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Rencontres avec 6 artistes solidaires au Solid’art 2024

Mis à jour le

Les bénévoles du Secours populaire de l'Hérault ont interviewé 6 artistes solidaires qui ont exposé leurs oeuvres à l'occasion du Solid'Art 2024 au Zénith de Montpellier. Au travers de ces récits vous découvrirez Grégory Valentin, PROOZ, Kathy Bassaget, CIES, TOTO et Gaëtan.

Rencontre avec Grégory Valentin

« Solid’art, une cause utile et concrète pour les enfants »

Grégory Valentin est un artiste Lillois, architecte de formation. Son travail consiste à récupérer des parties intégrales de textes de livres pour en faire une œuvre plastique : enlever toutes les scories, les numéros de pages, tout ce qui n’est pas utile à la lecture pour ensuite choisir, pour chaque roman, une police de caractère, une couleur, un papier afin de retranscrire le fond du roman en une forme visuelle, d’avoir un lien entre forme et fond, pour une interprétation de la relation entre un roman existant et une œuvre plastique nouvelle.


Il est arrivé un peu par hasard à ce type de travail. Il est en réalité un touche-à-tout : architecte de formation, il est aussi graphiste, musicien, photographe, mais s’il y a un talent qu’il n’a pas, c’est celui d’auteur, alors qu’il a une fascination pour les écrivains auxquels il aime rendre hommage. Le premier travail de ce type qu’il a entrepris a porté sur Le Horla de Maupassant qui l’a beaucoup marqué dans sa jeunesse : il avait envie de l’avoir chez lui. Et, de fil en aiguille, la littérature et l’amour qu’il lui porte étant inépuisables, il a continué.

Son travail comporte 90% d’impression : il récupère le texte brut, et passe par différents logiciels de traitement d’image pour obtenir ce résultat, faire ensuite un tirage sur papier (c’est la mémoire du livre), qu’il soit brillant, mat, satiné. Pour certains tableaux, c’est de l’acrylique sur toile, pour d’autres de la sculpture en inox, d’autres de l’éclairage de lettres, bref différentes techniques pour rendre l’esprit du roman.


C’est lui qui choisit les textes (ce ne sont pas des commandes), parce qu’il faut que le texte lui raconte quelque chose, mais le processus est toujours incertain. Le passage à l’image peut être rapide, mais par exemple pour La Disparition de Georges Pérec (auteur auquel son adresse mail fait référence), il lui a fallu quatre ans pour trouver l’idée. Pour ce salon, il a fait la sélection chez lui, en axant sur le roman et les bleus pour présenter un ensemble cohérent.

Grégory Valentin est lillois et un grand fidèle de Solid’Art, même si c’est la première fois qu’il vient à Montpellier, alors que c’est la 6ème ou la 7ème à Lille, sans parler de Paris ou Marseille. La principale raison de sa présence est que la cause est utile, concrète, pour les enfants. Une autre raison est que Solid’Art est un des seuls salons où les artistes sont présents, et il s’y crée une sorte de réseau, on devient amis, on engage des collaborations, des échanges, et cela n’a pas de prix. De plus, tout le monde est content : le Secours populaire récolte de l’argent pour les enfants, les acheteurs sont contents de rencontrer des artistes et leur œuvre, et les artistes kiffent le moment.

Rencontre avec PROOZ

« Le Secours populaire a ramené un côté humain dans les salons artistiques, que l’on ne retrouve pas ailleurs »

Steve Peiremans, PROOZ est son nom d’artiste, est belge mais il vit à Perpignan depuis 25 ans. Avant de s’y fixer, il a fait une fac d’arts graphiques et de beaux-arts en Belgique, puis il a un peu bourlingué. Dans son atelier perpignanais, il développe des ponts entre l’art contemporain et l’art urbain, en mélangeant les graffiti avec sa formation classique.

La peinture est sa passion depuis tout petit, et c’est pour cela qu’il a d’entrée orienté ses études dans ce sens-là. Pour gagner sa vie, il a d’abord fait du dessin industriel, des échafaudages, tout en gardant toujours le soir du temps pour la peinture, la préparation d’expositions…, jusqu’à ce que, il y a une quinzaine d’années, il se dise : « Bon, on y va ! ». Ont suivi deux ou trois ans de traversée du désert avant de trouver sa place : on l’appelle « l’artiste heureux » parce qu’il est très heureux de vivre de sa passion.

