Des séniors à la découverte des Vosges

Du 1er au 5 juillet, un groupe de séniors a séjourné au pied du lac de Gérardmer. Au programme : randonnée sur un sentier botanique, balade en bateau sur le lac, visite d’une confiserie locale, incursion en Alsace... Venus du Puy-de-Dôme tous sont repartis des souvenirs plein la tête.
Parti de Clermont vers 8 h 30, le bus a rejoint les hauteurs du Herbau lundi 1er juillet à 16 h 35 sous une pluie fine qui ne douche pas l’enthousiasme des seniors – vingt-deux femmes et trois hommes âgés de 57 à 87 ans. « J’en avais besoin. Je suis contente de me retrouver ici », se confie Zoubida, de Saint-Éloy-les-Mines, après s’être installée dans son gîte sous un rayon de soleil. Âgée de 87 ans et grand-mère de « dix petits-enfants super beaux », elle a tout de suite téléphoné à son mari gravement malade pour l’informer : « Je suis arrivée : je suis en vacances ! » Atteint d’un cancer, il avait, comme elle, « besoin de reprendre des forces ».
Fabrique de souvenirs et de nouvelles que l’on envoie à ses proches comme si la distance rapprochait, les vacances permettent de couper du quotidien, de mettre sur pause son lot de petits et grands tracas et de se faire de nouveaux amis. À l’instar de Laura, la cadette du groupe, qui, se cherche, un.e partenaire pour jouer aux échecs lors de cette première « soirée détente » passée « ailleurs », qui aura permis de souder le groupe devant le match France-Belgique de l’Euro 2024.
En route vers le sentier botanique de Ramberchamp
Le lendemain après un bon petit-déjeuner, les marcheurs néo-vosgiens sont prêts. Natif d’Épinal passionné par la nature, Bertrand, le responsable du Herbau, guide la troupe qui se lance vers 10 h 15 dans cet itinéraire facile (0,6 km aller-retour) situé dans le parc naturel régional des Ballons des Vosges. Longeant le ruisseau du Phény, ce sentier permet de découvrir les différentes espèces d’arbres de la forêt des Vosges placée sous la protection de l’Office national des forêts (ONF).
Ponctuées d’expressions typiquement vosgiennes, les explications de Bertrand sur la vie de cette forêt et la faune locale – dont l’emblématique grand tétras, espèce protégée en forte régression – ravissent les randonneurs du jour, qui en chemin dégustent des « brimbelles » (la myrtille sauvage locale) et apprennent à distinguer l’épicéa du sapin blanc, qui « fait sa table avec les chandelles ».
Bénévole aidée par l’antenne de Gerzat, Maryse apprécie : « C’est génial et intéressant. » Avec le Secours populaire, « on est toujours bien accompagnés », relève cette femme de boucher non déclarée, qui touche une petite retraite de 550 euros. « C’était très agréable cette balade : j’avais peur de ne pas pouvoir la faire car j’appréhendais la montagne », renchérit Danielle, qui s’aide d’une canne pour marcher depuis qu’elle s’est cassé le fémur. « Les séjours du Secours populaire permettent de vaincre sa peur », relève-t-elle.
Attendue pour un « pot de l’amitié vosgien », la troupe est de retour au Herbau en fin de matinée. « Merci pour l’excursion ! », lance Ludmila, une dame ukrainienne de 74 ans réfugiée en France depuis deux ans, qui s’exprime difficilement en français. « On lui a enseigné des mots et elle nous a appris des termes ukrainiens [dont ‘Dobryj den’ : bonjour, qui se prononce « dob-ri den »]. En fait, on se comprend ! », glisse Dominique, aide-soignante en retraite active (lire son témoignage). « Malgré l’absence de langue commune, j’ai beaucoup échangé avec Ludmila : elle nous a montré des photos de la guerre et expliqué avec des gestes ce qui se passe en Ukraine – les bombes, la peur. Elle s’est ouverte à nous et nous a confié ce qu’elle ressentait. Cela m’a touchée : c’est quelqu’un que je n’oublierai pas et que je reverrai probablement. »
Que demande le peuple !
Dans l’après-midi, tout le monde embarque vers 14 h 50 sur le bateau « L’Étoile » pour un tour du lac de Gérardmer. « Que demande le peuple ! », rigole Zoubida, qui apprécie « d’être ailleurs ». Malgré un temps maussade, cette croisière d’une quarantaine de minutes permet d’explorer les différentes facettes de ce lac d’origine glaciaire de 117 hectares alimenté par quatre ruisseaux. « On découvre, on rencontre de nouvelles personnes : l’atmosphère est familiale et sympathique », note Philippe, qui participe à ce séjour avec sa compagne Marie.
L’après-midi se termine par la visite de la Confiserie géromoise afin de découvrir les étapes de fabrication artisanale des bonbons des Vosges, en l’occurrence de succulents spécimens au miel. Composé d’eau, de sucre et de glucose portés à 150° dans une casserole dans laquelle a été ajouté le miel en fin de cuisson, le sirop de sucre chaud est renversé sur une table sous les exclamations : « Waouh ! »
Formant une énorme boule, ce bonbon de 15 kg est travaillé et malaxé par un jeune confiseur muni de gants sur cette table refroidie à 3° : « On le replie sur lui-même comme une pâte feuilletée pour qu’il ne refroidisse pas trop vite d’un côté ou de l’autre. C’est comme jouer avec de la pâte à modeler un petit peu chaude : 90°! » Après être passée dans une machine qui donne une forme de petits sapins aux friandises, la pâte refroidie à 75° permet d’obtenir environ 7 500 bonbons. Une fois glacés dans une sorte de bétonnière, les bonbons, encore chauds, sont prêts à être dégustés.

« À travers ces visites, les [seniors] vont explorer les territoires des Vosges, de l’Alsace et leur terroir. Ils aiment et ont envie d’apprendre. C’est un vrai bonheur de leur faire plaisir, de partager ces moments de découvertes d’un territoire et ils nous transmettent plein de choses », souligne Sigrid, bénévole chargée des vacances seniors à la fédération du Puy-de-Dôme, qui accompagne le groupe. « Pour ceux qui ne peuvent partir que grâce au Secours populaire, c’est vraiment leur bouffée d’oxygène. Ces séjours leur permettent aussi de se trouver ou d’apprendre à se connaître dans un environnement différent de leur quotidien. »
« Je suis contente de découvrir cette région »
« Sans l’aide financière du Secours populaire avec qui j’ai également effectué un voyage en Espagne à Calella sur la Costa Brava en septembre 2023, je ne pourrai pas partir en vacances », confirme Monique, secrétaire-comptable à la retraite, qui vit à Volvic. « Ces cinq jours à Gérardmer, c’est mes vacances. J’oublie mes soucis, je pars, je vais voir autre chose : cela fait du bien ! Tout le monde n’a pas la possibilité de partir : je suis contente de découvrir cette région que je ne connaissais pas. » Près de la moitié des Français et environ deux tiers des plus modestes (63 %) ne partent pas en vacances alerte l’Observatoire des inégalités.
« Les seniors sont souvent seuls, isolés, [parfois] un peu délaissés par leur famille et nous avons un rôle à jouer, constate Sigrid. On a envie de les aider, de les écouter, de leur faire du bien. Ils ont le droit eux aussi de pratiquer des activités intéressantes et d’avoir du bonheur. »
Reportage réalisé par Laurent Lefèvre