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Huit petits de Saint-Martin devant le ring olympique

Mis à jour le par Laurent Lefèvre
J.O. Paris Boxe enfants ambiance
L'ambiance était énorme aux 8e et quarts de finale, homme et femme, de boxe qui se sont déroulés aux parc des expositions de Villepinte. Pour le plus grand plaisir des enfants invités par le Secours populaire ©J-M. Raypen / SPF

Treize enfants de la fédération de l’Eure (27) et de Saint-Martin (Antilles françaises) ont assisté vendredi 2 août à des épreuves de boxe des JO à l’Arena Paris Nord de Villepinte (93). Au programme : les huitièmes et quarts de finale homme et femme qui se déroulent sur le site du parc des expositions transformé pour l’occasion en une immense arène sportive.

Plongée dans le noir, la salle impressionne par sa taille. Intimidés, les enfants cherchent leur place à tâtons dans une joyeuse effervescence avec une sono poussée à plein régime. Entouré de quatre écrans rectangulaires suspendus, le ring éclairé par des projections bleutées attire tous les regards. « Faites un maximum d’ambiance », lance en français et en anglais le speaker. Les tubes repris en chœur se succèdent sans temps mort.

À 15 h 25, le ring s’illumine d’une lumière blanche intense. Quelques minutes plus tard, trois coups résonnent pour lancer la compétition. Tout le monde applaudit. « Il y a beaucoup d’ambiance », se réjouit Lina, 13 ans « presque 14 », assise à côté de son frère Mohamed, 11 ans – ils font partie des sept enfants de l’Eure.

Un show à l’américaine

Opposant la Taïwanaise Yu Ting Lin à l’Ouzbèke Sitora Turdibekova en 57 kg (poids plume), le premier combat débute comme prévu à 14 h 30 précises. « C’est quel pays ? », se renseigne Wilson, 11 ans, de Saint-Martin, qui a participé l’année dernière au Village « Copain du Monde » de Marseille. Trilingue – français, anglais, espagnol –, il suit attentivement la rencontre.

« C’est exceptionnel pour les enfants de Saint-Martin, petit pays, de participer à une compétition olympique, souligne Magali, une accompagnatrice. (…) Ils étaient très très loin de penser qu’ils pourraient être invités : totale surprise pour eux ! » ©J-M. Raypen / SPF

Beaucoup d’enfants de Saint-Martin ont pris l’avion pour la première fois et découvrent la métropole. Comme Mabela, 11 ans, qui filme (presque) tout avec sa tablette et prend des photos pour se souvenir des noms des boxeurs. « C’est pour mes parents », précise la jeune fille, qui parle français, anglais et le créole haïtien. « C’est exceptionnel pour les enfants de Saint-Martin, petit pays, de participer à une compétition olympique, souligne Magali de Saint-Martin santé, qui fait partie des cinq accompagnateurs. C’est très généreux de la part du Secours populaire de leur avoir donné cette chance. Ils étaient très très loin de penser qu’ils pourraient être invités : totale surprise pour eux ! »

« Il y a du spectacle »

Au fil des rencontres qui s’enchaînent, les enfants se prennent au jeu et la logique des points attribués aux protagonistes après chaque round devient plus lisible. « C’est le combat où il y a le plus d’accidents », relève Wilson, qui pratique plusieurs sports à Saint-Martin, dont la boxe. Passionné par le spectacle, il encourage ses chouchous et se livre au jeu des pronostics : « C’est la bleue, la République dominicaine, qui va gagner : Dominicana ! Dominicana ! Mes deux parents sont de République dominicaine : c’est pour ça que je parle espagnol. »

Arrivés mercredi matin 31 juillet à Évreux, les six enfants de Saint-Martin, âgés de 8 à 12 ans, ont participé dans l’après-midi du jeudi 1er août à une initiation à la boxe dispensée par le club local. Ils ont suivi un entraînement, appris les coups du noble art et échangé avec le coach et un jeune boxeur : uppercut, direct, crochet, swing, jab… n’ont plus de secret pour ces enfants dont les familles sont suivies par Saint-Martin santé et Cobraced, deux partenaires du Secours populaire.

Très attendu par le public de l’Arena Paris Nord, Billal Bennama en moins de 51 kg (poids mouches) fait une entrée triomphale vers 16 h 40. Au bout de trois rounds de trois minutes très disputés, le Français, opposé au Cubain Alejandro Claro Fiz, décroche son ticket pour les demi-finales. Vainqueur par décision partagée, il quitte la salle sous les acclamations comme un gladiateur auteur du combat de sa vie. Un dénouement salué par le public debout qui déploie des drapeaux tricolores et prédit par Wilson. « Je n’ai pas encore eu tort ! », souligne avec malice le garçon.

« Voir plein de pays »

À leur sortie en fin d’après-midi, les enfants ressentent encore cette ferveur, à l’instar de Mohamed, qui a « préféré l’ambiance, surtout le match de la France ». Cela a donné à ce footballeur « un peu l’envie de pratiquer la boxe ». « Le bruit, le monde, cette immensité, à Saint-Martin, on ne connaît pas, explique Magali. Les enfants de Saint-Martin devaient être bien impressionnés. Mais plus posés et entre eux, ils vont pouvoir se décharger et dire waouh ! »

Durant cette « journée bonheur » aux Jeux olympiques, les enfants venus de l’autre côté de l’océan ont partagé une expérience rare avec leurs amis venus de l’Eure ©J-M. Raypen / SPF

Originaire d’Ukraine, Maksym, l’un des enfants de l’Eure, a « aimé les combats, les champions ». Et « j’ai vu plein de pays », ajoute le garçon âgé de 12 ans, qui a déjà pratiqué le kickboxing, « le jeu avec les pieds et les mains ». « Les combats étaient parfaits, confirme Wilson. C’est violent mais normal pour de la boxe : cela doit être violent. Et je n’ai pas encore quitté la boxe : je vais continuer à Saint-Martin. »

Heureux, les enfants ne sont pas près d’oublier ces moments olympiques. « C’est une expérience magnifique qu’ils n’auraient jamais pu s’offrir », résume Catherine Luffroy, secrétaire générale de la fédération de l’Eure. « C’est une journée bonheur. Même si ce n’est pas des vacances, cela leur permet de se construire, de grandir, d’avoir connu autre chose, de pouvoir le raconter aux copains et dans la rédaction de rentrée scolaire : ‘Qu’avez-vous fait pendant les vacances ?’ ! »