Peut-on qualifier son travail de « street art » ? Prooz est d’autant moins fan des étiquettes qu’il travaille à mélanger formation classique et art urbain : donc, il est si l’on veut « street artist », mais pas que…Il aime explorer plein de choses nouvelles. Il travaille essentiellement à l’aérosol, avec des bombes de peinture, mais en essayant de les détourner de leur utilisation commune (qui donne des aplats, des couleurs vives) : il joue des temps de séchage, il tartine plusieurs couches qu’il enlève ensuite avec des morceaux de papier, avec des outils, de manière à créer de la matière. Quant aux supports, l’avantage des bombes de peinture est que l’on peut faire ce qu’on veut sur du verre, de l’aluminium, du papier. En exposition, c’est souvent sur de la toile, qui donne un certain cachet au travail. Mais Prooz peut tout aussi bien travailler sur du carton, des murs, des voitures : il n’y a aucune limite avec ce type de peinture en aérosol.

Prooz participe à Solid’Art avant tout pour la cause. Parce que, quand on travaille en galerie, le galeriste prend 50 à 60% de la recette. Prooz préfère donner cela au Secours populaire. Il a précédemment participé au Salon à Lille, Montpellier, Paris, car il trouve que le Secours populaire a ramené un côté humain dans les salons artistiques, côté que l’on ne retrouve pas ailleurs, où vous êtes juste un numéro dans une case pendant trois jours sans aucun retour. Pour lui, ce qui caractérise Solid’Art, ce sont les petites dames bénévoles qui, le matin, vous proposent un café. C’est magique : elles repassent dix fois dans la journée en demandant à chaque fois si tout va bien. Pour tout ce qui lui reste de carrière, Prooz ne veut plus rater un seul Solid’Art.

Quant à cette cause du Secours populaire pour les enfants et leurs vacances, ce serait bien qu’en fait on n’ait plus à en parler : c’est une cause magnifique, mais le but serait de ne plus avoir à faire cela et que tout gamin puisse connaître ce que nous avons tous plus ou moins connu.

Rencontre avec Kathy Bassaget

« C’est une amie bénévole au Secours populaire qui l’a convaincu de candidater au Solid’art !« 

Kathy Bassaget est sculpteur-céramiste. Elle travaille essentiellement l’animalier, mais elle soude également, de sorte qu’elle peut associer de la céramique à de l’acier, à des objets de récupération. Sètoise, elle s’est formée à l’École des Beaux-Arts de Sète dans les années 90, puis elle a fait des stages chez des potiers, dans des écoles de céramique, avant d’installer son atelier à Frontignan. Au départ, elle était pharmacienne assistante : elle travaillait en pharmacie dans la journée, et le soir elle faisait des sculptures. La chimie, apprise en pharmacie, a aidé pour l’émaillage de ses pièces.

Elle utilise l’argile que d’abord elle modèle, qu’ensuite elle sèche avant de la faire cuire dans un four potier, avant de l’émailler et de le refaire cuire. Quand elle utilise des structures en acier, elle travaille d’abord le modèle sur la structure en acier, modèle qu’elle enlève ensuite, qu’elle fait cuire et qu’elle replace ensuite sur la structure en acier.

Elle ne travaille pas que des formes animalières. Elle fait aussi quelques bustes féminins, mais toujours avec des excroissances animalières (queue de poisson, cornes de taureau…) : il y a toujours une dimension animalière. Contrairement à ce que peuvent penser beaucoup de gens, son travail n’est pas influencé par la BD : elle est incapable d’en lire et elle ne regarde jamais de film d’animation, même si sa petite-fille termine actuellement ses études de cinéma d’animation !

C’est sa troisième participation à Solid’Art, qu’elle a connu grâce à une bénévole du Secours Populaire qui l’a encouragé à venir participer, ce dont elle est aujourd’hui ravie. De plus, elle a quelques amies à Sète qui sont bénévoles et cela n’a pu que renforcer le lien.

Rencontre avec CIES

« La cause soutenue est précieuse et c’est un moment très agréable de partage »

Stéphane Cloteau est architecte-sculpteur. Il a installé depuis une quinzaine d’années son atelier à Marseille. Il travaille principalement l’acier, les fibres composites comme le carbone, pour créer des assemblages en volume. Il a obtenu son diplôme d’architecte au début des années 2000, et c’est pendant ses études qu’il a commencé à s’intéresser à la sculpture, à travers la fabrication de nombreuses maquettes d’architecture permettant de travailler le volume, la perspective, ce qui lui a servi pour commencer à faire des sculptures, d‘abord pendant 10-15 ans pour son propre plaisir, puis, à partir de 2017-2018, il a décidé de se professionnaliser, de faire des expositions, sur des thèmes que l’on peut retrouver aujourd’hui sur son stand.

