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A Mayotte, l’urgence est toujours d’actualité

Mis à jour le par Anne-Marie Cousin
Le 27 décembre, la mission a apporté une aide matérielle aux membres de l'association Horizon.©Nelson Navin/SPF

Une semaine après le passage du cyclone Chido sur Mayotte, le 101e département français, une mission du Secours populaire s’est rendue sur place. Conduite par Christian Lampin, elle se composait d’une médecin du SPF, d’un responsable ayant déjà conduit une mission d’urgence après Irma et d’une personne ressource sur les questions de l’enfance. Rentrée le 27 décembre, nous avons recueilli le témoignage du chef de mission.

Trois semaines après le passage du cyclone Chido à Mayotte, quelle est la situation sur place? Comment vivent les Mahorais aujourdhui?

Tout est difficile. Le cyclone n’a fait qu’aggraver une situation déjà extrêmement précaire. Avant cette catastrophe, de nombreux Mahorais n’avaient accès à l’eau qu’une fois par semaine. Aujourd’hui tout est compliqué pour la vie quotidienne, les déplacements sont quasi impossibles, l’essence manque cruellement. Il faut attendre 2 heures et demie pour obtenir un bidon d’essence, la nourriture manque et dans de nombreux endroits de l’île des sinistrés attendent encore de l’aide. Les dégâts matériels sont immenses et les problèmes de déblaiement se posent partout. Malgré les images de désolation, la vie semble néanmoins reprendre. On entend quotidiennement le bruit des marteaux des habitants qui reconstruisent des abris de fortune avec des matériaux récupérés ici et là. En effet, la saison des pluies approche et les habitants doivent se protéger. Une grande partie des personnes vivant dans les bidonvilles ont tout perdu et ceux qui ont la chance de vivre dans des structures en dur ont aussi été très impactés. La rencontre avec nos partenaires sur place nous fait craindre que les semaines et les mois à venir soient extrêmement compliqués.

Quels étaient les objectifs de cette première mission durgence à Mayotte?

Dans un premier temps, nous avons pu apporter une aide matérielle, avec des pompes à eau, des téléphones, des antennes satellites, des batteries solaires et des pastilles de purification d’eau. Ensuite, comme après chaque urgence, nous avons rencontré nos associations partenaires mahoraises ainsi que notre partenaire à la Réunion. Nos différents rendez-vous nous ont permis d’identifier certains besoins mis en lumière par l’association Horizon basée à Tsingoni et l’association AEJM (Association des étudiants et des jeunes de Mayotte) située à Dembéni. La première se mobilise essentiellement sur les problématiques liées à l’enfance, notamment l’accès à l’éducation. Sujet déjà problématique sur l’île car avant la catastrophe l’accueil des élèves ne se faisait que par demi-journée, les structures étant insuffisantes. Notre second partenaire, l’AEJM, qui agit auprès des étudiants, se propose de mettre en place des aides scolaires pour que les élèves puissent poursuivre au mieux leur scolarité, ceci en attendant que les écoles ouvrent à nouveau. L’autre volet de solidarité que nous allons mettre en place concerne l’accès à l’eau, à l’énergie et à l’alimentaire. Des bénévoles de l’association Horizon ont très vite su organiser des distributions par le biais de maraudes dans des quartiers très isolés. Une aide nécessaire et indispensable. Ces actions, nous allons les poursuivre tant que l’urgence sera d’actualité.

La situation sanitaire semble être extrêmement difficile. Avez-vous des projets sur ce volet?

Oui, nous allons aussi développer ce volet. Avec nous, nous avions une gynécologue à la retraite, membre de notre réseau des médecins du Secours populaire. L’idée est que nos deux associations partenaires, qui agissent sur la santé, l’un avec un véhicule de prévention santé et le second qui sensibilise sur les questions de sexualité, puissent poursuivre leurs activités. La question de l’accès aux soins est essentielle, notamment en cette période où les risques épidémiques sont importants. Les gravats, débris et ordures qui ne sont pas enlevés et qui parfois sont brûlés par les habitants eux-mêmes posent également des problèmes. Les risques sanitaires sont nombreux après une telle catastrophe. La consommation d’eaux polluées ou d’aliments avariés fait craindre l’émergence de maladies contagieuses. Ce sont des situations auxquelles il faut être attentif.

Vous étiez sur place durant une semaine. Les Mahorais que vous avez rencontrés sont dans quel état desprit?

Nous avons rencontré beaucoup d’hommes et de femmes qui ont tout perdu mais qui ne perdent pas espoir. Une solidarité entre les gens s’organise, ceux qui le peuvent organisent des distributions de repas, ou des maraudes, comme les bénévoles de l’association Horizon. La vie semble reprendre son cours normal. Les maisons se reconstruisent, les enfants espèrent reprendre l’école. Nous avons rencontré un agriculteur qui attend de pouvoir à nouveau cultiver son champ, même si pour l’instant il n’a plus de graines ni de semences. Je pense aussi que pour beaucoup la crainte soit d’être oublié, et lorsque j’ai quitté la mère du bénévole de l’association AEJM qui nous avait hébergés pendant notre séjour, elle m’a dit de faire passer ce message en métropole : « Il faut continuer à crier pour Mayotte. »

Une deuxième mission devrait partir bientôt. Pouvez-vous nous dire ce quelle sera son objectif?

Elle devra poursuivre son action d’urgence auprès des sinistrés, mais aussi réfléchir au développement de notre logistique pour continuer à apporter une aide matérielle. En effet, plusieurs pistes sont possibles, acheter sur place, acheminer par containers des produits de la Réunion. Installer des lieux de stockages sécurisés est aussi une question qui se pose. Il faudra aussi permettre à nos associations partenaires de poursuivre leurs actions de solidarité comme les maraudes. Elle devra également organiser une rencontre entre des agriculteurs et nos partenaires pour que des actions sur ce volet se mettent également en place, et cela rapidement car la saison des pluies approche. L’ampleur de cette catastrophe, sur une île déjà fragilisée, implique une aide d’urgence sur du long terme. L’heure de la reconstruction n’est pas pour tout de suite malheureusement.

Mobilisation des bénévoles pour Mayotte

Comme toujours les bénévoles du Secours populaire ont immédiatement répondu à la détresse des Mahorais. Partout sur le terrain, des collectes aux troncs ont été organisées, comme dans les Yvelines, à Trappes et auprès des salariés de Bouygues à Guyancourt. Profitant de leur présence sur des marchés de Noël, les enfants « Copain du Monde » de Fenouillet en Haute-Garonne ont collecté pour les victimes du cyclone Chido. Dans l’Orne, des troncs ont été déposés chez les commerçants. En Seine-et-Marne, le Secours populaire, en plus de ces actions de collectes dans les lieux publics, a aussi débloqué 5 000 euros de son fonds d’urgence. À Marseille, l’Olympique de Marseille a vendu aux enchères les maillots du match les opposant à Saint-Etienne fin décembre pour aider les Mahorais. Les fonds de la vente ayant été intégralement reversés au Secours populaire dans les Bouches-du-Rhône. Les jeunes de la fédération du Val-d’Oise se sont mobilisés avant les fêtes pour collecter à Saint-Ouen-L’Aumône.