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Soirée d’échanges au Restaurant universitaire : quand la précarité se raconte et s’expose

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« J’étais au ciel, il ne manquait plus que les étoiles. » Ces mots, prononcés par Lucie lors d’une journée de bien-être organisée en mai par le Secours populaire, résonnent encore. Jeudi 11 septembre, au Restaurant Universitaire Vaurouzé, ce sont d’autres voix, d’autres visages qui, en plus du sien, se sont levés pour dire la pauvreté, la précarité, mais aussi la résilience et l’espoir. Une soirée où les chiffres du baromètre Ipsos ont croisé les récits de vie, où l’art a épousé l’engagement, et où l’émotion a rappelé à chacun que la solidarité est une force vivante.

La précarité en chiffres et en visages

La conférence de presse, ouverte par Anne-Claude Pavet, Secrétaire générale de la Fédération de la Sarthe du Secours populaire, a planté le décor : 57 % des Français connaissent une personne en situation de pauvreté, 34 % craignent de basculer dans la précarité, et 31 % ne peuvent plus se procurer une alimentation saine trois fois par jour.

Anne-Claude Pavet, Secrétaire générale, présentant les résultat du baromètre IPSOS

Une précarité qui frappe particulièrement les jeunes

Parmi les publics les plus touchés, les jeunes occupent une place alarmante. 50 % des 18-25 ans se déclarent mécontents de leur niveau de vie, et 1 jeune sur 2 exprime un fort sentiment d’angoisse en pensant à son avenir. Les difficultés s’accumulent : 40 % sont insatisfaits de leur accès aux soins, 48 % peinent à se procurer une alimentation saine et équilibrée, et 56 % rencontrent des obstacles pour accéder à des loisirs ou à la culture. « La précarité des jeunes, c’est une bombe à retardement sociale », alerte Anne-Claude Pavet. En Sarthe, le Secours populaire accompagne chaque année 250 à 350 étudiants et 1 500 jeunes de 18 à 25 ans, un chiffre qui ne cesse de croître.

Des chiffres qui glacent, mais qui prennent une tout autre dimension quand ce sont des femmes, des hommes, des jeunes qui les incarnent.

Des jeunes étaient présents pour témoigner

Sima, jeune bénévole, a rappelé l’importance de la solidarité :

J’ai décidé de m’engager au Secours populaire car ma famille a beaucoup été aidée. Mon conseil, c’est de ne pas rester isolé.

Les enfants élevés dans la précarité grandissent trop vite. Ils développent des traumatismes dus à l’expérience de la pauvreté.

Olga et Sima, bénévoles du Secours populaire, étaient en tribune pour témoigner.

Olga, jeunes bénévole du Secours populaire, a rejoint une autre ville étudiante et se sent isolée. Elle a confié sa peur :

Je connais beaucoup de personnes en situation de précarité. Moi-même, je suis seule dans une ville que je ne connais pas. J’ai peur de devoir être la personne qui aura besoin de l’aide du Secours populaire. Je sais que ça peut arriver à tout moment.»

Amara, accompagné par le Secours populaire, souffre de ne pouvoir travailler :

Je suis tout le temps dans ma chambre, car je n’ai pas le droit de travailler. J’aimerais pouvoir travailler…

L’assistance écoute le témoignage des jeunes présents dans la salle.

Ayman, étudiant en master 2, accompagné par le Secours populaire :

Autour de moi, je vois des jeunes tomber dans l’argent facile, prendre des risques pour eux-mêmes. J’essaye de résister et de rester optimiste, même si je suis de plus en plus inquiet. Je me dis que tant qu’il y a de la chance, il y a de l’espoir.

Joseph, également en master 2 :

J’étais dans le secteur financier. Recherchant un métier avec plus de sens, j’étudie maintenant en master économie sociale et solidaire. La précarité empêche de faire des choix totalement libres. On peut dormir dans la rue mais pas vivre sans manger.