Il travaille essentiellement la tôle d’acier qu’il découpe, assemble, soude, ou les fibres composites. Il s’attache beaucoup à la matière et privilégie les matières brutes. Peu de teinture, de peinture, de finition : juste quelques patines pour garder telles quelles les matières.

Ses œuvres sont principalement de taille moyenne, de 70-80 centimètres, ce qui donne des choses pas trop imposantes, que l’on peut placer dans un intérieur, chez soi. Mais il réalise aussi des choses plus grandes, plus imposantes, pour des jardins, par exemple sur commande pour un festival de jardins de Taïwan en partenariat avec une entreprise locale. Mais l’essentiel de sa production se situe entre 50 et 80 centimètres. Depuis cette année, il s’aventure dans des œuvres murales, ce qui lui permet de se renouveler, d’avoir une approche différente de celle de la sculpture sur pied.

Il n’a pas de prédilection particulière pour le noir, mais plutôt le souci de maintenir la matière brute où le carbone noir restera noir. Quant à l’acier, il est travaillé avec une patine un petit peu graphite qui surligne légèrement les arêtes et donne des reflets grisés qui mettent en valeur l’acier. Cela dit, il aime bien la couleur et a précédemment fait des séries colorées, mais il est vrai que ces derniers temps il a voulu revenir à l’essentiel, à des choses minimales, parce que la matière brute l’intéresse. Et puis, dans le noir, les reflets qu’on peut avoir avec la lumière sont du plus bel effet, avec des teintes différentes.

C’est sa première participation à Solid’Art. Il avait visité, il y a quelques années, l’édition qui s’était tenue à Marseille, son port d’attache : ça l’intéresse de participer à cette cause qui est noble et il est fier de pouvoir apporter sa pierre à l’édifice. Soutenir les enfants, donner de son temps ou de sa production pour soutenir la cause est gratifiant : c’est d’abord pour cela qu’on est là. Les retours que l’on a des personnes présentes sont très précieux. Jusqu’à présent, il travaillait surtout en galerie où l’on a moins de retour des visiteurs, des collectionneurs. Ces retours sont précieux, la cause soutenue est précieuse aussi, et c’est un moment très agréable de partage, de solidarité. CIES est très fier d’être entré dans la famille Solid’Art cette année et de participer : il compte bien continuer.

Rencontre avec Toto

« L’accueil est ici formidable de la part des bénévoles qui sont aux petits soins »

David Ferreira a conservé son nom de famille, mais dans le milieu de l’art, on l’appelle Toto, Toto et sa femme, du coup, tant sa présence à elle, dans sa vie comme dans son œuvre, compte. Tout le monde lui dit qu’il correspond, y compris dans le vêtement, à ses toiles, à leurs couleurs vives, alors qu’en fait, ce sont ses toiles qui lui ressemblent : Toto aime la couleur dans tous ses états, que ce soit chez lui, sur lui, dans ses toiles. Son univers est un univers très coloré.

Il ne vient pas d’un milieu artistique (son père avait une entreprise de charpenterie et sa mère en tenait le secrétariat), et n’a pas de formation particulière. Il n’a donc pas pu faire une école d’art, même s’il aurait beaucoup aimé pouvoir le faire, mais à l’époque, il était difficile de dire : « je veux être artiste ». D’autant que ce n’est pas un métier que l’on choisit vraiment. La passion de la couleur l’a pris tout petit. Sa mère faisait de la poterie, son père de la sculpture, par passion, non par profession. Il a donc suivi une formation de géomètre, parce qu’au collège, quand on est d’origine portugaise, qu’on aime le dessin, on vous met en dessin du bâtiment. Pourtant, il ne se plaint pas : il a ainsi appris la rigueur, le respect du millimètre près, et c’est aussi pour cela qu’aujourd’hui il se permet de ne pas être au millimètre près, de déborder sans cesse. Il a été géomètre jusqu’à l’âge de 27 ans, âge où il a démissionné, avec l’accord de sa femme, parce que c’est compliqué de plonger pour ne vivre que de ça. Et voilà que cela fait 16 ans qu’ils sont tous les deux ensemble sur la route, allant partout où l’on veut bien d’eux.

