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À Mayotte, Éline raconte un quotidien toujours difficile

Il y a cinq mois, le cyclone Chido ravageait l’île de Mayotte. Le 101 département français, déjà frappé par une crise humanitaire, subissait la pire catastrophe de son histoire. Depuis le Secours populaire* s’est mobilisé pour venir en aide aux populations aux côtés de ses partenaires sur place. Éline Zinedini, jeune femme de 20 ans en service civique au collège de Kwalé à Tsoundzou se souvient de ce 14 décembre et témoigne des difficultés qui perdurent et de ce difficile retour à une vie normale. Interview.
Le 14 décembre dernier, le cyclone Chido frappait l’île de Mayotte. Quels souvenirs gardez-vous de cette journée ?
Nous avions reçu des alertes la veille nous annonçant l’arrivée d’un cyclone d’une force extrême. Avec ma mère, nous avons décidé de nous regrouper à la maison avec notre voisin et son fils de 2 ans. Nous avions fait des provisions car nous ne savions pas comment cela allait se passer ni combien de temps nous allions être confinés chez nous. Je suis restée dans ma chambre. Je me souviens du bruit du vent. C’était terrible et très fort. Cela n’a pas duré très longtemps mais je garde ce bruit en mémoire. Cela a commencé vers 9 heures du matin et s’est arrêté vers 11 h 30, mais cela nous a semblé long. Avec ma mère, nous avons eu de la chance car notre maison est en dur, seules les tôles de notre cuisine, qui est sur la terrasse, se sont envolées. Notre abri de jardin n’a pas résisté non plus. Mais j’ai conscience que nous faisons partie des chanceux de Mayotte. Il y a tellement de familles qui ont tout perdu et qui sont encore dans des abris de fortune. Je n’avais jamais vécu de cyclone aussi violent. On ne peut pas oublier un jour comme celui-là. Je crois que ce 14 décembre restera dans les mémoires de Mahorais encore longtemps. Quand nous sommes sortis de chez nous, nous avons découvert une ville détruite.
Aujourd’hui la vie a-t-elle repris un cours normal ? Comment s’organise le quotidien des Mahorais ?
En ce qui nous concerne, nous n’avons pas trop de difficulté à trouver de la nourriture, pour l’eau, cela n’est pas toujours simple, mais c’est une habitude sur l’île. L’eau n’est pas toujours disponible dans toutes les maisons. Ce n’est pas comme en métropole. Après le passage du cyclone, la vie s’est arrêtée, je suis restée deux mois sans aller travailler dans mon collège. Il a d’abord été utilisé comme centre d’hébergement pour les familles qui n’avaient plus de maison. Et puis une fois qu’elles sont parties, il a fallu réparer ce que le cyclone avait détruit. Aujourd’hui la situation des enfants, notamment des écoliers et des collégiens, reste compliquée. Ils ont tout perdu, n’ont plus aucunes affaires scolaires. On leur donne le peu que l’on a, parfois on ne peut leur donner qu’un stylo. Tous les élèves n’ont pas repris l’école à temps plein. C’est dur pour eux. Ils aimeraient que la vie redevienne comme avant. Je pense que beaucoup d’enfants et de familles sont traumatisés. Nous avons eu tellement peur.
Comment voyez-vous les mois à venir ?
Je pense qu’il va falloir du temps pour que la vie redevienne comme avant. Il y a eu beaucoup de destructions, même si de nombreuses familles ont déjà reconstruit leurs maisons. Il y a encore des problèmes d’approvisionnement en eau, en électricité et en nourriture. D’ailleurs, la solidarité qui s’est mise en place dès le lendemain du passage du cyclone est encore présente. Quand, dans un quartier, on apprend qu’une distribution alimentaire va se faire, les gens se préviennent les uns les autres pour qu’elle profite au plus grand nombre. Les familles prennent soin des autres. Et puis, en plus des pertes et des dommages matériels, il y a la perte des êtres chers. On n’en parle pas beaucoup, mais le cyclone a fait beaucoup de morts et de nombreuses familles sont endeuillées.
*Depuis le 14 décembre 5 missions du Secours populaire se sont rendues sur place. En partenariat avec des associations locales partenaires la solidarité s’est immédiatement mise en place. Aujourd’hui l’heure est à la reconstruction et à la mise en place de projets autour de la pêche, de l’agriculture et de la santé.