Émanciper
A Dijon, le Noël des étudiants au Palais des sports

Pour Noël, les étudiants confrontés à la précarité étaient invités par les bénévoles du Secours populaire à assister à une rencontre de championnat de basket entre Dijon et Limoges. Un moment de détente bien venu, au terme duquel ils sont repartis avec des abonnements pour aller au cinéma, pendant les fêtes ou lors de la nouvelle année.
L’ambiance est chaude au Palais des sports de Dijon, ce samedi 16 décembre. L’équipe de basket locale, la JDA, a d’abord été distancée par leurs adversaires de Limoges, avant de reprendre le terrain perdu à la fin de la première mi-temps et de s’imposer largement 90 points à 60 à l’issue de la rencontre. Sur les gradins, c’est le délire. Juste avant la rencontre, les joueurs de Dijon sont entrés sur le terrain en arborant tous des bonnets de Pères Noël verts pour remettre symboliquement les paniers de jouets neufs apportés par les spectateurs aux bénévoles du Secours populaire.
« Tout ça, c’est la joie d’être ensemble ! »
Un groupe de supporters à ponctué toutes les actions en frappant sur de gros tambours et en agitant des fanions. Sur le côté, joignant les mains, les portant à sa bouche, crispant ses doigts, Teung ne cachait pas son angoisse lorsque les Limougeauds franchissaient la ligne dijonnaise des 3 points, se levant pour applaudir quand la JDA marquait au contraire des paniers. Etudiante venue de Taïwan, Teung est assise à côté de son amie Mayerly. Elles sont accompagnées de Daniel, Katerina ou Nasser qui, eux aussi, applaudissent à tout rompre. « J’adore le basket, je suis le championnat de près », confie Daniel, casquette retournée et un sourire allant d’une oreille à l’autre.
« Tout ça, c’est la joie d’être ensemble ! Dijon est une ville accueillante », sourit Mayerly. La jeune femme de 28 ans a vécu jusqu’ici dans son pays natal, la Colombie. Après un master en mode, elle est arrivée en septembre dernier en France pour compléter son cursus par une licence de langues étrangères. « Je pense que la combinaison des deux cursus va m’ouvrir les portes du monde du travail. »
Mayerly et les jeunes qui l’entourent dans la chaude ambiance du Palais des sports font partie de la trentaine d’étudiants en difficulté invités à assister au match par la fédération de Côte-d’Or du Secours populaire. Son secrétaire général, David Lebugle, est au milieu d’eux. Il encourage les joueurs et fait entendre – sans timidité excessive – sa désapprobation à chaque action ratée par son équipe favorite.