Ce qu’il crée est peut-être à la limite de l’art brut, mais il a du mal à se définir : il laisse les gens qualifier son travail.

Les techniques utilisées sont de l’acrylique, de la résine, du vernis, beaucoup de matières différentes. S’il n’a pas fait d’études d’art, il est fanatique de la recherche, même s’il a eu la chance de trouver très rapidement une technique : son style est ce qui lui permet de se concentrer sur l’histoire à raconter (comme leurs dernières vacances sur la route). Lui importent : le relief, la texture, la couleur, et le côté très brillant qu’il aime beaucoup.

Pour le choix des œuvres présentées, il n’a rien fait de spécial pour ce salon, mais son thème de l’enfance cadre bien à ses yeux avec cette manifestation. Il y a juste un doudou qu’il a réalisé spécialement pour l’occasion : le reste représente les trois derniers mois de production. Toto n’a pas de planning : il travaille au jour le jour. Quant au choix des cadres carrés…, c’est parce qu’il est quelqu’un de très carré ! Tout ce qu’il fait est à base de formes géométriques : des restes de sa formation de géomètre ?

Il est très content de faire partie de Solid’Art, pour la toute première année, d’abord à Lille où il a découvert la cause, mais tout autant le rapport aux collectionneurs et aux autres artistes. Il fait beaucoup de salons, mais Solid’Art permet de rencontrer à la fois d’autres artistes et le public, le tout pour une très noble cause : l’enfance. L’accueil est ici formidable de la part des bénévoles qui sont aux petits soins : il y a un côté familial, chaleureux, qu’il apprécie beaucoup. Si c’est son deuxième Solid’Art, ce n’est sûrement pas le dernier.

Rencontre avec Gaëtan

« Il a été conquis par la cause, la perspective de rencontrer du monde, et de plus l’ambiance est excellente »

La thématique de son travail de peinture est la foule, ce qui lui vient des attentats de Charlie : c’est pourquoi ses tableaux, d’abord en noir et blanc, sont datés par rapport au jour de l’attentat : par exemple, la mention « j+20 » signifie que le tableau a été peint vingt jours après l’attentat. Mais au fur et à mesure que le temps s’est écoulé, il a remis dans ses toiles de la couleur et de la joie. Toutefois, comme la foule le passionne mais aussi l’effraie un peu, il a une deuxième passion : la cueillette des champignons. Ce qui se voit dans ses paysages, qui sont vierges de tout personnage. Il ne peint pas sur le motif, ne va pas sur le terrain : il se laisse guider par le hasard d’une courbe de montagne, d’un nuage…Il ne cherche pas à composer un tableau à l’avance : c’est le tableau qui va naître d’accidents successifs, un peu comme les foules.

Bien qu’il ait annoncé très tôt à ses parents (médecin, chirurgien), qu’il ne ferait que du dessin, il a dû tout de même passer un bac scientifique, puis faire une école d’art appliqué à Paris pour du graphisme, de l’illustration, et il doit reconnaître que cette dernière lui a permis de vivre en travaillant dans la presse pour la jeunesse, mais sans jamais arrêter la peinture. Et quand celle-ci lui a permis de vivre, notamment grâce à des galeristes très sérieux (à l’Île de Ré, Avignon, Hossegor, Paris, à l’étranger…), il s’y est entièrement consacré. Il est domicilié à Narbonne.

Quant aux matériaux qu’il utilise, il s’agit essentiellement de l’acrylique, mais quand, par exemple pour les paysages, il désire réaliser des fondus, il utilise davantage l’huile ce qui lui permet de faire plus facilement des enchaînements.

C’est sa première participation à Solid’Art et aussi de tenir un stand : les autres fois lorsqu’il présente son travail dans des foires, il n’est pas présent lui-même. C’est un exposant de Solid’Art qui lui en a parlé , en lui en disant le plus grand bien. Il a été conquis par la cause, la perspective de rencontrer du monde, et de plus l’ambiance est excellente.

Les œuvres qu’il présente n’ont pas été sélectionnées spécialement pour Solid’Art :  elles représentent l’ensemble de son travail depuis plusieurs années, y compris ces étiquettes de bouteilles de vin réalisées pour un ami viticulteur.

Retrouvez l’intégralité de l’événement en vidéo ici

Philem et Marc, bénévoles de la fédération du Secours populaire de l’Hérault
Crédits photos / ©Marc-Cabantous-SPF34

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