigne le séjour,  équipé très sobrement : une télévision cathodique, une étagère avec plusieurs dizaines de cassettes vidéo ; un canapé, des fauteuils ; une table basse sur laquelle trône un petit aquarium. « C’est mon home-cinéma. J’adore regarder mes poissons. »

« Jean s’est retrouvé dehors, sans rien. Nous l’avons fait entrer dans l’un des logements temporaires que nous confient des bailleurs sociaux depuis 1994, le temps qu’il reprenne pied », souligne Edwige, bénévole au Secours populaire, qui a développé une relation de confiance avec Jean. « C’est simple, il serait impossible pour moi de retrouver une vie normale sans le Secours populaire », résume-t-il, ajoutant que le libre-service alimentaire lui permet de compenser en partie la faiblesse de ses ressources : 450 euros de RSA. Le soutien après la sortie est d’autant plus indispensable que les détenus sont souvent pauvres, c’est l’enseignement principal de l’enquête la plus récente de l’Insee, qui date quand même de 2002. Elle est corroborée par de nombreuses observations.

La population carcérale est très majoritairement issue des catégories populaires, et même souvent de la frange la plus précaire. Les trois quarts ont quitté l’école avant 18 ans ; « ce qui les condamne (…) aux secteurs périphériques de la sphère de l’emploi », remarque le sociologue Loïc Wacquant (Punir les pauvres, 2004). Un détenu sur sept n’a jamais exercé de métier et un sur deux est ouvrier. A la sortie, plus du quart ne dispose même pas de 15 euros en poche pour faire face aux frais inhérents à la libération.

Une vie en reconstruction

Dans le cocon de son appartement, Jean peut se reconstruire. Il a fait beaucoup de métiers, y compris directeur de colonie, et a vécu une vie de famille ordinaire dans un pavillon dont il était le propriétaire. Cet homme en pleine reconstruction se projette progressivement dans l’avenir, tente de nouer des liens, de passer son permis auto et cherche activement du travail.

Comme beaucoup de personnes dans son cas, l’incarcération l’a coupé de sa famille : son fils, principalement. « Le passage par la case prison, surtout pour les courtes peines (de moins d’un an), coupe très souvent le lien avec l’entourage familial ou amical. De ce point de vue aussi, les sortants repartent sur le chemin de la vie, mais de plus bas », détaille Michèle, qui  intervient à la maison d’arrêt de Privas en tant que membre de l’Association nationale des visiteurs de prison.

A Privas, le Secours populaire intervient aussi en prison pour aider les familles démunies lors des visites, apporte des cadeaux à Noël et permet à certains d’effectuer des peines alternatives dans ses permanences (les travaux d’intérêt général). Cette présence et cet accompagnement auprès de Jean et d’autres détenus à la vie précaire profite à toute la société.

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