Chaque mois, le Secours populaire invite des personnes aidées aux matchs de basket, grâce à un triple partenariat avec la JDA, avec la Fédération nationale de basket et avec la mairie, depuis des années. « Les deux partenaires mettent à notre disposition des places à tous les matchs. Donc, nous invitons des familles, des enfants et cette fois des étudiants. » Ces derniers ont été orientés vers le Secours populaire par la Commission solidarité étudiante de l’université de Bourgogne.
Un dispositif unique en Europe : « C’est un guichet unique où se rendent les étudiants rencontrant toutes sortes de problèmes (de revenus, de logement, de papier). Les deux seules autres commissions du même type se trouvent au Canada », explique Vanessa David-Vaizant, sa responsable, présente lors de la soirée.
« 700 étudiants qui vont rester sur le campus pendant que nous allons réveillonner en famille. »
Vanessa David-Vaizant, responsable de la Commission solidarité étudiante de l’université de Bourgogne
Pour Noël, cette professionnelle de l’action sociale « voulai[t] absolument faire quelque chose pour les 700 étudiants qui vont rester sur le campus pendant que nous allons réveillonner en famille ». Elle a donc programmé une soirée de fête spéciale Noël et c’est le Secours populaire qui va apporter de quoi faire un repas de réveillon chaleureux : saumon, bûches, fromages fins…
« Nous avons toute une campagne en place pour les fêtes de fin d’année », relève David Lebugle, responsable local du Secours populaire, en élargissant le propos : le point d’orgue sera l’invitation de 350 personnes pour lancer la nouvelle année, les 4 et 5 janvier, avec au programme une matinée au Trampoline Park, un déjeuner au restaurant chinois, puis une séance de cinéma familial avec Wonka, du nom d’un personnage de Charlie et la chocolaterie. Des séjours sont aussi prévus, l’un à Strasbourg pour visiter le marché de Noël et le château du Haut-Koenigsbourg ; l’autre dans le Mercantour pour des personnes seules.
Un jeune sur 5 ne pratique par de sport
Retour au Palais des sports : accéder au sport, aux loisirs, assister à des rencontres sportives, sont très appréciés des étudiants. « Venir voir un match de basket, c’est une opportunité », confie Mike, 20 ans. « Les loisirs, c’est ce qui me manque le plus. » Pour le moment, son frère, de 10 ans son aîné, qui travaille dans une agence bancaire, lui paie son loyer. « Je dois payer les transports, la nourriture, etc. Cette soirée, je l’ai attendue depuis longtemps ; j’y retrouve en plus mes amis. »
Mêmes réflexions chez Mayerly : « Se détendre, je pense que c’est bien pour notre santé mentale. Sinon à la fin de l’année, tu te rends compte que tu n’as rien fait d’autre qu’étudier : tu n’as pas fait de sport, tu n’es pas sortie… Tu ne peux pas passer toute ta vie dans 9 m². » Plus d’un étudiant sur cinq ne pratique pas d’activité sportive, selon un rapport de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (*).

Selon une étude du ministère des Solidarités, 26 % des jeunes de 18-24 ans vivent sous le seuil de pauvreté (*), soit un revenu inférieur à 1158 euros par mois pour une personne seule. Des centaines de milliers d’étudiants n’ont donc pas de ressources à consacrer au sport ou aux loisirs. Le premier point de tension est l’hébergement, après l’alimentaire, puis les transports.
« C’est vraiment la dernière chose qu’ils ont en tête, confirme Vanessa David-Vaizant. Comment penser à la pratique sportive quand on n’arrive déjà pas à s’acheter un gel douche ou un paquet de pâtes ? » La situation est si tendue avec l’inflation, que 54 % de jeunes interrogés sautent des repas pour des raisons financières, contre 43 % en 2022, selon une enquête de l’association Linkee et des universités Lyon II et Paris I (*).
« Se changer les idées, c’est important (…). Une place de cinéma ou au Palais des sports, je ne peux pas me les payer. »
Mayerly, étudiante colombienne
A la fin du match, les bénévoles du Secours populaire ont également distribué aux jeunes des cartes d’abonnement pour des sorties cinéma. Aller dans une salle française quand on vient, comme Mayerly, de l’autre côté de l’Atlantique, « c’est même une expérience à vivre ». « Se changer les idées, c’est important car tu ne peux pas faire qu’étudier sinon tu finis en dépression. Une place de cinéma ou au Palais des sports, je ne peux pas me les payer, souligne la jeune femme colombienne, rayonnante. Des sorties avec des gens de mon âge avec qui je peux me lier d’amitié et avec qui je peux parler des problèmes que nous avons en commun, c’est vraiment bien. »
Les étudiants aussi ont besoin de passer de bonnes fêtes
Le Secours populaire propose tout au long de l’année des sorties, une journée au parc d’attractions Nigloland, un baptême de l’air, à la mer aussi, des voyages à Paris, d’aller voir des matchs du PSG, des balades en VTT, des voyages à la mer. « Les bénévoles du Secours populaire font des choses incroyables », résume Vanessa David-Vaizant, qui voit les effets de l’inflation sur le campus : l’année dernière, son équipe de la Commission sociale de l’université a accompagné 110 étudiants. Début décembre 2023, l’accompagnement avait déjà concerné plus de 320 étudiants. « On les aide, avec les associations, à régler leurs difficultés matérielles, et on les suit jusqu’à ce qu’ils aient leur diplôme. »
(*) recherche documentaire effectuée par Théodore Baer
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