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Mayotte : nouvelle mission sur place, trois mois après le cyclone Chido

Mis à jour le par Olivier Vilain
Mayotte bidonville tsingoni fille rit
La mission s’est rendue dans le bidonville de Marakania avec l'association Horizon, un partenaire local du Secours populaire ©N. Navin / SPF

Trois mois après le passage du cyclone Chido à Mayotte, l’île de l’océan Indien panse ses plaies. La 4e mission du Secours populaire s’est rendue sur place pour assurer la coordination avec les 4 partenaires locaux de l’association. L’occasion de mieux appréhender le problème que constituent la crise de l’accès à l’eau potable et la diminution de l’accès aux soins.

La 4e de mission Secours populaire s’est rendue à Mayotte du 9 au 15 mars, trois mois, jour pour jour, après le passage du cyclone Chido qui a ravagé l’île. Les images communes complétement détruites sont encore dans toutes les mémoires. Pour le moment, si le nombre de victimes exact reste encore inconnu, les habitants se démènent pour reconstruire les maisons dans les villages et les abris de tôles ondulées des bidonvilles. La mission du Secours populaire s’est rendue dans celui de Marakania, sur la commune de Tsingoni, avec des membres d’Horizon, une association partenaire du Secours populaire. Les habitants de ce quartier totalement déshérité avaient reçu des pastilles de chlore pour potabiliser l’eau, lors d’une précédente mission.

L’accent avait été mis sur les produits de première nécessité

Le chantier de la reconstruction de l’île et de son tissu social parait titanesque. La première mission du Secours populaire était arrivée à Mayotte dix jours à peine après le cyclone Chido. Durant les deux premiers mois, l’accent a été mis sur le soutien des partenaires locaux du Secours populaire afin de renforcer leurs distributions de produits de première nécessité. L’action des associations s’est révélée primordiale, car il n’était pas rare, encore en janvier, pour les bénévoles de rencontrer des sinistrés qui n’avaient rien mangé depuis 3 jours.

« Au-delà de l’aide matérielle apportée par le Secours populaire qui nous a permis de reprendre rapidement notre activité sur le terrain, dans les domaines de l’hygiène de base ou de la jeunesse, par exemple, nos échanges fréquents nous font nous sentir moins seuls », explique Fabien Chevalier-Nkouka, le directeur d’Horizon. Partenaires depuis déjà 5 ans, les deux organisations avaient déjà tissé des liens de confiance avant le passage de Chido.

Pas d’eau courante, pas d’électricité, pas d’évacuation des eaux usées. Les conditions de vie de nombreux habitants de Mayotte sont précaires ©N. Navin / SPF

La mobilisation de toutes les énergies est nécessaire car les problèmes du département français le plus pauvre ont tous été accentués par les destructions provoquées par Chido. Même avant cette catastrophe, « nos établissements scolaires étaient si surchargés que les élèves ne s’y rendaient par roulement que quelques jours par semaine », relève Maël Gloria, coordinateur Jeunesse chez Horizon : « Depuis Chido, nous avons encore moins d’enseignants car une partie a quitté l’île et de nombreuses écoles ont été détruites. »La situation affecte particulièrement les élèves qui « passent le bac, le bac français, le brevet ». Pour Horizon, il apparait également important de proposer, dans les différents quartiers, des activités de loisirs et de médiation culturelle hors du temps scolaire.

Ce partenaire du Secours populaire alerte aussi sur un autre problème qui touche toute l’île : l’accès à l’eau potable. Depuis 2016, l’approvisionnement en eau de Mayotte connait des crises à répétition. L’île manque d’eau et les réseaux sont à la fois vétustes et ne couvrent pas toute la population. Avec la destruction des arbres par le cyclone géant de décembre dernier, seul un tiers des eaux de pluie est retenu dans les sols et va recharger la nappe phréatique. C’est trois fois moins qu’il y a un an. 

Une recrudescence des diarrhées et des maladies de la peau

Dans ces conditions, « le manque d’eau ne peut que s’accentuer et ce qui nous inquiète le plus est que cette perspective est très peu anticipée », déplore Fabien Chevalier-Nkouka, qui s’inquiète de l’augmentation des maladies liées au manque d’eau potable. « On observe une recrudescence de maladies comme la diarrhée par rapport aux années précédentes, souligne Duplexe Dammayao, coordinatrice du pôle Médiation environnementale chez Horizon. On constate, en parallèle, beaucoup de problèmes de peau qui y sont liés, comme la gale. »

Cette problématique se combine avec celle de l’accès aux soins. Le passage du cyclone n’a en rien arrangé le manque de personnel soignant. Résultat, les personnes vivant dans une grande précarité vont peu à l’hôpital parce qu’elles savent que les urgences sont surchargées. Mais aussi « par peur de la police » et d’une expulsion hors du territoire, ajoute Duplexe Dammayao, car une partie importante des habitants sont originaires des Comores.

Les accès aux soins et à l’eau sont préoccupants

La mission du Secours populaire a aussi rencontré les trois autres associations dont elle soutient les actions. Les missions précédentes leur avaient fourni des colis alimentaires, des produits d’hygiène et des dizaines de milliers de pastilles pour purifier l’eau. A ce jour, elles ont apporté 2 500 boîtes d’Aquatabs, de quoi potabiliser environ 150 000 litres d’eau ; 20 pompes filtrantes dont la capacité est d’environ 28 000 litres par jour ; 100 batteries solaires ; 7 antennes satellitaires Starlink pour assurer les communications : chacune permet de connecter 130 appareils simultanément. Sans oublier la fourniture de 2 200 kits d’hygiène comprenant des savons, des brosses à dents, des protections menstruelles, etc.

Don de semences pour la culture vivrière dans le nord de l’île. Les collectifs paysans, de riverains, de femmes sont actifs pour améliorer la vie quotidienne ©N. Navin / SPF

En coordination avec ses partenaires locaux, le Secours populaire se préoccupe de la relance de l’activité agricole, nécessaire pour nourrir les 320 000 habitants. Dans les commerces, les aliments de base, comme le riz, sont désormais intégralement importés et les prix flambent, « car toute l’agriculture est détruite dans l’île », constatait, dans une interview réalisée fin janvier, Saïd Mohamadi, directeur de l’Association des étudiants et des jeunes de Mayotte, l’un des partenaires du Secours populaire : dans les mois à venir, « les familles ne pourront pas s’appuyer sur ce qu’elles font pousser dans leur jardin et devront tout acheter au supermarché. »

Dans le nord du département, une précédente mission du Secours populaire était allée à la rencontre d’une cinquantaine d’agriculteurs et de pêcheurs. Des achats de petits outillages (débroussailleuses, tronçonneuses…) avaient été réalisés pour leur permettre de remettre en état leurs terres afin de faire repartir l’agriculture vivrière. La délégation avait aussi fourni 80 000 semences de tomates, d’aubergines, de maïs doux, de melons et de pastèques.

A venir, le soutien au maraîchage et à la pêche artisanale

Le Secours populaire prévoit de leur allouer d’autres outils prochainement,  notamment des broyeurs professionnels pour enlever les déchets végétaux des parcelles et les transformer en copeaux pour le paillage des cultures. Une technique permettant de réduire de 50 % les besoins en eau des parcelles. À moyen terme, dans le cadre du soutien à la reprise de l’activité économique des communautés villageoises, un programme de soutien à la pêche artisanale sera mis en œuvre. Certaines communautés de pêcheurs ont perdu leurs embarcations dans le cyclone. Les membres du Secours populaire sont témoins des besoins qui restent immenses sur toute l’île.

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