Ces témoignages, recueillis entre les murs du restaurant universitaire, ont rappelé une évidence : la précarité n’est pas une abstraction. Elle a un nom, un visage, une histoire.


« Je, tu, elle(S) » : l’art au service de la dignité

Le cœur de la soirée battait au rythme de l’exposition « Je, tu, elle(S) », projet né d’une rencontre entre le Secours populaire et l’association « De l’autre côté du miroir », présidée par le photographe Jacques Cohen. Pendant un an, quatre femmes – Mickaël, Lucie, Guyrlaine et Boh – ont accepté de se livrer, de raconter leurs combats, leurs chutes, leurs réussites. « Essayer de rendre visibles celles qui trop souvent sont invisibles dans la société… », écrit Jacques Cohen, qui avait rédigé un texte pour l’occasion. Mission accomplie.

Les portraits, accrochés aux murs du restaurant universitaire, dévoilent des parcelles de vie : un regard qui se détourne, une main qui se tend, un sourire qui perce malgré tout. « On ne peut plus se taire, il faut que les autres sachent », a murmuré Boh, l’une des participantes, lors du vernissage. Elle a eu le courage de témoigner, en plus de l’exposition, devant les journalistes et l’assistance. Elle a pris la parole pour raconter son parcours et briser les idées reçues qu’elle subit. A la fin de la soirée, beaucoup de participants ont témoigné de l’émotion qu’ils ont ressenti en l’écoutant.

Boh a eu le courage de témoigner devant une salle comble.

« Ces femmes ont osé se mettre en lumière pour que d’autres, restées dans l’ombre, se sentent moins seules », a souligné Alicia Babin, chargée de projet au Secours populaire.

Alicia Babin revient sur le projet « Je, tu, elle(S) ».

L’exposition, visible jusqu’au 3 octobre, est une invitation à voir au-delà des préjugés. « La photographie ouvre le regard sur celles qui font aussi notre société », rappelle Jacques Cohen dans son texte. Et ce regard, hier soir, était tourné vers elles.


La solidarité en action : un appel à ne pas rester spectateur

La soirée a également porté un constat amer : les subventions s’effondrent. « 68 000 € en moins pour l’aide alimentaire et aux étudiants, c’est un tiers de notre budget qui disparaît », a alerté Valentin Bourgeois, Directeur général de la Fédération de la Sarthe. « Pourtant, la précarité ne recule pas. Elle s’installe, elle s’enracine. »

Face à cette réalité, le Secours populaire a lancé un appel : « Personne ne doit rester les bras croisés. » « Chaque citoyen, chaque élu, chaque entreprise peut agir », a insisté Valentin Bourgeois. « Rejoignez-nous, devenez bénévole, financez un projet, achetez un billet suspendu pour le concert du 25 octobre… La solidarité, c’est l’affaire de tous. »

La soirée s’est achevée autour d’un pot convivial, où les échanges ont prolongé l’émotion. « Ce qui m’a marqué, c’est leur courage », a confié une étudiante présente dans le public. « Elles nous montrent que même dans la tempête, on peut se battre. »


Et après ?

L’exposition « Je, tu, elle(S) » continuera son chemin après le 3 octobre. « Nous cherchons des lieux pour l’accueillir », précise le Secours populaire. En attendant, d’autres rendez-vous sont déjà fixés :


« La pauvreté a de multiples visages, mais elle a aussi une réponse : la solidarité. » Hier soir, au Restaurant Universitaire Vaurouzé, cette réponse a pris corps. Elle s’est racontée, exposée, partagée. « Le dire pour agir » n’est pas qu’un slogan. C’est une promesse. Et hier, elle a été tenue.

Merci à Marion Chevreuil pour les photos de la soirée et à tous les partenaires, bénévoles, donateurs et curieux pour leur présence. Merci à Madame Boursier, Directrice générale du CROUS des Pays de la Loire et à Madame Letort, Présidente de Le Mans Université, pour leur accueil.